I. Une fièvre prend Aristide Saccard de tout recommencer pour tout reconquérir, de monter plus haut qu’il n’était jamais monté, de poser enfin le pied sur Paris conquis. Se battre, être le plus fort, manger les autres pour ne pas qu’ils vous mangent, c’est, après sa soif de splendeur et de jouissance, l’unique cause de sa passion des affaires. Il en prépare une énorme qui l’effraie lui-même, tellement elle est vaste, faite, si elle réussit ou si elle croule, pour remuer le monde.

II. D’abord il a travaillé pour une princesse qui a hérité de trois cents millions qu’elle croyait volés, qu’elle veut donner aux pauvres, pour qu’ils en jouissent à leur tour, eux qui font le luxe des riches. Il rencontre un ingénieur et sa sœur Caroline, débordants d’idées de transports vers l’Orient, de mines et de chemins de fer. C’est pour lui la spéculation, la vie de l’argent, prenant d’un coup ce vieux monde ainsi qu’une proie nouvelle, encore intacte, d’une richesse incalculable, cachée sous l’ignorance et la crasse des siècles. Il en flaire le trésor, il en hennit comme un cheval de guerre à l’odeur de la bataille.

III. Il faut fonder la Banque Universelle : c’est simple, c’est grand, ça englobe tout, ça couvre le monde. Avec sa parole ardente qui transforme une affaire d’argent en un conte de poète, il explique à ses futurs associés les entreprises superbes, le succès certain et colossal.

IV. Sur le marché de Paris, des bruits se répandent, une rumeur ramène le nom de Saccard du fond trouble où il s’était noyé un instant. Son antichambre s’emplit de solliciteurs, de coulissiers et de remisiers de bourse. Toute un foule montante, dont il croit réellement faire la fortune en les associant, pour une part, à la pluie d’or qui allait pleuvoir sur lui et autour de lui.

V. Jamais Saccard ne s’est dépensé avec autant d’activité. Il vit dans un tel désir, dans une telle anxiété du succès, que ses autres appétits vont en rester comme diminués tant qu’il ne se sentira pas triomphant, maître indiscuté de la fortune. Caroline apprend par un maître-chanteur que Saccard a eu jadis un fils, qu’elle trouve vivant sur une paillasse, l’abjection humaine dans un absolu dénuement. Elle le fait admettre dans une des Œuvres fondées par la princesse, comptant sur le travail de la vie pour réparer le mal, de même que la sève qui monte toujours ferme l’entaille au cœur d’un chêne, refait du bois et de l’écorce.
À la première cotation, c’est une hausse rapide. Le terrain était prêt, le terreau impérial, fait de débris en fermentation, chauffé des appétits exaspérés, pour une de ces poussées folles qui obstruent et empoisonnent la Bourse, ne laissant après elles que des ruines et du sang.

VI. Saccard, redevenu le maître veut être obéi de ses associés, sachant qu’il les tient tous par l’espoir du gain et la terreur de la perte, dans la partie de colossale fortune qu’il joue avec eux. Un renseignement qu’il est seul à posséder crée à la Bourse une mêlée inexprimable, une de ces batailles confuses où tous se ruent, pour sauver leur peau, assourdis, aveuglés, n’ayant plus la conscience nette de la situation. Il y gagne deux millions, et continue à jouer, par coups de fièvre, appliquant au terrain financier la méthode de la culture intensive, chauffant, surchauffant le sol, au risque de brûler la récolte, et jouant sur les propres valeurs de la banque.

VII. Dans les affaires de l’Universelle, Caroline, devenue la maîtresse de Saccard, s’est forcée à la tranquillité et à l’espoir, complice, par l’aveuglement de sa tendresse, de ce qu’on ne lui disait pas, de ce qu’elle ne cherchait pas à apprendre. Ce qui surtout l’angoisse, c’est ce terrible train, ce galop continu, pareil à une machine bourrée de charbon, lancé sur des rails diaboliques, jusqu’à ce que tout crève ou saute. Elle aurait anéanti l’argent, cet argent pourrisseur, empoisonneur qui dessèche les âmes. Mais l’argent est aussi le fumier dans lequel pousse l’humanité de demain, le ferment de toute végétation sociale. Tout le bien naît de lui, qui fait tout le mal. Et elle ne sait plus, ébranlée jusqu’au fond de son être.

VIII. Au moment de l’Exposition universelle dont les foules grisent Paris, Saccard inaugure le nouvel hôtel abritant sa banque, construit en moins de six mois. On augmente encore le capital, en présentant un bilan approximatif de l’année à venir. L’engouement s’exaspère, s’aggravant chaque heure, sous l’épidémique fièvre de l’agio. On achète, on achète, même les plus sages, même les petits, la foule piétinante qui suit les grosses armées, dans la conviction que ça monterait encore, que ça monterait sans fin.

IX. Pour que la marche ascensionnelle des cours ne s’arrête pas, Saccard donne des ordres d’achat sous des prête-noms. Le système de la société achetant ses propres titres, jouant sur eux, se dévorant, commence. Les nouvelles alarmantes grandissent, on annonce tout haut la catastrophe fatale, et on monte quand même, par la force obstinée d’un de ces prodigieux engouements qui se refusent à l’évidence. Gundermann, le roi de la banque juive, que Saccard exècre, attend son heure.

X. Saccard engloutit des sommes considérables, pareilles à des rangées de soldats que les boulets emportent. Il se bat non pour le gain immédiat, mais pour sa royauté elle-même, pour sa vie. Il n’y a plus que des pions que l’on pousse sur l’échiquier, plus de lien, plus de parenté, plus d’amitié. Seul son insatiable appétit le tient debout, sans cesse dévorant. Et c’est la débâcle, la déroute emportant la foule en un galop désordonné. La plaine reste rase, jonchée de cadavres.

XI. Saccard, inconscient, promet encore de sauver la situation quand un commissaire de police procède à son arrestation immédiate pour abus de confiance. Il a tout pourri, il y a chaque jour de nouveaux écroulements, on se demande où s’arrêteraient les ruines. Partout des cris de douleur s’élevaient, des fortunes s’effondraient avec le bruit des tombereaux de démolitions que l’on vide à la décharge publique.

XII. Dans sa cellule, Saccard a encore des projets, l’éternelle illusion de l’espoir, l’entêtement de l’homme qui ne veut pas mourir. Condamné à 5 ans, il quitte la France, protégé par son frère Eugène Rougon, qui veut s’en débarrasser. Victor, le fils caché de Saccard, a disparu après avoir violé une gamine. Le monstre est lâché par le monde, à l’avenir, à l’inconnu, ainsi qu’une bête écumante du virus héréditaire. Caroline, après avoir touché le fond du désespoir, fatiguée de l’inutile recherche des causes, n’est plus qu’une créature goûtant l’unique jouissance de se bien porter. La joie d’être, est-ce qu’il en existe une autre ? La vie telle qu’elle est, dans sa force, si abominable qu’elle soit, avec son éternel espoir.

Ce résumé n’utilise que des mots employés par Zola

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