Le Théâtre des Variétés

« Entrée par le passage. Un bout de corridor, peint, noirâtre, avec un toit en /\, prenant le jour par la porte. Le bec de gaz dans une lanterne carrée en face de la porte qui mène chez la concierge et au théâtre. Une porte rembourrée à la porte qui mène à la scène, le théâtre tout de suite, au bout de quelques marches, escalier étroit et tournant. Le tout très noir.

Le long couloir qui part du corridor et qui aboutit dans le vestibule ; tout droit, puis tournant. Un établi de menuisier, une fontaine, les barrières pour l’entrée, à gauche. Les parois sont brutes, décrépies, mangées d’une lèpre. La voûte a cette  forme : \ ; des jours de place en place, dans le haut. Le sol dallé.

Le concierge, une loge avec une table, des chaises, un casier. La loge est entre deux vitrages. On y voit des bouquets, des lettres, toutes sortes de choses. Au fond, sous l’escalier qui monte au cabinet du directeur, dans un recoin, il y a une toute petite buvette tenue par le concierge. Des buffets recouverts d’étain ; au fond des planches avec des litres de liqueur et des verres. Le tout dans une encoignure, avec un gaz qui brûle ; très noir, très sale.

La cour est une de ces sales cours parisiennes humides, avec les derrières de maisons hauts et noirs, délabrés ; des fleurs sur un banc en étagère, devant la fenêtre des concierges, des débris qui traînent. Les fenêtres sans rideaux, les loges des artistes qui flamboient.

Un couloir bas et serré, derrière la scène.

Au milieu du couloir, une porte, quatre ou cinq marches qui conduisent au magasin des accessoires. Deux fenêtres sur la cour, au rez-de-chaussée. Un fouillis de brocanteur de bas étage, sur des planches ; le gaz toujours.

Les loges.

À l’autre bout du couloir est l’escalier qui monte aux loges. Un hôtel garni ou une maison publique, avec des bouts de couloir, des portes ouvertes montrant d’étroites loges, des femmes qui changent de toilette, des femmes à moitié habillées, des habilleuses assises qui cousent ; un étouffement le long des trois étages, le gaz flambant dans des lanternes carrées, à tous les étages ; le gaz flambant dans les loges. Une chaleur étouffante. L’escalier est étroit, carrelé, à rampe mesquine.

La loge de Judic. Basse de plafond, carrée. Deux fenêtres. Tendue en une étoffe havane claire. Deux ou trois fauteuils de même étoffe. Une toilette en marbre blanc. Des boîtes de cristal contenant les poudres et les huiles. Les petits outils de toilette en ivoire. Au-dessus une glace avec cadre en morceaux de glace, ornée de ciselures et de dessins dépolis. Par terre, un tapis. Deux gaz flambant, à droite et à gauche de la glace. L’habilleuse très laide, en robe noire, avec des épingles piquées sur le corsage, à l’endroit du cœur. Elle passait à Judic un costume de bain (Niniche). Judic a pris une brosse pour brosser son costume que le blanc en poudre avait blanchi, et elle se brossait, pendant que l’habilleuse, à genoux devant elle, attachait ses bottines, et les cordons de son caleçon. (Savoir comment une actrice s’habille, et fait sa figure.)

La régie est au fond d’un couloir, le couloir où se trouve la loge de Judic (comme à part).

On revient, et l’escalier monte. En haut, une loge. Elles sont trois femmes. Une mansarde, une pièce, irrégulière, en long, avec des pans coupés. Des planches formant toilette. Des chaises de paille, une par femme. Des cuvettes, des pots à eau, des cruches. Aucun luxe. Le papier est un papier à sept sous le rouleau, des treillages verts sur rose. Le jour vient par en haut, deux ouvertures profondes, la lumière arrivant comme par un puits. Carrelée. L’habilleuse familière, riant, etc. L’odeur, le gaz, la chaleur.

Le coiffeur, dans une sorte de placard, dans le couloir ; travaillant dans le couloir, lorsqu’il peut.

En haut, au dernier étage, le magasin de costumes. Deux grandes fenêtres s’ouvrant sur les galeries du passage. Un grand comptoir de tailleur, des vêtements dans des cases ; le côté curieux de toute cette défroque, etc.

Des chats partout. Toute une portée de noirs chez le concierge. Un gris dans le magasin de costumes.

La scène, les rampes, les acteurs attendant derrière une coulisse, etc. Le bas sous régisseur, foyer des musiciens. Bas d’escalier un cul-de-sac, porte battante au premier.

Deux fenêtres carrées très écrasées donnant sur la rue. Grande psyché, toilette en face, plafond très bas. Un mur. Porte avec un judas grillagé. Armoire. Rideau coupant la loge en deux, glissant sur une tringle de cuivre. Gaz à la psyché, gaz à la toilette. Les loges, papier au plafond. Coiffeur de bas étage, glace, gaz, cuvette. Du carreau partout, couloir, carré de l’escalier. Couloir – cruche, seau –. tiroir crasseux. Grande loge pour choristes.

Escalier, marches usées au bord. L’escalier jeté en coin entre les deux bâtiments. Costumes au-dessus de l’administration. Costumière en face loge gardien, sur la rue Montmartre. Au premier, tambour de bois fermant la cage de l’escalier. Gaz. Escalier, marches bois usé poli luisant, rampe de fer très simple, de simples barres, rampe polie. Peint en jaune, soubassement brun. Fenêtres carrées au ras des marches, porte battante à la moitié du deuxième étage. Les planches finissent au second.

Les loges, le vase qu’on voit, bout de couloir, les portes avec numéro blanc, gros. Chaise de paille. Hommes et femmes mêlés. Quatre étages. Judic au premier. Quatre étages de loges. Lanterne ronde, avec chapeau compliqué. »

Documents préparatoires de Nana, NAF 10313, f° 311-319.

Plan du théâtre des Variétés. Documents préparatoires de Nana, NAF 10313 f° 310

La haute cocotterie

« Les différentes extractions. Femme mariée séparée de son mari. La femme de basse extraction tout de suite marquise. La femme qui avoue l’origine et celle qui raconte qu’elle est bien née. Le sentiment religieux. Elle parle du bon Dieu quand elle couche. « Je n’irai pas au ciel. Est-ce que tu y crois ? » Les médailles. Le monde des bonnes, etc., au-dessous de la grande cocotte. Les pas jolies, mais spirituel-les. Le chien. Caroline Letessier.

Avec un baron, à la pose. Avec un industriel, à la bourgeoise. Assimilation.

Amour au cœur, toujours. Un homme les séduit par la voix. Bouche de velours. Tête de coiffeur. Haute cocotterie, pas de marlou. Toujours des cadeaux. Il ne mange pas chez elle. Amant de cœur. Certaine liberté à la femme ou elle envoie promener.

Train de maison (soixante mille), dont cinquante les deux ou trois sérieux. Le reste se fait avec les passants, chez les maquerelles. Toutes selon les moments de gêne et la liberté que la femme a. Rue Pasquier, Louise. Grand Hôtel. À 5 ou 6 heures. « Quel est votre plat du jour ? » Dans le salon, dix petites femmes, plat du jour. On emmène les femmes pour dîner. Alice Regnault, elle est dans la peine, c’est cinq cents francs. Ou ce n’est pas possible, si elle est bien entretenue. On couche alors avec elle chez Louise.

Monde très bourgeois et très tendre. Pauvresse qu’elles secourent. Amour des bêtes et de la campagne. Caroline Letessier mettant d’Antigny au Grand Hôtel. La mort entourée d’amies. D’Antigny plus un sou.

La femme au député.

Pas de salon chez la putain.

De 4 heures à 6 heures, elle est chez elle. Série d’hommes. La Bourse. Quelques nobliaux. Les cercles. Les Éclaireurs, le Sporting, le Cercle américain, le Yacht club.

Fille de graisseur du chemin de fer du Nord. Aucune instruction. Amie moins jolie se charge des correspondances. Les amants de cœur servant de correspondants.

Le rôle de la femme de chambre. La femme de chambre roublarde. On se les arrache. Celles qui connaissent le monde masculin. Le maniement des hommes de 4 à 6, l’amant sérieux, l’amant de cœur, puis dix ou douze hommes à recevoir ou renvoyer. Généralement laide. Les cadeaux à la bonne, la garde-robe qu’elle revend.

Demi-jour dans le salon. Réception dans le cabinet de toilette. Elle se tient là. Marbre, cuvette d’argent, etc. Fleur. Patchouli sec dans des coupes. Parfum très montant. Branches comme du thé. […]

Elles sont flouées par de prétendus riches, qui ne paient pas. Elles ne voyagent pas. Tout pour la pose, de la part de l’homme et de la femme, de la bêtise. La bandaison n’est que pour l’amant de cœur. Peu de jalousie, tout s’arrange. Jamais de duel. Chaque fois que l’homme est ami, une femme, la femme voudra l’ami. Elle veut quand même faire bander l’ami, l’invite, quel qu’il soit, pauvre ou laid. Elle fera le pied sous la table. Le coup tiré avec l’amant sérieux une horreur. Elle l’évite le plus possible.

Monde de bourse et de sport gagnant l’argent au jour le jour. Ça peut durer des années, comme ça peut finir brusquement. Les amants de cœur très variables.

Le grand bonheur de recevoir des lettres. « Tu m’écriras. » La lettre emphatique très aimée. Elles se les montrent entre elles.

Très dédaigneuses pour les femmes honnêtes. « Elles baisent comme nous, mais n’ont pas notre franchise. » Les femmes honnêtes ne se lavent pas, selon elles.

Autre monde, le souper sur le lit après avoir baisé.

Une avait : colonel suisse âgé de soixante-cinq ans, cinq mille francs par mois, venant deux mois à Paris. Puis un sportsman, marié, faisant l’appoint cinq mille francs, chacun se croyant seul.

Le quartier Haussmann et rue Prony.

Gaspillage d’argent, de vie, etc.

L’ami des putains. Garçon ayant mangé sa fortune avec elles, gagnant sa vie à la Bourse, les baisant, leur rendant des services, spectacle, etc.

Toute la cour allait chez Cora Pearl. Elle suivait la chasse à courre du prince Napoléon à Meudon. Le prince Napoléon mettait ses louis dans ses bottes. Il jouait au bésigue et jouait avec ses haricots qui représentaient des louis. Portrait du prince dans le cabinet de toilette.

La femme portant perruque secouant son épingle. Dans la cuvette, l’oiseau se secouant. Des cheveux châtains déteints deviennent jaunes.

Une société se pendant aux jupes de ces femmes, la poussée du mâle. Des vieux s’acoquinant, en dehors du ménage, et donnant là leurs derniers souffles. Bestialité. Un vieux reniflant les pantoufles. Des jeunes idiots, les uns par chic, d’autres par toquade, se ruinant très bien. Des hommes d’âge mûr, ayant des intentions honorables, devenant vraiment amoureux. Les officiers riches. Toutes les classes. L’argent est tout. »

Documents préparatoires de Nana, NAF 10313, f°252-265.

Fermer le menu