« Mon prochain roman sera une bien grosse surprise, une fantaisie, une envolée que je médite depuis longtemps. »

Lettre à Jacques van Santen Kolff, 14 novembre 1887.

« Si vous cherchez, dans l’arbre généalogique, l’héroïne de mon nouveau roman Le Rêve, vous ne l’y trouverez pas, car c’est un rejet nouveau que j’y ai entêté. Vous savez que, dans le dernier volume de la série, réservé au docteur Pascal, celui-ci développera l’arbre et l’établira définitivement. C’est pourquoi je n’ai aucun scrupule à modifier légèrement l’indication hâtive que j’en ai donnée, en tête d’Une page d’amour. – Donc il s’agira d’un rejet sauvage des Rougon-Macquart transplanté dans un milieu mystique, et soumis à une culture spéciale qui le modifiera. Là est l’expérience scientifique, mais ce qui fera la curiosité de l’œuvre, ce sera qu’elle pourra être mise entre toutes les mains, même celles des jeunes filles. Il s’agit d’un poème de passion, mais d’une chasteté absolue, à l’ombre d’une vieille cathédrale romane. »

Lettre à Jacques van Santen Kolff, 22 janvier 1888.

« Le roman va commencer à paraître dans La Revue illustrée, qui en donnera le premier chapitre le 1er avril. Chaque fois, elle donnera un chapitre entier. […] J’ajoute que chaque chapitre sera illustré de deux gravures et de petits dessins dans le texte. Depuis longtemps, je veux tenter ce mode de publication, car le dépeçage en feuilletons, dans les journaux quotidiens, fait le plus grand tort à mes livres. – Que vous dirais-je sur l’œuvre elle-même ? J’y travaille, je la soigne, et elle me donne du mal, pour tous les documents qu’elle nécessite. Je la crains un peu nue, un peu banale ; mais j’ai voulu cette banalité du sujet, tout le mérite devant être dans l’exécution, surtout dans la philosophie cachée. On m’a souvent reproché de ne pas tenir compte de l’au-delà, et c’est pourquoi j’ai voulu faire la part du rêve dans ma série des Rougon-Macquart. »

Lettre à Jacques van Santen Kolff, 5 mars 1888.

« J’arrive aux détails que vous me demandez sur Le Rêve. Comme mon roman, cette fois, se déroule en pleine imagination, j’ai créé le milieu de toutes pièces. Beaumont-l’Église est de pure fantaisie, fabriquée avec des morceaux de Couçy-le-Château, mais haussée au rang de ville épiscopale. Les ruines du château de Coucy m’ont également servi pour les ruines de mon château de Hautecœur. Quant à ma cathédrale, elle est bâtie pour les besoins de mon histoire, sur le modèle de nos cathédrales de France. – Il serait très long de vous expliquer comment j’en suis venu à arrêter tel qu’il est le milieu où j’ai placé mes personnages. Tout cela est très étudié, très volontaire, et l’on ne saura jamais les peines que j’ai eues, aidé d’un de mes amis, architecte, pour bâtir simplement la maison des Hubert, cette maison du XVe siècle, conservée presque intacte. En un mot, le milieu est à la fois tout d’invention et très vrai. – Pour les détails sur l’art du brodeur, j’ai eu également beaucoup de mal. Heureusement, j’ai trouvé un livre, L’Art du brodeur, de Saint-Aubin, publié au siècle dernier, qui m’a été d’un précieux secours. – J’ai également pâli de longues journées sur La Légende dorée. Jamais on ne saura, je le répète, les études que j’ai été obligé de faire pour ce livre si simple. »

Lettre à Jacques van Santen Kolff, 25 mai 1888.

« Depuis des années, j’avais le projet de donner un pendant à La Faute de l’abbé Mouret, pour que ce livre ne se trouvât pas isolé dans la série. Une case était réservée pour une étude de l’au-delà. Tout cela marche de front, dans ma tête, et il m’est difficile de préciser les époques. Les idées restent vagues, jusqu’à la minute de l’exécution. Mais soyez certain que rien n’est imprévu. Le Rêve est arrivé à son heure, comme les autres épisodes. »

Lettre à Jacques van Santen Kolff, 16 novembre 1888.

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