Zola (Émile), littérateur français, né à Paris le 2 avril 1840, est fils d’un ingénieur italien, François Zola, l’auteur du canal Zola, à Aix en Provence, mort en 1847.

Après avoir passé sa jeunesse dans le Midi, Il vint achever ses éludes à Paris, au lycée Saint-Louis. Employé dans la librairie Hachette et spécialement chargé du service des relations de la maison avec les journaux, il consacra ses loisirs aux travaux littéraires et s’attacha avec énergie à se faire une place dans la presse. Il fournit la collaboration la plus active au Progrès de Lyon, au Petit Journal et à L’Évènement. Dans ce dernier journal, il prit en main la défense du peintre Édouard Manet dont les fantaisies excentriques étaient repoussées par le jury du Salon ; il préludait ainsi à la justification des laideurs et des trivialités auxquelles il devait conquérir une si grande place en littérature. Il collabora ensuite au Gaulois, à La Cloche quotidienne de L. Ulbach, au Corsaire, qu’il quitta à la suite d’un article politique (Le Lendemain de la crise) qui faillit amener la suppression du journal (décembre 1872), etc.

Il avait été sur le point d’entrer dans l’administration politique, après le 4 septembre 1870. Nommé sous-préfet de Castel-Sarrazin par le gouvernement de la Défense nationale, il se serait rendu dans cette ville pour prendre possession de son poste, mais le sous-préfet qu’il venait remplacer serait parti immédiatement pour Bordeaux, où il aurait obtenu de Gambetta le rappel de son successeur, et M. Émile Zola aurait été ainsi rendu aux Lettres.

Malgré son activité comme journaliste, c’était surtout comme romancier que M. Zola se faisait connaître. Sans parler d’essais de jeunesse, conçus en dehors des préoccupations de système ou d’école, tels que Les Mystères de Marseille, Le Vœu d’une morte, plus tard réunis ou volumes, il avait donné un recueil de nouvelles, Contes à Ninon (1864) et bien accueilli de la critique ; puis un roman du genre appelé physiologique, La Confession de Claude (1865), qui marquait déjà la tendance préférée de son esprit. Vinrent ensuite Thérèse Raquin (1867), peinture toute physique de l’obsession et des hallucinations du remords, et Madeleine Férat (1868), étude des influences héréditaires.

Se sentant alors assez fort pour découvrir son parti pris de marcher de pair avec les maîtres, il entreprit toute une série de romans reliés entre eux, suivant le procédé favori de Balzac, par la réapparition des mêmes personnages, sous ce titre général des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire (1871-1893), et d’après un plan arrêté d’avance.

Il publia tour à tour, pendant une première période de dix années (1871-1880), une première suite de dix volumes : La Fortune des Rougon, épisode de l’histoire du coup d’État en province ; La Curée, peinture des désordres du high life parisien de 1800 à 1870, et dont la publication fut interrompue dans La Cloche, sur l’invitation du Parquet ; Le Ventre de Paris, particulièrement consacré à la description des halles centrales et de leurs habitués ; La Conquête de Plassans et La Faute de l’abbé Mouret, mettant en scène l’un et l’autre les moeurs du Midi et les souffrances infligées à un prêtre par le célibat ; Son Excellence Eugène Rougon, pseudonyme transparent d’un des personnages politiques les plus importants du règne de Napoléon III ; L’Assommoir, dont le succès fut plus grand en volume qu’en feuilleton, et où l’auteur, par la peinture minutieuse et crue des putréfactions sociales, mettait en relief toute l’exagération de ses procédés ; Une Page d’amour, qui fit moins de bruit ; enfin, Nana (1880), annoncée, à grand renfort de réclames, comme dépassant toutes les trivialités et les audaces auxquelles paraissait s’être voué l’auteur.

Dans une période suivante, il donne Pot-Bouille (1882), étude plus ou moins fantaisiste des moeurs bourgeoises ; Au Bonheur des Dames et La Joie de vivre (1883), qui firent une moindre sensation ; Germinal (1885), peinture violente des misères du prolétariat ; L’Œuvre (1886), l’un des volumes les moins remarqués de la série ; La Terre (1888), représentant le paysan dans sa plus grossière réalité ; Le Rêve (1888), contrastant par la grâce idyllique avec la plupart des ouvrages précédents ; La Bête humaine (1890), exposition des folies et des manies homicides propres à la vie à outrance des sociétés modernes ; L’Argent (1891), tableau des scandales financiers contemporains transportés sous le Second Empire ; La Débâcle (1892), où l’intérêt du roman s’efface devant la reproduction réaliste des luttes les plus sanglantes de la guerre franco-prussienne ; enfin, Le Docteur Pascal (1893), qui contient un arbre généalogique complet de la famille des Rougon-Macquart, créée de toutes pièces par la fantaisie de l’auteur et peu à peu connu du monde entier.

Car la plupart des volumes qui en exposent les destinées imaginaires ont eu non seulement d’innombrables éditions en France, mais une foule de traductions dans les divers pays. La circulation n’en fut pas même arrêtée par les nombreux et retentissants procès intentés en Allemagne, en Italie, en Angleterre, aux États-Unis, au Canada, contre les reproducteurs et les propagateurs de ces œuvres traitées par les gouvernements et les tribunaux étrangers d’immorales ou même d’obscènes, et qui restaient, malgré tout, les plus répandues et les plus lues, au dehors comme chez nous, des productions françaises contemporaines.

Zola ne devait pas trouver par lui même, au théâtre, la vogue qui s’était attachée à son talent de romancier. Il n’y arriva que par la collaboration et en sacrifiant son système aux exigences impérieuses du genre. Ses tentatives personnelles ne furent pas heureuses ; Thérèse Raquin, drame en quatre actes (Renaissance, 1873), n’eut que quelques représentations ; il en fut de même de deux comédies : Les Héritiers Rabourdin (Cluny, 1874), et Le Bouton de rose (Palais Royal, 1878). En province même, un drame tiré par l’auteur d’un de ses premiers récits, Les Mystères de Marseille, avait eu au Gymnase de cette ville une chute complète. En revanche, L’Assommoir, arrangé pour la scène par deux « hommes du métier », MM. Busnach et Gastineau, qui surent adoucir ou sauver par le contraste les vulgarités et les hideurs populaires, obtint à l’Ambigu plus de deux cents représentations consécutives (janvier 1879). Deux autres drames ou mélodrames en cinq actes, tirés par M. Busnach des romans de Nana et de Pot-Bouille, produisirent avec moins de succès le naturalisme sur la scène (Ambigu, 1881 et 1885). Ces pièces furent ensuite publiées en volume par M. Émile Zola, avec préfaces destinées à en justifier les hardiesses. L’auteur porta encore lui-même au théâtre le roman de La Curée sous le titre de Renée (Vaudeville, 1887], et, avec M. Busnach, Le Ventre de Paris (Théâtre de Paris, même année).

Cependant M Zola ne cessait d’appeler lui-même l’attention sur ses procédés littéraires par la défense bruyante des théories esthétiques et scientifiques auxquelles il prétendait les rattacher. Les uns et les autres étaient baptisés par lui d’un nom nouveau, le naturalisme, pour les distinguer des audaces ou des puérilités du réalisme, connues de longue date dans la littérature comme dans l’art. Chargé du feuilleton dramatique dans les journaux républicains Le Bien public et Le Voltaire, il trouvait l’occasion de développer son programme à propos des œuvres qui se produisaient à la scène ; et il le faisait avec la confiance d’un dogmatisme intolérant, aussi hautain à l’égard des anciens que des modernes, ne fléchissant pas devant les gloires acquises ou le génie incontesté. Une telle attitude ne manqua pas de soulever des polémiques. La plus vive toutefois fut provoquée par une correspondance que M. Zola envoyait à un journal de Moscou, Le Messager de l’Europe, et dans laquelle, au nom du naturalisme, il traitait avec autant de rigueur que de mépris ses confrères et rivaux du roman français contemporain. Traduite par Le Figaro (décembre 1878), cette critique retour de Russie excita dans le monde des gens de lettres une émotion dont M. Zola profita pour donner plus de retentissement encore à ses théories et à ses pratiques. Il essaya même de les élever à la hauteur d’une question politique, et, dans un manifeste communiqué au Figaro et publié ensuite en brochure sous ce titre La République et la littérature (1879), il alla jusqu’à condamner à une mortelle décadence un gouvernement qui permet au « premier imbécile venu » de faire du bruit à la tribune, et, s’appropriant un dilemme célèbre, il concluait : « La République sera naturaliste ou elle ne sera pas ».

Au mois de septembre 1880, il quitta bruyamment Le Voltaire, dont le directeur lui avait reproché, non sans aigreur, la crudité de ses paradoxes, et passa au Figaro « afin de pouvoir parler plus librement des hommes et des faits de notre République ». Il s’en prit à Gambetta des sévérités de ses amis, les rédacteurs de La République française, contre les peintures de L’Assommoir.

Après avoir paru prendre plaisir à s’aliéner, par l’âpreté de la critique et l’exclusivisme de ses théories, les écrivains des diverses écoles, M. Zola tint a se faire accepter personnellement des grands groupes du monde littéraire. Il entra d’abord de plain-pied dans la Société des gens de lettres qui, comme bienvenue, lui décerna aussitôt la présidence. Il voulut ensuite conquérir de haute lutte l’Académie française, à laquelle il n’avait pas ménagé les duretés de plume. Il n’a jusqu’à présent trouvé auprès d’elle que de pompeux échecs. Le 2 février 1803, il posa à la fois sa candidature aux trois fauteuils vacants de MM. John Lemoinne, Marmier et Renan ; il recueillit, pour chacun, de 2 a 4 voix. Il déclara hautement qu’il se représenterait, sans se lasser, à toutes les vacances, jusqu’à son lit de mort ; car, « puisqu’il y avait une académie – il ne devrait pas y en avoir – il fallait nécessairement qu’il en fut ». Sans parler des incidents destinés à mettre sa personnalité en vedette, de l’éclat de son voyage à Lourdes à l’époque des pèlerinages, des banquets organisés en son honneur, des interviews incessantes, terminons en disant que M. Émile Zola, décoré de la Légion d’honneur au 14 juillet 1888, a été promu officier au 14 juillet 1893.

Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, sixième édition, 1893.

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