Plan

« Livre à mettre entre toutes les mains.
Pureté parfaite, dans la forme élancée.
Psychologie, lutte du milieu et de l’éducation contre l’hérédité.
L’envolée, l’au-delà, l’inconnu, le rêve.
La vie telle qu’elle n’est pas, tous bons, honnêtes, heureux. »

Documents préparatoires du Rêve, NAF 10323, f°1.

Ébauche

« Je voudrais faire un livre qu’on n’attende pas de moi. Il faudrait, pour première condition, qu’il pût être mis entre toutes les mains, même les mains des jeunes filles. Donc pas de passion violente, rien qu’un idylle. On a dit que le succès, le livre attendu veux-je dire, serait Paul et Virginie Refaisons donc Paul et Virginie. – D’autre part, puisqu’on m’accuse de ne pas faire de psychologie, je voudrais forcer les gens à confesser que je suis un psychologue. De la psychologie donc, ou ce qu’on appelle ainsi (!) ; c’est-à-dire une lutte d’âme, la lutte éternelle de la passion et du devoir, ou une autre lutte : amour maternel et passion ; amour filial et autre sentiment. – Enfin, je voudrais mettre dans le livre de l’au-delà, du rêve, toute une partie de rêve, l’inconnu, l’inconnaissable.

Je me résume, les trois conditions que je tiens à remplir sont :
– Paul et Virginie, pureté parfaite, livre en toutes les mains.
– De la psychologie, lutte d’âme.
– Un coin de fantaisie, le rêve, l’inconnu.

Il me faut une jeune fille et un amour, mais combien pur. Le sujet fatalement sera banal, je le préfère même tel. Ce que j’avais trouvé n’était pas mauvais, mais cela n’est pas très pur, et m’inquiète pour les développements. Maintenant, je sais que la pureté est surtout dans la façon de traiter les épisodes.

J’avais donc trouvé ceci. Un homme de quarante ans n’ayant pas aimé, jusque là dans la science, et qui se prend d’une passion pour une enfant de seize ans. Celle-ci l’aimant, ou croyant l’aimer, tout l’éveil ; et puis, prise pour un jeune homme, parent du quadragénaire, la jeunesse avec la jeunesse. La souffrance du quadragénaire, et à la fin il cède, il donne la jeune fille au jeune homme. – Je verrais assez volontiers le sujet en trois : l’enfance, la jeune fille et le jeune homme, le quadragénaire alors n’aimant pas, perdant son temps, enfoncé dans quelque travail. – Puis le jeune homme disparaît, la jeune fille et le quadragénaire ensemble, l’effet de la passion chez celui-ci pour cet enfant. – Puis le jeune homme revient et l’idylle reprise, les luttes, et la jeunesse l’emportant. – Tout cela est très banal, il faudrait que ce fût exquis, pour valoir quelque chose.

Si j’ai à la rigueur la pureté (en me méfiant) et la psychologie, en mettant mon combat chez le quadragénaire et la jeune fille, je n’ai pas la fantaisie, le rêve, ce qui m’ennuie. Il faudrait le trouver peut-être dans ce que fait le quadragénaire. Il faudrait le faire enfoncer dans une recherche de l’au-delà, spirite ou alchimiste moderne, ou s’occupant de suggestion, d’une science enfin commençante, avec tout le frémissement qu’il y a dans l’inconnu des ténèbres. – C’est à choisir. Cela serait bon, symbolique, le montrerait d’abord acharné à l’inconnu, laissant passer la jeunesse, n’aimant pas, à la recherche d’une chimère (moi : le travail, la littérature qui a mangé ma vie, et le bouleversement, la crise, le besoin d’être aimé, tout cela est à étudier psychologiquement). J’y mettrais aussi le moment, la réaction contre le naturalisme, l’importance de l’au-delà, le besoin d’idéal, la convulsion de la croyance. Tout cela avec des rêves, tout une partie fantaisiste, idéaliste, très poussée. Et la vie tombant là avec la jeune fille. Une très pure figure. Cet enfant bouleversant tout l’inconnu, étant la revanche de la réalité, de l’amour. Après toutes les recherches il n’y a que la femme. C’est l’aveu. – Des sanglots, une vie manquée. La vieillesse qui arrive, plus d’amour possible, le corps qui s’en va. – Ces choses ne seront pures que si je les fais purement. […]

Le Rêve serait le titre du volume, et c’est surtout ce qui me plaît. Je voudrais que le volume fût la partie du rêve dans la série, la fantaisie, l’envolée, l’au-delà. Et cela serait faux, puisque le titre avertirait le lecteur : « Voilà du rêve, je le dis, prenez-le comme tel. » Et alors, sans ironie trop, il faudrait y mettre la vie telle qu’elle n’est pas, telle qu’on la rêve : tous bons, tous honnêtes, tous heureux. Une vie idéale, telle qu’on la désire. Mais l’écueil de ça est de faire petit, plat et bête. On ne peut guère s’en sauver que par l’envolée, sans sortir, toutefois, de la simplicité. Les éléments du problème à résoudre restent d’ailleurs toujours les mêmes : pureté, psychologie, au-delà. »

Documents préparatoires du Rêve, NAF 10323, f° 217-222, 226-227.

Plan détaillé

I. L’hiver, décembre 60. Angélique enfant trouvée, abandonnée de tous, n’ayant rien. La montrer dans l’extrême misère, ramassée dehors (?). L’enfant de Dieu, sur la marche de l’église. Les Hubert, leur histoire. Et tout le milieu, le quartier posés. À la fin adoption. Sidonie. Passion et orgueil. Les Hubert inquiets.

II. Huit ans s’écoulent, 68. La jeunesse d’Angélique. Chez les Hubert qui s’aiment. L’ignorance, la pureté, devoir, respect, les Vies des Saints. Le mysticisme où elle vit. éducation et milieu, Hubertine combattant passion et orgueil. La femme s’éveillant en elle, et le vitrail éclaire toute la rue. Décrire la chambre, important. Façade de derrière, treillage. Charité jusqu’à l’extravagance.

III. Fin d’hiver, printemps. La scène de travail, Angélique, grande artiste, détails des broderies, disant son rêve, approuvé par Hubert, calmée par Hubertine. Lecture de la Vie des Saints. Tout le rêve posé. Triomphe de beauté et de richesse. Les deux époux. Monseigneur a un fils. La passion et l’orgueil se faisant jour avec Hubert. Corrigée déjà. Dans le rêve fait, la mort indiquée, acceptée au seuil.

IV. Mai. Angélique dans sa chambre, attente du prince, avec l’église, les voix, l’inconnu autour d’elle. L’attente du prince charmant que tout annonce. Puis sa venue lente, par tous les sens, il semble se dégager d’un vitrail et apparaît.

V. Mai. L’idylle dans le terrain vague. Il lui parle, et il finit par le mot : Je t’aime. Gai. Enfantin. Des niaiseries adorables. L’épisode du vêtement donné, et le : Je t’aime, alors. Complicité de charité.

VI. Juin. L’idylle chez les Hubert, mêlée au travail. Félicien venant sous un déguisement – elle inquiète, troublée, et lui venant. Bouderies, inquiétudes, lui ne se croyant plus aimé. Les pauvres mêlés. Pivot peut-être. La broderie, un cadeau pour son père.

VII. Juillet. L’idylle dans la chambre d’Angélique. Félicien y grimpant, parce qu’il ne se croît plus aimé. La passion chaste. Jusqu’au : Je t’aime d’Angélique. Il lui baise les mains et les cheveux. La passion se réveillant chez Angélique jusqu’à la crainte de la chute. L’innocence avant le mariage.

VIII. Août. Dans l’église et description de l’église intérieure. Angélique apercevant Félicien à côté de l’évêque et comprenant qui il est. Ils se ressemblent. Il porte la broderie commandée de l’évêque. Hubertine aussi le voit. L’orgueil se réveillant. Toutes deux admirées, désirées. La bonté.

IX. Août. Félicien et Angélique dans le jardin. L’orgueil et la passion lorsque celle-ci sait qui il est. Leurs transports. Puis Hubertine apparaissant, accablant Angélique de la réalité. Le combat par le devoir, par le respect et l’humilité.

X. Septembre, octobre, novembre. Angélique d’abord attendant le miracle. Puis révolte et pensée de lutte. Elle se calme, mais tout grondant au fond. La scène quand elle se jette à genoux devant Monseigneur que Félicien a prié en vain.

XI. Décembre à mars 69. Angélique luttant et peu à peu terrassée par la maladie, toute la psychologie du cœur et de la jeunesse contre le devoir et le respect. Elle a vu Félicien et Blanche, elle n’est plus aimée douleur affreuse. Blanche au bras de Félicien. Broderie revient. Débat psychologique pour amener le triomphe du devoir et du respect sur la passion et l’orgueil. Retour chez les pauvres.

XII. Avril. Angélique clouée par le mal dans sa chambre. Félicien venant pour l’enlever. Elle lutte et se domine. Grande scène. C’est là que le respect et le devoir l’emportent définitivement.

XIII. Angélique mourante. L’extrême-onction. Monseigneur vaincu par la vue. Le miracle qui emporte le défaut d’Angélique. Orgueil, passion. Félicien, malade, en danger, a tout dit à son père.

XIV. Juin. Le mariage, la gloire du rêve. Elle sait qu’elle va mourir. Les Hubert pardonnés. Angélique et Félicien devant Monseigneur fêtés par toute l’église resplendissante. Et la mort triomphant, le baiser, lors de l’entrée dans le monde. À la fin Hubert avec ses scrupules d’éducation. Angélique a aimé, n’est-ce pas le bonheur de mourir ravie.

Documents préparatoires du Rêve, NAF 10323, f° 2-3.

Plans de Beaumont. Documents préparatoires du Rêve. NAF 10324

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