I. Dans la salle de la Souléiade, protégée par ses volets clos de l’écrasement torride du dehors, le docteur Pascal annote de sa grosse écriture irrégulière ses dossiers, que personne n’a le droit de toucher. Félicité Rougon, sa mère, rêve de mettre au feu ces papiers abominables, qui étalent les histoires vraies, les tares psychologiques de la famille, l’envers de la gloire qu’elle aurait voulu à jamais enfouir, avec tous les ancêtres déjà morts. Clotilde, sa nièce, qui aime peindre des fleurs de rêve – roses au cœur saignant pleurant des larmes de souffre, lis pareils à des urnes de cristal – cherche comme la servante Martine le bonheur de la foi. Elle ne peut mettre le mystère à part : la science, le besoin de tout connaître, sont-ils l’esprit du mal ? Ces divergences amènent parfois des brouilles, car Pascal n’accepte pas toute cette fantasmagorie de mystère, et préfère se consacrer à la recherche de nouveaux remèdes. Quand il surprend Félicité et Clotilde voulant détruire ses dossiers, c’est le début d’une guerre ouverte.

II. Pascal reste enfermé dans sa chambre pour travailler. Il n’a gardé qu’une clientèle d’amis, ne refuse pas d’aller au chevet d’un malade, sans jamais envoyer sa note. Il se moque de sa réputation d’étrangeté, n’est heureux qu’au milieu de ses recherches sur les lois de l’hérédité : la vie n’avait d’autre instrument que l’hérédité, l’hérédité faisait le monde ; de sorte que, si l’on pouvait la connaître, la capter pour disposer d’elle, on ferait le monde à son gré. Le credo de Pascal est simple : l’avenir de l’humanité est dans le progrès de la raison par la science. C’est l’idéal divin que l’homme doit se proposer, car le continuel miracle, c’est la vie. Clotilde lui oppose la joie du renoncement : ne pas vivre, se garder pour le mystère n’a-t-il pas été le grand bonheur des saints ?

III. Maxime, le frère de Clotilde, est à Plassans, à la demande de Félicité. Elle souhaite qu’il emmène à Paris Charles, son fils naturel. À douze ans, Charles a l’intelligence d’un enfant de cinq. La moindre piqûre détermine des hémorragies, à cause d’un relâchement des tissus dû à la dégénérescence.
En route pour les Tulettes, l’asile où la vieille tante Dide est enfermée depuis vingt et un ans, on s’arrête chez l’oncle Macquart, un vieil ivrogne, quatre-vingt-trois ans, saturé de boisson, que l’alcool semble conserver. L’aïeule vit comme une oubliée, démente calme au cerveau ossifié, chez qui la folie peut rester indéfiniment stationnaire, sans amener la mort, même si la sénilité lui a peu à peu atrophié les muscles. Maxime fait promettre à Clotilde de venir s’occuper de lui si ses rhumatismes lui font perdre l’usage de ses jambes.

IV. Un capucin, sorte d’apôtre à l’éloquence populaire et enflammée, est en ville. Ses sermons donnent la fièvre à Clotilde. Les yeux luisants comme une voyante, elle ne sort plus de l’église : la terre est gâtée, la science n’en étale que la pourriture, c’est en haut qu’il faut nous réfugier tous. Pascal regrette d’avoir permis à Clotilde de grandir à sa guise, dans sa croyance que les arbres poussaient droit quand on ne les gênait point. Car, à ce tournant de la fin du siècle, dans l’énervement de l’effroyable masse de connaissances remuées, demeure l’éternel besoin de mensonge et d’illusions qui travaille l’humanité et la ramène en arrière, au charme berceur de l’inconnu.

V. Une lourde nuit de la fin septembre, Pascal fait lire à Clotilde les dossiers dont la grand-mère Félicité parlait avec tant de colère : sans doute elle en sortirait trempée, pleine de tolérance et de courage. C’est l’hérédité, la vie même qui pond des imbéciles, des fous, des criminels et des grands hommes. Et l’humanité roule, charriant tout. Pendant trois heures le torrent fangeux a roulé devant Clotilde, et c’était la pire des révélations, la brusque et terrible vérité sur les siens. Que devenir ?

VI. Pascal, par un scrupule inexpliqué, n’ose pas reprendre l’entretien. Clotilde, après ce grand choc moral qui la transforme toute, réfléchit, hésite, lutte dans une instinctive révolte. Et le malentendu s’aggrave. Pascal, si gai, si bon, devient d’une humeur noire et d’une dureté insupportables. Et quand une de ses piqûres a provoqué la mort d’un homme, pris d’un ébranlement nerveux, il craint la folie, une folie héréditaire. Un collègue de Pascal, le docteur Ramond, le rassure. Il demande Clotilde en mariage.

VII. Pascal, guéri, retrouvant ses forces chaque jour, semble accepter le mariage de Clotilde comme inévitable, mais rêve à David et Abisaïg, à Ruth et Booz, à Abraham et Agar. Il s’aperçoit que dans sa solitude de savant égoïste, il a toujours aimé sa nièce. Il se sent désarmé, plus débile qu’un enfant. C’est abominable, impossible ! Clotilde, qui a décliné la proposition de Ramond, lui avoue son propre amour pour lui : il n’y pas de bonheur pour elle en dehors de lui, de sa science et de sa bonté, c’est lui qu’elle veut, c’est à lui qu’elle se donne.

VIII. C’est la possession heureuse, l’idylle heureuse, la foi en la vie, en la santé, en la force, en l’éternel recommencement. Pendant un mois, Pascal et Clotilde ne sortent pas. Mais lentement leur amour a besoin d’élargissement et d’espace. Le docteur Pascal reprend ses visites, tous deux s’avancent tête haute, droits et souriants, au milieu d’un tel rayonnement de félicité qu’ils semblent marcher dans une gloire.

IX. Félicité, en revenant des Tulettes, trouve Macquart ivre mort. Endormi, il a laissé tomber sa pipe sur ses genoux. Le tabac enflammé s’est répandu, le drap du pantalon a pris feu, de sa cuisse nue sort une petite flamme bleue. La graisse, suintant par les gerçures de la peau, active la flamme qui gagne le ventre. Il va flamber des pieds à la tête. Félicité ne fait que contempler, puis part sur la pointe des pieds, en oubliant un de ses gants.
Le lendemain, Pascal et Clotilde découvrent une mare de graisse et un petit tas de cendre : tout l’oncle était là. Le gant de Félicité leur donne la certitude qu’elle avait vu l’oncle s’allumer, et qu’elle ne l’avait pas éteint.
À l’asile des Tulettes, une rosée de sang sort toute seule de la narine gauche de Charles, laissé sans surveillance, sans qu’il ait conscience que sa vie s’échappait. Tante Dide, les yeux sur la mare de sang qui caillait, s’abat dans son fauteuil. Elle meurt à l’âge de cent cinq ans trois mois et sept jours.

X. Le notaire Grandillot a filé. Pascal n’a plus un sou. Une vie de gêne commence, l’avenir apparaît menaçant. Mais Pascal et Clotilde gardent leur sérénité dans l’infortune, car ils vivent au-dessus, plus loin, plus haut, dans l’heureuse et riche contrée de leur passion.

XI. Clotilde a vendu les bijoux que Pascal lui avait offerts, sauf un collier de sept perles comme des étoiles laiteuses. Maxime, frappé d’une ataxie à marche rapide, cloué dans un fauteuil, épouvanté par la solitude, réclame sa sœur à Paris : elle le soignerait. Pascal l’y encourage, se sacrifiant pour qu’elle soit heureuse là-bas, dans l’aisance et le respect, avec tout un avenir de vie belle et tranquille, plutôt qu’insultée, pauvre et sans espoir, triste compagne d’un vieux fou. L’haleine coupée, les deux mains sur son cœur pour en contenir les battements, il regarde au loin fuir son train à travers la plaine rase, un train tout petit que le mistral semble balayer, ainsi qu’un rameau de feuilles sèches.

XII. Dans la grande maison vide, Pascal vit portes et fenêtres closes, dans une solitude et un silence absolus. Maxime s’habituerait à sa sœur, le sacrifice devait être consommé jusqu’au bout, maintenant qu’il était accompli. Repris d’une passion souffrante, d’une tendresse déchiré, Pascal monte la garde autour de ces dossiers, cet amas glacé de papiers, ces froides pages de manuscrits, auxquelles il avait sacrifié la femme, et qu’il s’efforce d’aimer assez afin d’oublier le reste. Il ne cesse pas de travailler, malgré des crises d’angine de poitrine, l’effort devant trouver en soi sa récompense, l’œuvre étant toujours transitoire et restant quand même inachevée.
Un jour, une lettre de Clotilde lui apprend qu’elle est enceinte de deux mois. Il lui télégraphie : « Je t’attends, pars ce soir. » La nuit même, après une insomnie heureuse d’espoirs et de rêves, une crise effroyable lui apprend qu’il va mourir. Il n’a que le temps d’inscrire le jour de sa mort dans l’Arbre généalogique, et d’y ajouter une note sur son enfant à naître : « Que sera-t-il ? »

XIII. Arrivée essoufflée, Clotilde trouve Ramond au seuil du vestibule, descendu pour amortir en elle l’affreuse catastrophe. Pascal est mort avec son nom aux lèvres, calme et désespéré, en héros. Une clarté se fait dans l’esprit de Clotilde : il avait poussé le dévouement, l’oubli de lui-même jusqu’à s’immoler pour ce qu’il pensait être son bonheur à elle.
Le soir, Félicité et la servante Martine font flamber les dossiers dans la cheminée. C’est un galop de sorcières, activant un bûcher diabolique, la pensée écrite brûlée, tout un monde de vérité et d’espérance détruit, une profanation, l’assassinat du génie, l’anéantissement de toute une vie de travail.

XIV. Clotilde donne le sein à son enfant. Elle accepte de vivre son existence comme il faut la vivre, avec l’espoir que la somme du travail humain libérerait un jour le monde du mal et de la douleur. Elle avait aimé, elle était mère, elle comprenait. Il fallait marcher avec la vie qui marchait toujours. Aucune halte n’était à espérer, aucune paix dans l’immobilité de l’ignorance, aucun soulagement dans les retours en arrière. Il fallait avoir l’esprit ferme, la modestie de se dire que la seule récompense de la vie était de l’avoir vécue bravement, en accomplissant la tâche qu’elle impose.

Ce résumé n’utilise que des mots employés par Zola

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