Plan définitif

« Débordant d’abnégation, de bonté et de gaieté.
Un cantique à la vie, un cri de santé quand même, d’espoir en l’avenir.
Expliquer toute une série, conclure par une large confiance en la vie. »

Documents préparatoires du Docteur Pascal, NAF10290, f° 189.

Ébauche (1)

Je voudrais, avec Le Docteur Pascal, résumer toute la signification philosophique de la série. Je crois y avoir mis, malgré le noir pessimisme qui s’y trouve, un grand amour de la vie, en en exaltant continuellement les forces. J’ai aimé la vie, j’en ai montré l’effort continu avec passion, malgré tout le mal, tout l’écœurement qu’elle peut contenir. Et c’est de cela que je voudrais tirer peut-être cette conclusion ! je ne me suis pas plu à ces tableaux, je ne les ai pas étalés par perversion, mais pour montrer bravement ce qui est pour arriver à dire que malgré tout la vie est grande et bonne, puisqu’on la vit avec tant d’acharnement. – Il faudrait donc que le docteur Pascal fût un clairvoyant, qu’il vît tout le mal, puisqu’il classe les tares et les maux, qu’il n’eût pas en somme l’optimisme aveugle, déclarant l’homme naturellement bon. Non, pas d’illusion consolante : l’homme tel qu’il est, tel que le milieu l’a fait ; et pourtant le docteur aime tout ce qui est par amour de la vie, par admiration des forces vitales. Il sait tout, et il admire, il aime quand même. Donc, s’il est clairvoyant, il faut le faire aussi bon, juste et gai. La bonté et la gaieté venant, non de la santé – car je le ferai sans doute malade, – mais venant de la passion même de la vie. – D’abord, la passion de la vie, et tout en découle : la bonté, la gaieté, surtout l’altruisme, l’amour des autres. On nous a refusé l’attendrissement, la fraternité, la sensibilité, la sympathie, et je prétends, moi, que nos livres en débordent, sous leur composition correcte. Je veux donc que le dernier livre de la série soit un résumé sensible de toute cette bonté, cette sympathie éparse. Le faire surtout débordant d’abnégation et de tendresse.

Mais il faudra surtout rendre cela sensible dans l’intrigue, car les dissertations sont bien froides d’ordinaire – Il faudra chercher le petit roman nécessaire, le plus simple possible. […]

Malgré toute la saleté que j’aurai montrée, malgré tous les abominables personnages qui se promènent dans ma série, en voilà encore un, je ne crains pas d’en créer encore un. Et quel sera-t-il ? Je l’ignore, la mère l’ignore. Mais il faut le croire bon, puisque la nature, malgré tous les bandits qu’elle crée, ne se lasse pas de créer, dans l’espoir sans doute que les bons viendront. – Cette scène finale pourrait donc avoir sa grandeur, son défi, un nouvel être de la race des Rougon-Macquart, et de la joie et de l’espoir, malgré tout à sa naissance, malgré les terribles dossiers dont les débris sont là. La vie continue, recommence, c’est l’idée de la série. Quitte à faire des monstres, il faut créer quand même. – Puis, peut-être, grâce à un moyen, les idées sur l’hérédité, l’équilibre se rétablissant par la diffusion, l’humanité reprenant une moyenne, un niveau, etc.

[…]

Félicité ne mourra pas, quand Tante Dide, Charles, Macquart, le docteur lui-même sont morts, elle triomphe, elle croit avoir anéanti les papiers, anéanti la science, et elle donne une fête. Elle triomphe dans la ville. Résumer là ou ailleurs ce qui reste de la famille. Bien entendu, la scène de Clotilde accouchée et de l’enfant termine quand même le volume. […]

Voir ce que je puis obtenir avec le côté scientifique. Je fais de mon docteur un original, avec des parties de génie. Donc, il faut que je lui donne une idée, un coup de génie. Ce pourrait être ce dont de Fleury m’a parlé, les injections de substance nerveuse. […] Mais il y a toute une autre partie, côté science. C’est l’attitude du docteur devant sa famille. Lui, s’est sondé, a examiné son cas sous toutes les faces, et s’est trouvé indemne. Cas d’innéité (l’innéité commode, en ce sens qu’elle permet de tout introduire dans le problème). Il est très content de ne pas en être. (Ne pas oublier aussi l’étude qu’il a faite de Clotilde. Ce qu’il trouve en elle : cela me sera donné par les besoins du personnage.) […]

Quand Maxime vient, je pourrai avoir toute la descendance en présence, si j’amène Saccard : Tante Dide, Félicité femme de Pierre Rougon mort, Saccard, Maxime, Charles. J’ai cinq générations en présence. Je crois bien que tante Dide est la trisaïeule de Charles. – Mais je ne suis pas d’avis d’amener Saccard, ce qui compliquerait singulièrement les choses. Il y aura un trou que Pascal pourra constater. Il ne manque que Saccard, dira-t-il, pour que la chaîne soit complète.

Documents préparatoires du Docteur Pascal, Bibliothèque Bodmer, Genève, f° 1-46.

Ébauche (2)

« Tout se fondant dans une grande tendresse. La sérénité, sinon le bonheur apporté par la science. La croyance en la vie revient, autrement. L’injustice, l’inégalité. Un pardon, une indulgence universelle, infinie tendresse et ardente charité. Altruisme, le bonheur des autres, suprême bonté et tolérance. La gaieté par l’amour de la vie. Le coup d’œil de haut, beaucoup d’infamie, mais beaucoup de bien aussi. Espoir en un monde supérieur par la science, le pouvoir incalculable. – La vie, le grand moteur, l’âme du monde. La sérénité par la science, tout savoir, tout prévoir, tout accepter, avoir réduit la nature à être notre servante, vivre dans la tranquillité de l’intelligence satisfaite. 

Ce besoin impérieux que l’humanité a d’interroger l’inconnu, de savoir où elle va, la personnification du temps présent, la marche en avant, en s’appuyant sur la science, et le souci de l’au-delà, plus grand que nous ne l’avons eu. Tout se fond en elle. Besoin de bonheur d’abord, besoin de savoir et d’être heureux, le tourment est là. Besoin d’illusion et de mensonges. La part de la réalité et du mystère. – Heureux équilibre entre la passion de la science et le désir de l’inconnu. […] Le credo de Pascal est la conclusion logique de Pascal, mais l’élargir avec le point d’interrogation de Clotilde. »

Documents préparatoires du Docteur Pascal, NAF10290, f° 190-191.

Plan

I. Plein été juillet 72. Pascal travaille, classe, avec Clotilde. La Souléiade fenêtres closes, très chaud. Poser les deux brièvement. – Il va piler. Félicité arrive, la poser ainsi que la servante. Tout Plassans. – Elle endoctrine Clotilde qui prend la clef sur l’armoire. Toute Félicité et Plassans. – Rien que des faits sur le reste. Pascal entre. – Rien que le cabinet, puis tout le paysage lorsqu’on ouvre la fenêtre.

II. Juillet. Pascal médecin, son dada, une tournée avec Clotilde, posant les piqûres et leurs effets. Visite à des malades. La plaine, l’histoire de Pascal, de Clotilde et de Martine, le Paradou. La maison aussi et la situation pécuniaire. Toute la maison décrite et la propriété et la dualité de Clotilde. Alchimie du XIXe siècle. L’épisode de Macquart. Ramond rencontré, le poser là. – Une promenade matinale de Clotilde qui me donnera la maison.

III. Août. Arrivée de Maxime. Visite aux Tulettes. Dans les gorges, le midi. Tante Dide et Charles, toute la descendance. Je crois que je joindrai l’épisode de Macquart à celui de tante Dide. Maxime offre à Clotilde sa sœur de l’emmener. Refus.

IV. Septembre. Le chapitre qui prépare le résumé des dossiers. Dans la maison, situation pécuniaire reprise. Sur le pied de guerre avec Clotilde, les tortures du savant. Toute l’analyse de Clotilde croyante, science combattue par la légende. La savante qu’il a faite et la dévote. Préparer la scène des dossiers.

V. Septembre. Toute la scène des dossiers. Elle à demi nue. Amour inconscient. Il la force à les reclasser. Le grand résumé superbe de ma série.

VI. D’octobre à mars 73. Il était content de ne pas en être. Et il est frappé de neurasthénie. Peur de son hérédité, peur de la folie. Une visite de Ramond. Son mariage. Et Clotilde le soigne. – Folie persécutrice et des grandeurs. Des gens viennent se faire soigner.

VII. Avril 73. Le don de Clotilde. Le mariage va avoir lieu. – à la suite d’une scène avec Félicité, elle se donne, la science l’emporte sur le mysticisme, la vie triomphe. Lui a rêvé cet amour, il la repousse. Elle se donne volontairement.

VIII. Mai, juin. La possession, l’idylle heureuse. Dedans, dans le jardin, promenade. David et Abigaïl. Le roi puissant dehors. Pascal guérit de sa neurasthénie. Une description du barrage. Ne veut plus guérir. Tout est bien peut-être. Seulement contre la souffrance. La bonne, Félicité. – Les cadeaux faits, la folie du don.

IX. Juillet. Dans une promenade, épisode de Macquart brûlé. Félicité a vu et a filé. Puis l’épisode de Tante Dide et de Charles. Préparer la fuite du notaire.

X. Juillet, août. L’amour continue, mais dans la misère. À quoi bon guérir, rien que contre la souffrance. La catastrophe, la rente perdue, famine. Et cela dans la maison. Puis l’aumône au dehors, de porte en porte. Ramond absent, l’ami qui aurait prêté. Le repas du soir, du pain sec, puis le cadeau royal de son corps.

XI. Sept. Le drame. Pascal, pauvre et vieux, voulant sauver de lui Clotilde. Maxime a écrit. Félicité pousse au départ. Clotilde veut rester et se dévouer. Mais Pascal ment, se dévoue, altruisme. Lutte. Clotilde, grosse du commencement de septembre, part déchirée.

XII. Sept, oct. Pascal seul, en loup. Maladie accidentelle, très douloureuse. La souffrance même acceptée : peut-être la faut-il. Toute la maladie, avec l’ami (Ramond présent). Torture du savant. Comment il peut écrire à Clotilde. – Toute la mort annoncée et suivie. La mort au commencement de novembre. Clotilde grosse de 2 mois.

XIII. Premiers jours de novembre 73. Arrivée de Clotilde. Ses regrets devant le corps. Elle l’ensevelit, le veille. Les papiers qu’on brûle à côté. Félicité et la servante. Elle arrive quand les dossiers brûlent les derniers. Elle chasse Félicité.

XIV. Accouche au commencement de mai. Chapitre en juillet ou en août 74. Épilogue. Clotilde accouchée dans la petite maison avec son enfant (la petite rente retrouvée). La fête de Félicité triomphante. Le paysage du 1er chapitre revient. – Et l’éternité de la vie, l’enfant qui tête, très chaud, volets clos, toute la petite maison autour d’elle. Le résumé de la série qui revient, ce qui en reste avec les dossiers brûlés. À l’enfant inconnu.

Documents préparatoires du Docteur Pascal, Bibliothèque Bodmer, Genève, f° 48-49.

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