I. Octave Mouret arrive rue de Choiseul, devant une grande maison à quatre étages, dont la pierre garde une pâleur à peine roussie, au milieu du plâtre rouillé des vieilles façades voisines. Il a loué la chambre du quatrième et prendra ses repas chez les Campardon : il connaît Rose depuis Plassans. La maison est tout à fait bien, habitée rien que par des gens comme il faut : les ménages Vabres, enfants du propriétaire ; Duveyrier, conseiller à la Cour d’appel ; Mme Juzeur, une petite femme bien malheureuse ; un monsieur très distingué qui ne vient qu’une fois par semaine ; Les Josserand, père caissier avec deux filles à marier ; les Pichon, petit ménage d’employés, mais d’une éducation parfaite. Tout en haut, l’étage des bonnes, tout en bas le concierge, ancien valet de chambre d’un duc. Seule tache, un monsieur qui fait des livres, qu’on ne voit pas, que personne ne connaît.
Dans l’escalier, c’est une paix morte de salon bourgeois, soigneusement clos, où n’entre pas un souffle du dehors. Derrière les belles portes d’acajou luisant, il y a comme des abîmes d’honnêteté.

II. La mère et les filles Josserand rentrent chez eux. Encore un mariage à la rivière, le quatrième ! Il faut pourtant tout essayer, puisque le père ne s’en occupe pas plus que du grand Turc. Il préfère écrire des étiquettes la nuit, pour gagner trois francs et cacher leur misère vaniteuse. Hortense attend que son Verdier l’épouse, mais pour l’instant il vit avec une autre femme. Berthe vient de repousser un garçon qui a voulu de vilaines choses. Mais comme lui dit sa mère, quand on n’a pas de fortune, il faut prendre les hommes par autre chose, bref tout simplement pêcher un mari : un homme qui va trop loin est flambé !

III. L’oncle Bachelard, un peu ivre comme d’habitude, est en visite chez les Josserand. Berthe et Hortense lui prodiguent des noms de tendresse, baisent son visage enflammé, malgré son odeur de débauche canaille, pour qu’il leur donne vingt francs et qu’elles l’aiment tout plein. Leur frère Saturnin, un peu toqué, prend un couteau et veut lui ouvrir la peau du ventre. Il faut l’enfermer à double tour. Quand les autres invités sont arrivés, Berthe joue un morceau sur le piano asthmatique. Octave Mouret contemple l’auditoire, l’attention poliment distraite des hommes, le ravissement affecté des femmes, toute cette détente de gens rendus à eux-mêmes, repris par les soucis de chaque heure, dont l’ombre remonte à leur visages fatigués. Il s’intéresse davantage à Valérie Vabre, les yeux vagues, l’air détraqué d’une malade.

IV. Le plan d’Octave est fait : simplement attirer Valérie dans sa chambre, personne ne les découvrirait au quatrième. Mais aussi lier amitié avec Mme Pichon, qui fermerait les yeux si elle les surprenait jamais. Il lui apporte un livre, elle en est si pleine d’émotion, de rêveries confuses, qu’elle en suffoque. Valérie a eu, comme souvent, une crise de nerfs. Quand Octave veut la prendre, elle le regarde, les yeux si froids, la chair si calme, qu’il se sent glacé, gauche, comprenant le ridicule de son geste. « Ah ! cher monsieur, si vous saviez ! » Marie Pichon, elle se laisse posséder au bord de la table, entre une assiette oubliée et le roman qu’il lui a prêté.

V. À la réception chez Duveyrier, Berthe veut attaquer Auguste Vabre. Depuis longtemps sa mère l’a convaincue de la parfaite infériorité des hommes, dont l’unique rôle doit être d’épouser et de payer. Mais se pose la question de la dot, que l’oncle Bachelard avait un jour promise, mais qu’il fait semblant d’avoir oubliée. La maîtresse de maison joue du piano, les invités chantent, Auguste et Berthe sont derrière un grand rideau de soie rouge, la jeune fille est trop compromise, c’est un mariage conclu. « Enfin, c’est fait ! », dit Madame Josserand, essoufflée, en tombant sur un siège.

VI. Le matin est le seul moment de la journée où les bonnes peuvent respirer, pendant que les patronnes trempent dans des cuvettes. Dans l’étroite cour intérieure où prennent jour toutes les cuisines de la maison, puits humide qui exhale des odeurs grasses d’évier mal tenu, elles taillent leur petite bavette. C’est l’exhalaison des ordures cachées des familles remuées là par la rancune de la domesticité. Octave a pris Marie Pichon sur ses genoux, en mari heureux pouvant embrasser sa femme à l’aise, portes closes.

VII. Madame Josserand complote avec l’oncle Bachelard. Elle souffre de la fortune gagnée par ce frère sans principes, en un retour amer sur l’honnêteté incapable de son mari. On va parler aux Vabre d’une assurance dotale imaginaire, mais jamais on ne paiera. Octave se retrouve avec Duveyrier chez Clarisse, sa maîtresse. Il l’a rencontrée un soir de dégel, comme un amant venait de la jeter dehors, elle lui a déjà coûté pour vingt-cinq mille francs de meubles, elle le mange à belles dents avec des artistes. Mais il la blesse en retirant son ruban rouge quand il vient.

VIII. Berthe se marie. Mme Duveyrier redoute un peu le caractère de Mme Josserand : on n’épouse pas seulement la fille, on épouse souvent la mère, et c’est bien désagréable. Mais on ne se marie jamais comme on veut, le plus sage est encore de s’arranger après, le mieux possible. Théophile Vabre vient de trouver une lettre adressée à Valérie, qu’il croit écrite par Octave Mouret. Il projette de le gifler à l’église s’il ose y venir, mais se contente de lui montrer la lettre. L’émotion grandit dans l’assistance, on se pousse du coude, on regarde par-dessus les livres de messe, personne ne fait plus la moindre attention à la cérémonie. Quand Octave prouve que ce n’est pas son écriture, c’est presque une déception. L’abbé Mauduit, qui vient d’apprendre l’aventure, montre plus d’onction que de coutume, au milieu des misères cachées de son troupeau. Encore une plaie vive sur laquelle il lui fallait jeter le manteau de la religion !

IX. Rose Campardon était fâchée avec sa cousine Gasparine. Son mari les réconcilie : Gasparine va s’installer chez eux. Rose se doute-t-elle qu’elle est sa maîtresse ? Marie Pichon est enceinte. Le compte s’y trouve, mais Octave aime mieux douter. Au Bonheur des Dames, il brusque sa patronne, Mme Hédouin, avec qui s’est établie une sorte d’intimité commerciale, il la chauffe de ses yeux couleur de vieil or, que les femmes disent irrésistibles. « Je ne ferai pas ça, parce que c’est bête d’abord, inutile ensuite, et que je n’en ai pas la moindre envie. » Auguste Vabre propose à Octave d’entrer dans son commerce.

X. Le père Vabre se meurt. Clotilde Duveyrier envoie Octave Mouret chercher son mari chez sa maîtresse : « Vous savez, rue de la Cerisaie… Tous nos amis le savent. » Il a d’abord dîné au Café anglais avec l’oncle Bachelard, sans femmes, car les femmes ne savent pas manger, elles font du tort aux truffes et gâtent la digestion. Chez Clarisse, l’antichambre est vide, les patères ont disparu, vide le grand salon, vide le petit salon : plus un meuble, plus un rideau aux fenêtres, plus une tringle. Octave le trouve pétrifié. Le mieux à faire est de se remettre avec sa femme, en attendant, et de regretter son beau-père.

XI. Les bonnes distribuent déjà la fortune du moribond. Ce qui intéresse le concierge, c’est de savoir qui prend la maison : ils ne peuvent pas la couper en trois. Y a-t-il un testament ? Il n’y en a pas ! C’est le désastre : au lieu des six ou sept cent mille francs espérés, un carnet couvert de chiffres qui apprend aux héritiers, blêmes de colère la passion effrénée pour le jeu du père Vabre. Même la maison est hypothéquée.

XII. Berthe recommence avec son mari toutes les querelles de ménage dont on avait bercé sa jeunesse. Elle se montre sans douceur, traite Auguste en vaincu. Octave s’offre pour la consoler, mais sa conquête lui paraît une campagne d’une difficulté extrême. Il paie une foule de petits objets dont elle n’aurait pu expliquer l’achat, la mène secrètement au théâtre. Cela suffit : « Tant pis ! c’est fait. »

XIII. Berthe ne semble aimer de l’amour coupable que les sorties furtives, les cadeaux, les heures chères passées en voiture, au théâtre ou au restaurant. Elle en vient à être lasse de son amant comme de son mari, trop exigeant pour ce qu’il donne. Exagérant ses craintes, elle se refuse sans cesse, mais les dépenses vont leur train, les caprices s’accentuent. Elle promet enfin de venir un soir dans la chambre d’Octave.

XIV. Mais elle est vendue par sa bonne, le mari découvre tout et réclame un duel à Octave. Berthe a dû se réfugier en chemise dans l’escalier, confuse d’être ainsi dans l’honnêteté des zincs dorés et des faux marbres, devant les hautes portes d’acajou dont la dignité conjugale exhale des reproches.

XV. Avant de se battre, Auguste veut consulter Duveyrier. Avec Bachelard, celui-ci fait l’intermédiaire : il suffira qu’Octave quitte bientôt l’immeuble.

XVI. Berthe est retournée chez ses parents. Pour son père, c’est un déchirement, une plaie ouverte. Déjà l’idée qu’elle vivait endettée, continuellement aux prises avec son mari, lui gâtait sa vieillesse, le faisait revivre les tourments de sa propre existence. Et voilà qu’elle est tombée à l’adultère ! Auguste est venu faire une scène : quand on a fait une garce de sa fille, on ne la fourre pas à un honnête homme.

XVII. Au printemps, on parle du mariage d’Octave avec Madame Hédouin. Si elle achète la maison voisine et double ainsi l’importance de ses affaires, elle va être forcée de se remarier. Octave a quitté l’immeuble, et ne fréquente plus les Campardon ni les Duveyrier, outrés du scandale de ses amours. Auguste s’obstine à ne pas reprendre sa femme, le scandale n’est pas effacé. Duveyrier tente de lui enseigner le pardon des injures, le nourrit d’une philosophie désolée et lâche : il faut endurer la femme, puisqu’on ne peut pas s’en passer. Monsieur Josserand meurt avec simplicité, il avait passé inutile, il s’en va en brave homme las des vilaines choses de la vie. Auguste, seul, sans force, plein de honte, reprend Berthe habillée en grand deuil. Duveyrier, trompé par Clarisse, rate son suicide dans les toilettes.

XVIII. Engrossée par Duveyrier, Adèle, la bonne des Josserand, a dissimulé sa grossesse et accouche seule dans sa chambre. Elle va déposer son paquet dans le passage Choiseul, sans rencontrer personne. Enfin, une fois dans sa vie, la chance est avec elle !
Les Duveyrier reçoivent. Tout l’immeuble est là, ainsi qu’Octave et Madame Hédouin, maintenant jeunes mariés. Seul Auguste s’indigne un peu : sa sœur reçoit le ménage de l’ancien amant de sa femme ! Octave a une singulière sensation de recommencement, comme si ses deux années rue de Choiseul venaient de se combler. Rien ne semblait s’être passé dans son existence : aujourd’hui répétait hier, il n’y avait ni arrêt ni dénouement.

Ce résumé n’utilise que des mots employés par Zola

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