RÉSUMÉ PAR ZOLA
« Ce roman sert d’introduction à toute l’œuvre. Il montre certains membres de la famille dont je veux écrire l’histoire, au début de leur carrière, fondant leur fortune sur le coup d’État, comptant sur l’Empire qu’ils prévoient pour contenter leurs appétits.
Cet épisode a surtout quatre grandes figures qui ne reparaîtront plus dans les autres récits : l’aïeule, Tante Dide, la souche dont sont issus les principaux personnages de la série ; ses deux fils, l’un légitime, Pierre Rougon, l’autre illégitime, Antoine Machard, et l’un de ses petits fils, Silvère.
L’aïeule est la haute personnification d’un tempérament, d’un état physiologique particulier se propageant et se distribuant dans toute une famille. Les trois autres héros, outre leurs caractères héréditaires, offrent trois états de l’idée politique :
Pierre Rougon est le conservateur qui cherche surtout à tirer des événements un profit personnel et qui ne recule devant aucun moyen pour fonder sa fortune et celle de ses enfants sur le nouvel Empire. Antoine Machard est le fainéant, l’envieux que sa paresse jalouse et impuissante a jeté dans une fausse et honteuse démocratie. Silvère, au contraire, l’énergique enfant de dix-sept ans, la belle et ardente figure de tous les enthousiasmes de la jeunesse, est l’âme même de la jeune République, l’âme de l’amour et de la liberté.
Je plierai le cadre historique à ma fantaisie, mais tous les faits que je grouperai seront pris dans l’histoire (livres de Ténot et de Maquant, journaux de l’époque, etc.)
Je prendrai à la très curieuse insurrection du Var ses détails les plus caractéristiques, et je m’en servirai selon les besoins de mon récit. »
Projet transmis par Zola à l’éditeur Lacroix fin 1868 ou début 1869. NAF 10303, f° 37-38.
RÉSUMÉ DANS LA CONQUÊTE DE PLASSANS
« Oh ! je les connais sur le bout du doigt, les Rougon ; je les ai suivis. Ce sont des gens très forts. Ils avaient une rage d’appétits à jouer du couteau au coin d’un bois. Le coup d’État les a aidés à satisfaire un rêve de jouissances qui les torturait depuis quarante ans. Aussi quelle gloutonnerie, quelle indigestion de bonnes choses !… Tenez, cette maison qu’ils habitent aujourd’hui appartenait alors à un M. Peirotte, receveur particulier, qui fut tué à l’affaire de Sainte-Roure, lors de l’insurrection de 51. Oui, ma foi ! ils ont eu toutes les chances : une balle égarée les a débarrassés de cet homme gênant, dont ils ont hérité… Eh bien ! entre la maison et la charge du receveur, Félicité aurait certainement choisi la maison. Elle la couvait des yeux depuis près de dix ans, prise d’une envie furieuse de femme grosse, se rendant malade à regarder les rideaux riches qui pendaient derrière les glaces des fenêtres. C’étaient ses Tuileries, à elle, selon le mot qui courut à Plassans, après le 2 Décembre.
– Mais où ont-ils pris l’argent pour acheter la maison ?
– Ah ! ceci, mon brave, c’est la bouteille à l’encre… Leur fils Eugène, celui qui a fait à Paris une fortune politique si étonnante, député, ministre, conseiller familier des Tuileries, obtint facilement une recette particulière et la croix pour son père, qui avait joué ici une bien jolie farce. Quant à la maison, elle aura été payée à l’aide d’arrangements. Ils auront emprunté à quelque banquier… En tout cas, aujourd’hui, ils sont riches, ils tripotent, ils rattrapent le temps perdu. J’imagine que leur fils est resté en correspondance avec eux, car ils n’ont pas encore coMmis une seule bêtise. »
La Conquête de Plassans, chapitre VI.
RÉSUMÉ
« Chapitre I. Deux enfants amoureux sortent un soir, vers neuf heures, de la petite ville de Rolleboise. La soirée de décembre est froide, mais le temps est sec, et la lune luit largement. Silvère a dix-sept ans, Miette quinze.
Ils vont souvent promener ainsi sur la grande route leurs amours naissantes, s’encapuchonnent, se cachant dans l’ombre des murailles pour éviter les yeux jaloux de la province.
Ce soir-là, ils s’avancent au loin dans la campagne, s’oubliant aux bras l’un de l’autre. Conversation, sensations des deux enfants amoureux, seuls dans la grande paix du froid.
Et voilà que, tout à coup, ils entendent devant eux un bruit de chants qui s’approche formidable, un roulement pressé de pas qui semble annoncer tout un peuple en marche. Bientôt ils aperçoivent, venant à eux, une bande d’hommes armés de fusils, de faux, de bâtons. C’est un corps d’insurgés qui marche sur Rolleboise. Pendant la journée la nouvelle du coup d’État est arrivée et les campagnes viennent de se soulever. Silvère, qui est depuis quelques mois de la société secrète des Montagnards, se joint à la bande et Miette elle-même, fille d’un condamné politique contumace, prend le drapeau et marche au milieu des hommes.
Chapitre II. Rolleboise. Situation des esprits, tableau d’une petite ville de province au moment du coup d’État.
Le maire, le juge de paix, le receveur des contributions, gens faibles et tremblants, penchent pourtant un peu vers l’idée républicaine.
En face d’eux s’est formé un groupe compact de légitimistes, d’orléanistes et de bonapartistes, qui travaillent à la réaction.
À la tête de ce groupe se trouve Pierre Rougon, ancien négociant qui n’a jamais fait de brillantes affaires et qui vit assez misérablement.
Sa femme, dévorée d’ambition, exaspérée de ne pouvoir contenter ses vanités bourgeoises, est le ressort secret qui le pousse et le dirige.
Ils ont eu cinq enfants, trois fils et deux filles, pour l’éducation desquels ils se sont à peu près ruinés, par orgueil d’abord, puis avec l’espérance que les succès de ces enfants aideraient plus tard à leur propre fortune. Mais cette espérance ne s’est pas réalisée. Toute la famille végétait lors de la révolution de 1848.
Je n’aurai pas à parler des filles qui se sont mariées au-dehors. Sur les trois garçons, deux sont restés à Rolleboise, Pascal, qui est médecin, et Aristide, véritable chevalier d’industrie, le nez au vent, flairant l’occasion de faire une fortune rapide ; ces deux personnages se mêlent comme comparses à l’action du roman. Quant au troisième fils, Eugène, il a couru à Paris, dès la présidence du prince Louis-Bonaparte, sentant que le moment était bon pour les hommes actifs et peu scrupuleux ; c’est un garçon de talent que la province a étouffé jusque-là et qui devine que son heure est venue.
Si Pierre Rougon se trouve à la tête du groupe de réactionnaires de Rolleboise, il le doit à son fils Eugène, qui rend à Paris des services au prince-président et qui dirige de loin la conduite de son père. C’est ainsi qu’il peut l’avertir quelques jours avant le coup d’État auquel il travaille lui-même. Pierre Rougon veut se rendre utile autant que possible au prochain Empire, sachant qu’il sera récompensé. Il se contente de convoiter pour le moment la place de receveur des contributions.
Lui et ses amis cherchent donc à organiser la défense en vue des troubles que pourrait soulever à Rolleboise le coup d’État. Ils doutent des autorités. Malheureusement, le coup d’État a lieu trop tôt. Surpris par la nouvelle des événements de Paris, Pierre Rougon n’a que le temps de décider avec ses amis qu’il leur faut avant tout se cacher, s’ils veulent profiter plus tard des faits ; ils craignent d’être arrêtés dès le début de l’insurrection qu’ils savent imminente. Pierre Rougon se réfugie en hâte chez sa mère, tante Dide, comme on la nomme dans le pays.
Chapitre III. Tante Dide est une ancienne paysanne qui a eu Pierre Rougon d’un mari mort deux ans après la naissance de cet enfant.
Veuve, elle a pris un amant, qui l’a rendue mère de deux autres enfants, un fils et une fille ; la fille est morte en laissant deux garçons, Silvère et un autre enfant qui ne paraît pas dans le roman ; le fils Antoine Machard a fort mal tourné. Paresseux, ivrogne, Antoine s’est marié, comptant se faire nourrir par sa femme et ses enfants ; les enfants qu’il a eus se sont sauvés ; sa femme seule est restée, lui servant de gagne-pain et de souffre-douleur. Il habite un faubourg de Rolleboise, irrité de sa misère volontaire et méritée, se jetant dans le communisme le plus intéressé. Il hait surtout son frère Pierre Rougon, ne tarissant pas de récriminations contre sa position de fils légitime ; il le hait pour les quelques sous qu’il a su amasser, il le hait encore pour ses enfants qui sont des messieurs, lorsque les siens ne sont que des ouvriers.
Aussi se promet-il une belle vengeance, le jour où la République – pour lui les coups de fusil et le pillage – triomphera.
Il est de la société secrète des Montagnards, il attend avec impatience la lutte que tous sentent prochaine. Dès le soir du jour où est arrivée la nouvelle du coup d’État – pendant que Silvère et Miette rencontrent la bande d’insurgés, pendant que Pierre Rougon va se réfugier chez sa mère, tante Dide –, Antoine Machard, à la tête de quelques ouvriers de Rolleboise, parcourt les rues de la petite ville, appelant le peuple aux armes et parlant d’arrêter les réactionnaires influents.
Il va lui-même arrêter Pierre Rougon, mais il trouve la maison vide.
Chapitre IV. Entrée à Rolleboise de la bande des insurgés marchant sur Digne.
Miette au premier plan, portant le drapeau, et Silvère à son côté. Natures enthousiastes du midi. Tout ce chapitre sera rempli de curieux détails historiques : occupation de la ville ; arrestation des autorités qui, bien que penchant pour la République, n’osent se joindre à l’insurrection ; courte lutte avec les gendarmes que l’on finit par désarmer. Silvère aide à ce désarmement, et sans le vouloir, en arrachant un fusil des mains d’un gendarme, il blesse ce gendarme à l’œil. Les fils Rougon, Pascal et Aristide, le médecin et le chercheur de fortune, sont mêlés aux faits. Quand la lutte est terminée, pendant que les insurgés prennent quelques repos avant de continuer leur marche, Silvère court chez sa grand-mère tante Dide, pour lui annoncer son départ. Il vit chez la vieille femme qui l’a recueilli à la mort de sa mère. Il y arrive, les mains teintes du sang du gendarme, et y trouve son oncle Pierre Rougon, qui s’y est caché. Scène entre tante Dide, Pierre Rougon et Silvère, développant le caractère de chaque personnage.
Chapitre V. Tante Dide a quatre-vingt-un ans. Pauvre, vieille, elle porte le poids de ses fautes. Elle est frappée par ses enfants, par Antoine Machard qui lui reproche sa naissance, par Pierre Rougon qui lui sert une petite rente comme une aumône. C’est pour ne pas vivre seule au monde qu’elle a pris Silvère avec elle. L’enfant travaille dans une étude d’avoué et ne lui coûte rien. D’ailleurs si tante Dide s’est attachée à Silvère comme au dernier des siens qui l’aime encore, Silvère adore sa grand-mère qui a soulagé ses souffrances d’enfant. Récit de cette vie en commun d’une vieille femme et du jeune garçon, dans une petite maison de Rolleboise.
Tante Dide, qui compte des fous dans son ascendance, est elle-même comme folle par moments : une terrible maladie nerveuse la secoue, lui donne presque des crises d’épilepsie. Silvère pendant ses accès l’a toujours veillée avec une sollicitude effrayée. Il est bien son petit-fils par les nerfs.
Frêle, ardent, il a des enthousiasmes qui ressemblent à des crises de folie généreuse. Tout ce chapitre est consacré au récit de l’enfance de Silvère, aux côtés de tante Dide.
Détails d’hérédité, drame intime et profond entre cette vieille femme et ce jeune enfant.
Chapitre VI. Amours de Silvère et de Miette. Récit rétrospectif de la liaison de ce garçon de dix-sept ans avec cette jeune fille de quinze ans.
Idylle jetée dans le sombre drame de l’insurrection. Puis l’amour de Miette conduit Silvère à l’amour de la liberté. Bien que n’étant jamais allé au collège, l’enfant a une demi-instruction qu’il s’est faite lui-même. Il trouve un tome dépareillé des Grands Hommes de Plutarque, et s’enthousiasme pour la République. C’est à cette époque que son oncle l’a fait entrer dans la société secrète des Montagnards.
Chapitre VII. Le corps des insurgés s’éloigne de Rolleboise au milieu de la nuit. Silvère et Miette se remettent en marche. Antoine Machard, qui ne se soucie guère d’aller faire le coup de feu, a demandé le commandement des quelques hommes que les républicains laissent derrière eux, pour garder la ville.
La bande insurrectionnelle a amené à sa suite le maire, le juge de paix, le receveur des contributions, tous les fonctionnaires faits prisonniers ; la ville est tranquille et, dès que le jour vient, Antoine croit pouvoir se remettre à chercher son frère et ceux dont il prétend avoir à se plaindre, pour les écraser de sa nouvelle puissance. Mais pendant qu’il s’éloigne de ses hommes, les gendarmes qui se sont barricadés dans la gendarmerie et qui ont réussi à se procurer de nouvelles armes, font une sortie, arrêtent les républicains et parviennent même à mettre la main sur Antoine.
Ils ne parlent rien moins que de le fusiller, lorsque tante Dide, qui est allée accompagner Silvère, aperçoit en rentrant dans la ville son fils Antoine entre les mains des gendarmes furieux.
Elle court chercher Pierre Rougon toujours caché chez elle et le supplie de venir sauver son frère.
Pierre commence par se faire rendre un compte exact de la situation de la ville et, lorsqu’il sait que le moment qu’il attendait est venu, il consent à se montrer. Il délivre son frère des mains des gendarmes et le fait conduire en prison.
Cette fin de chapitre est pour mettre en présence tante Dide et ses deux fils, Pierre Rougon et Antoine Machard. Scène entre ces trois personnages.
Chapitre VIII. Les insurgés ayant emmené les autorités, Rolleboise se trouve au pouvoir d’un groupe de réactionnaires qui cherchent à y organiser la défense dans le cas où de nouvelles bandes se présenteraient. Pierre Rougon, qui a attendu prudemment jusque là, sent que l’heure de faire du zèle est venue. Il accepte le mandat de maire provisoire, il fait fermer les portes de la ville.
Lui et ses amis ne sont cependant pas sans crainte : ils ignorent encore les résultats du coup d’État à Paris, ils on une sourde peur de se mettre au service d’une cause peut-être déjà perdue.
Peindre l’anxiété de cette petite ville, de ces gens intéressés, isolés au milieu d’une contrée en insurrection et pâlissant à la pensée de se compromettre inutilement.
Ce que veut Pierre Rougon, c’est avant tout servir une cause triomphante. En se déclarant franchement pour le coup d’État, il joue toute sa fortune sur une seule carte.
D’ailleurs, il n’oserait jamais se déclarer si nettement si sa femme ne le poussait. Étude de quelques bourgeois de province, paisibles et poltrons, mêlés à cette crise civile. Récit des deux journées que Rolleboise passe en plein pays révolté, fermé comme une citadelle, sans nouvelles du dehors. Les réactionnaires voient du haut des murs passer dans la campagne des bandes insurrectionnelles, et ils ne respirent que lorsque ces bandes se retirent après avoir rôdé autour de Rolleboise qu’ils désespèrent sans doute de prendre d’assaut.
Tous suent la peur, tous se disent qu’ils sont perdus si le prince Louis Bonaparte n’a pas réussi à Paris. Enfin leurs inquiétudes cessent. Pierre Rougon reçoit une lettre de son fils Eugène qui lui apprend la victoire du prince-président.
Peu s’en faut que les réactionnaires de Rolleboise n’illuminent.
Joie et insolence de ces messieurs qui, ne tremblant plus et voyant qu’ils ont réussi à se mettre du parti le plus fort, font du courage à bon marché. Pierre Rougon est comme transfiguré. Il a, sur le conseil de sa femme, tenu secrète la lettre de son fils pendant la première journée et a pu étonner ainsi tout Rolleboise par son énergie. Le bruit courait que le prince-président était interné à Vincennes, et Pierre, se gardant de démentir ce bruit, jouait au dévouement à toute épreuve et parlait de mourir pour la cause qu’on disait perdue. Son fils Aristide, qui depuis le commencement de la lutte est très inquiet de savoir quel parti l’emportera pour embrasser ce parti au plus vite, apprend le triomphe du coup d’État et se hâte d’imiter son père. Vers la fin du chapitre le préfet du département se présente à la porte de Rolleboise accompagné d’un corps de troupes, que commande un colonel, et qui marche contre les insurgés. Le préfet félicite Pierre de son énergie et lui promet que sa belle conduite ne restera pas sans récompense.
Il lui dit de continuer à administrer la ville jusqu’à ce que l’insurrection soit étouffée ; il fait afficher plusieurs décrets et s’éloigne avec la troupe à la recherche des rebelles.
Chapitre IX. Revenir en arrière et prendre la bande des insurgés à sa sortie de Rolleboise.
Marche dans la nuit. Curieux détails historiques. Les villages prennent les armes. Au loin, dans le creux des vallons, sur les pentes des collines, des voix chantent La Marseillaise. Et toutes les cloches des hameaux sonnent le tocsin sans relâche. Ces détails ne servent d’ailleurs que de cadre aux deux jeunes héros Miette et Silvère. Épisode de ces deux enfants enthousiastes dans cette étrange scène de nuit. Ils marchent côte à côte. Bientôt Miette est lasse. Silvère la porte, l’aide à traverser un cours d’eau.
Puis ils s’arrêtent un instant seuls, perdus dans la campagne noire où tinte sans cesse le tocsin. Quand ils rejoignent les insurgés, le jour se lève.
Ce chapitre suit pas à pas les impressions des deux jeunes amants enthousiastes d’amour et de liberté.
Chapitre X. Les insurgés, après plusieurs marches et contremarches, se sont portés dans la petite ville d’Orchères.
Détails historiques. Peu à peu l’enthousiasme des paysans diminue.
Des bruits alarmants se répandent.
Marseille est paisible ; les insurgés se croient trahis ; ils sont seuls en France à protester par les armes. La nouvelle du succès du coup d’État à Paris achève de les démoraliser. Ils vont se débander quand la troupe se présente. Attaque imprévue, et massacre des insurgés. Plusieurs de leurs prisonniers eux-mêmes sont tués par les soldats qui font feu au hasard ; c’est ainsi que le receveur des contributions de Rolleboise reçoit dans la bagarre une blessure mortelle (historique). Mais l’épisode principal du chapitre est la mort de Miette, qu’une balle perdue frappe en pleine poitrine. Désespoir de Silvère, qui reste auprès du corps, et que les soldats font prisonnier. Longue scène de douleur. Pascal Rougon, le médecin, qui a quitté Rolleboise à la suite des soldats, prévoyant qu’on aurait besoin de lui, tente de rappeler la jeune fille à la vie.
Elle prononce quelques paroles et rend l’âme. Les soldats emmènent Silvère, stupide de douleur.
Chapitre XI. À Rolleboise, Pierre Rougon triomphe. Tante Dide est venue lui rappeler son frère Antoine qui est en prison et qui passera par un conseil de guerre si on ne le fait pas fuir. Lâcheté d’Antoine, qui s’humilie et qui fait bon marché de ses convictions.
Pierre trouve politique de faciliter son évasion, pour que la présence de son frère dans les rangs des insurgés ne le compromette pas. Pendant qu’Antoine prend la fuite, les soldats victorieux repassent par Rolleboise.
Le colonel qui commande la troupe a pris l’atroce mesure de faire des exemples dans les villes qu’il traverse, c’est-à-dire de fusiller à chaque étape deux prisonniers (historique). À Rolleboise, au moment où les soldats vont exécuter cet ordre, le gendarme que Silvère a blessé à l’œil le reconnaît et demande comme un faveur de le choisir pour victime et de le fusiller lui-même (historique).
Comme les prisonniers sont liés deux à deux, le compagnon de Silvère est trainé avec lui au supplice. Épouvantable frayeur de ce malheureux et calme stupide de Silvère, qui songe à Miette morte.
Le gendarme commence par tuer le compagnon du jeune homme, puis d’un coup de pistolet il fracasse la tête de Silvère. Ce double meurtre a lieu à la porte de la ville, brusquement. Aristide Rougon, qui flânait par là, a bien vu les apprêts de l’assassinat de son cousin, mais le misérable a cru bon de laisser le gendarme débarrasser sa famille de ce rejeton illégitime, de ce jeune enthousiaste qui aurait pu devenir compromettant.
Tante Dide, qui est sortie de la ville à la nouvelle du retour des soldats, arrive juste à temps pour voir tomber son petit-fils. Elle a une de ces crises nerveuses qui la rendent presque folle ; elle maudit ses fils : Antoine qui a poussé Silvère à la révolte et Pierre qui n’a pas su empêcher l’assassinat du pauvre enfant.
Elle s’adresse à Pierre, qui vient justement au-devant du préfet pour le féliciter de sa victoire, et lui crie dans une exaltation prophétique : « Le sang de cet enfant retombera sur toute ma descendance. Je le sens à cette heure : si j’ai souffert par vous, vous souffrirez par moi, car il n’ait pas un de vous dans les veines duquel je n’aie mis le malheur. » On emporte la pauvre vieille mourante.
Un court épilogue. Tante Dide meurt quelques jours après ; Pierre Rougon hérite de la place du receveur des contributions tué par mégarde ; Antoine Machard s’est enfui en Piémont ; Aristide Rougon, désespérant de réussir en Province, part pour Paris, où il compte sur l’appui de son frère Eugène. »
Plan de 1868-1869, publié en 1885 dans le Dictionnaire universel illustré de la France contemporaine, de Jules Lermina.