« L’inconscience du crime chez les bourgeois : trait décisif.
Parler de la bourgeoisie, c’est faire l’acte d’accusation le plus violent qu’on puisse lancer contre la société française.
Les 3 adultères, sans passion sexuelle : par éducation, par détraquement physiologique, et par bêtise.
Une maison bourgeoise neuve opposée à la maison de la Goutte-d’Or. Montrer la bourgeoisie à nu, après avoir montré le peuple, et la montrer plus abominable, elle qui se dit l’ordre et l’honnêteté. »
Documents préparatoires de Pot-Bouille NAF 10321 f° 1.
Ébauche
Une famille de bourgeois : le père, se dévouant comme un héros ; la mère mauvaise, aigrie ; la fille gâtée par l’éducation reçue. Un trains supérieur à la fortune. On fait tout pour marier la fille ; le père, strictement honnête, tombe jusqu’à une canaillerie. La mère apprend l’art de « faire » un homme à sa fille. – Plus tard, le drame sera celui-ci : la fille recommençant dans le ménage ce que sa mère lui a appris pour se marier. Elle fait un amant. Trouver le drame dans ses détails.
Je ne puis prendre qu’Octave Mouret. Mais il faut alors qu’il tienne une place, et que je lui donne un caractère. – Il ressemble à son père, François Mouret, physiquement et intellectuellement : donc, posé, raisonnable, de sang plus net que les Rougon, avec l’appétit, la pointe qu’il a par sa parenté avec les Macquart (expliquer sa parenté). – Donc, il est venu à Paris pour faire fortune, après avoir vécu quelque temps à Marseille. Il est dans un magasin (le magasin, d’où partira mon grand magasin). Poser tout de suite l’histoire de mon grand magasin. Il faut que ce premier roman ne soit que le premier épisode du second ; un premier échelon pour arriver à une position. Il suffirait qu’Octave soit employé dans un petit magasin du quartier, petit magasin qu’il agrandira plus tard.
Il faut que je prenne pour cadre une maison moderne, dans laquelle logeront tous mes personnages (rien que des bourgeois, pas un ouvrier, le contraire de ma maison de la Goutte-d’Or) et la montrer plus abominable, avec toutes ces petites intrigues. Quelques personnages seulement logeront au dehors, pour que cela n’ait pas l’air trop systématique. Plus tard, c’est cette maison qui sera englobée dans le grand magasin Donc, les Lambert, une famille, logent là, au quatrième étage, et Octave habite au dehors.
Si au lieu de faire d’Octave le mari, j’en faisais l’amant. Dès lors Cécile (par exemple) épouserait le patron d’Octave, et le ferait ensuite cocu avec Octave qui pourrait aller fonder sa grande maison plus loin. On aurait pu tromper ainsi le patron. Mais il faudrait donner une grande importance à Octave. Très malin, faisant son chemin par les femmes. Ayant compris les temps modernes. Quelque argent même. Le type du jeune bourgeois intelligent, vivant sur le monopole, disant le tiers est tout, jouissant et ne voulant pas que rien change. L’idée du commerce décuplée, l’idée de spéculer sur le luxe ; et très dur aux ouvriers. Le petit-fils de paysan arrivé par l’éducation, et grâce à 89. Mais actif et relativement honnête. Pas un Saccard. Très gai et très bon enfant. – Il est venu à Paris pour faire fortune, c’est lui qui doit conduire le roman : fouillant, flairant, tâchant de faire son affaire, se promenant ainsi parmi la bourgeoisie et me la donnant. Il couchera avec d’autres.
Le drame est dans ce qui se passera lorsque Cécile couchera avec lui. Je ne voudrais pas de drame violent ; des larmes, des gifles, mais pas de duel. Le père qui mourrait seulement ; c’est de lui dont je dois faire un bourgeois solide, plein de miséricorde et de tolérance : ce qu’il veut pour l’ouvrier, un peu honteux de ses bons sentiments, faisant une canaillerie, et mourant à la fin de l’adultère de sa fille, lorsque tout s’arrange. – Le mari a pu la chasser, puis il la reprend. Octave est allé dans le magasin voisin – dont il peut épouser la fille. […]
Jusqu’ici je n’ai pas la grande ligne philosophique. Il me faudrait peut-être pour l’avoir prendre un ouvrier et le poser en comparaison. Mais non, il suffira de montrer la pourriture d’une maison bourgeoise, des caves au grenier, avec une montée du drame, et un summum final. »
Documents préparatoires de Pot-Bouille NAF 10321 f°381-386.
Plan détaillé
Oct. 61. I. la maison. Arrivée d’Octave. Les Comparson. Les Hédouin.
Nov. II. Les Josserand. Rentrée de madame et de ses filles. Le père posé. L’éducation, le mariage, l’intérieur.
Nov. III. Soirée chez les Josserand. Les types de la maison posés : Mme Juzeur, Valérie et son mari, Louis Vabre, les Campardon. L’oncle Bachelard et l’ami Gueulin posés dans le dîner auparavant. Projets sur Louis.
Dec-janv. IV. Chez les Pichon. L’adultère par bêtise. Pichon, Marie. Les Vuillaume. L’éducation de Marie. Comment elle tombe.
Fév. 62. V. Soirée concert chez les Duverdy. Duverdy. Clotilde. Le vieux Vabre. Les gens de la maison. Berthe fait Louis. Les Trublot et Julie.
Fev. VI. Trublot en haut, chez les bonnes. Toutes les bonnes posées. Le corridor, les chambres. L’ouvrier d’en haut. Trublot donne rendez-vous à Octave chez Clarisse.
Fev. VII. Duverdy chez Clarisse. D’abord canaillerie des Josserand. Puis Bachelard allant chez Clarisse et toute la scène. Un mot déjà de Fifi Menu.
Mai 62. VIII. Noces de Berthe et de Louis. Bachelard. Adultère de Valérie opposé au mariage de Berthe.
Mai. IX. Retour chez les Campardon et chez les Hédouin. Octave chez ces derniers qu’il quitte. Gasparine introduite chez les Campardon. Octave chez les Louis Vabre.
Juin. X. Apoplexie du vieux Vabre. Mme Duverdy envoyant Octave. Celui-ci tombant sur un gala de l’oncle avec des filles. Trublot, Gueulin. Puis chez Clarisse où il trouve Duverdy seul, cette fille l’a lâché.
Juin. XI. Mort du vieux Vabre. Clotilde et son mari. Louis, Théophile. Valérie. Pas de testament. Convoi, maison. Octave rapproché de Berthe.
Juin-août. XII. Berthe dans son ménage. Éducation. Octave aux petits soins. Berthe discute avec son mari. Les Josserand. L’adultère.
Août, sept, oct. 8 octobre fin. XIII. Adultère dans la maison. Toute la maison revient. Où Berthe et Octave s’aiment. Les bonnes.
Oct. XIV. Octave et Berthe surpris. Berthe chez les Campardon. Berthe chez Marie. – La scène du mari et de l’amant.
Octobre. XV. Louis chez les Duverdy, avec Théophile et Valérie. Louis à la recherche de Duverdy. Bachelard, après que Gueulin a abusé de Fifi. Duverdy chez Clarisse avec toute la famille. Bachelard et Duverdy chez Octave.
Octobre. XVI. Louis chez les Josserand. Berthe chez ses parents. Explication pendant le café. Josserand assommé, au lit. Le mari est mort en juin. Octave chez les Hédouin.
Octobre, nov. 62. à mai 63 pour Adèle. XVII. Les Duverdy étouffant tout. Louis embarrassé chez lui. Mort de Josserand. Berthe et Louis remis ensemble. Suicide de Duverdy.
Nov.63. XVIII. Une soirée chez les Duverdy, un an après. Octave marié à Caroline Hédouin. Le train-train repris. La maison honnête.
Documents préparatoires de Pot-Bouille NAF 10321 f° 2-3