LIVRE PREMIER
I. Dans la sacristie, l’abbé Serge Mouret, aidé par la Teuse, se prépare à dire la messe. Les nappes de l’autel sont trouées d’usure, le cuivre des chandeliers est piqué, la chasuble est limée aux plis.
II.L’église est vide, les vitres claires des fenêtres fêlées ou crevées mettent à nu la misère du Dieu de ce village perdu et laissent entrer les moineaux. Mais le prêtre, abîmé dans le miracle d’amour de l’eucharistie, dans l’immolation continue qui le nourrit chaque jour du sang et de la chair de son Sauveur, n’en remarque rien.
III. L’abbé Mouret déjeune debout d’une tasse de lait sans sucre et se prépare à sortir, malgré ses lacets non noués et sa soutane crottée.
IV. Du grand portail de l’église, il contemple ce pays terrible aux landes séchées, aux arrêtes rocheuses déchirant le sol, avec quelques coins de terres labourables comme des mares saignantes, et des trainées de vignes rayant la campagne. Les habitants des Artaud, tous parents, pullulent sur leur fumier, peuple à part, humanité de trois cents têtes qui recommence les temps. Au séminaire, il n’avait que mépris pour la nature damnée, et souhaitait s’anéantir dans la souveraine blancheur des âmes. Il se voulait la chose de Dieu, heureux de se savoir à part, créature châtrée, déviée, marquée de la tonsure ainsi qu’une brebis du Seigneur.
V. Dans le cimetière, aux croix arrachées, aux buis séchés, aux dalles fendues mangées de mousse, et qui ne reçoit que la seule ombre d’un gigantesque cyprès, l’abbé Mouret rencontre Frère Archangias, poursuivant des gamins qui auraient dû être à l’école. Vulgaire, cru, humble, rude, l’ordure à la bouche contre le péché, ce Frère paraît parfois à l’abbé Mouret le véritable homme de Dieu.
VI. L’abbé essaie de persuader Bambousse de laisser Fortuné épouser sa fille Rosalie, qui est enceinte. Mais le vieux paysan se refuse à donner sa fille contre rien ; d’ailleurs, ce qui lui est arrivé ne la rend ni bancale ni bossue.
VII. L’oncle de Serge Mouret, le docteur Pascal, l’emmène chez le vieux Jeanbernat, au cas où l’extrême onction serait nécessaire. C’est le vieil intendant du Paradou, château bâti sous Louis XV et détruit jadis par le feu. Portes clouées, meurtrières des murs bouchées, aucun regard n’est entré depuis longtemps dans ce vaste enclos qui tient tout un des hauts plateaux.
VIII. Jeanbernat s’est guéri tout seul en se saignant avec son couteau. Les philosophes du dix-huitième siècle lui ont montré que Dieu n’existe pas et que la nature est une grande menteuse. Il préfère regarder pousser ses laitues que de mettre les pieds dans le parc. Sa nièce Albine, elle, y disparait des matinées entières.
IX. Albine a suivi la voiture de Pascal et Serge qui repartaient, et les salue en agitant un bouquet de jeunes bouleaux.
X. Cette visite a retardé l’abbé Mouret. La Teuse est furieuse que son déjeuner ait attendu, et surtout que l’abbé ne lui dise pas d’où il vient.
XI. Désirée, la sœur de Serge – vingt-deux ans mais un esprit d’enfant – vit en pleine béatitude dans sa basse-cour, un trou qu’on lui abandonne, où elle peut faire pousser des bêtes à sa guise. L’abbé n’aime pas cet endroit : il sent dans le même souffle pestilentiel la tiédeur fétide des lapins et des volailles, l’odeur lubrique de la chèvre, la fadeur grasse du cochon.
XII. Comme tous les jeudis, Frère Archangias dîne à la cure, mange gloutonnement son lard, et avale des pommes de terre entières en guise de pain. Pour lui, Jeanbernat est un chien, qui mériterait moins l’hostie que des cochons ; Albine, comme toutes les femmes, a le diable dans le corps, pue le diable, aux jambes, aux bras, au ventre, partout. L’abbé Mouret trouve une joie pieuse à s’enfoncer dans la bassesse en approuvant.
XIII. Les filles du village ornent la chapelle de la Vierge d’olivier, de laurier et de romarin pour le mois de Marie. Mais oubliant leur air d’abord sournoisement recueilli, elles rient, butent des genoux, ploient les hanches au bord de l’autel, enfoncent leur gorge en plein dans le tabernacle. L’une d’elles tombe, la tête dans le bénitier. Elles se font toutes renvoyer par la Teuse.
XIV. La dévotion de l’abbé Mouret pour la Vierge date de sa jeunesse. Cette figure de blancheur, mise aux pieds de la Trinité redoutable, est pour lui la grâce même de la religion, ce qui le console de l’épouvante de la foi, son refuge d’homme perdu au milieu des mystères du dogme. Il passe souvent la nuit à lui réciter des litanies, mais voilà que la prière reste inefficace : il retrouve, après un court soulagement, la même chaleur grandie depuis le matin de son cœur à son cerveau.
XV. D’où lui vient cette angoisse, ce trouble inconnu, grossi doucement, devenu intolérable ? Pourtant il n’a pas péché. Il est pur comme au séminaire, quand il se confessait tous les jours, s’imposait des jeûnes, et s’agenouillait des heures, genoux nus, sur du gros sel.
XVI. Est-il donc malade, qu’il éprouve ainsi une langueur des membres, tandis que le sang lui brûle les veines ? Jusqu’à ce jour il n’avait rien regretté, rien désiré, rien envié. Le doute ne le tourmentait point ; il s’anéantissait devant les mystères qu’il ne pouvait comprendre, il faisait aisément le sacrifice de sa raison, qu’il dédaignait. Brusquement, il se souvient, et reste grelottant, pris d’une peur qui lui fait se cacher la tête entre les mains : Albine lui était apparue, rieuse, le regardant de ses yeux bleus.
XVII. à genoux devant sa statuette de l’Immaculée Conception, l’abbé Mouret implore longuement la Vierge : qu’elle le fasse redevenir enfant, qu’elle sèche ses organes, qu’elle le laisse sans sexe, incapable du mal, comme une pierre sur un chemin. Terrassé par la fièvre, il s’évanouit sur le carreau de sa chambre.
LIVRE DEUXIÈME
I. Le docteur Pascal a fait transporter Serge Mouret au Paradou pour qu’il y guérisse du délire et de la mauvaise fièvre qui ont failli emporter sa raison. Il se voyait enseveli dans un souterrain, rampant sans fin, haletant, pris de la rage de déblayer tous les éboulements. Maintenant il se sent tout neuf, mais refuse de voir le soleil.
II. Il reste longtemps ainsi, les volets hermétiquement fermés, pleurant sur l’hiver, plaignant les semences enfermées dans un souterrain semblable à celui de ses cauchemars.
III. Ce n’est qu’au printemps qu’il accepte de voir la lumière. Dans le ciel redevenu bleu, il se lave de la souffrance, boit de la douceur, de la pureté, de la jeunesse. Il renaît, mais n’ose pas encore aller jusqu’à la fenêtre. Albine, qui le soigne depuis son arrivée, lui promet de partager bientôt avec lui le jardin du Paradou.
IV. Ils parcourront les buissons de roses et les grandes fleurs qui ont mangé les anciennes allées, le verger où l’on ne peut entrer qu’à plat ventre, tant les branches craquent sous les fruits, les trous d’ombres de la forêt, les rochers entourés de plantes qui font peur, les sources, les prairies bordées de saules. Mais Serge n’est pas encore prêt.
V. Petit garçon, innocent, hébété, la stupeur de ses sens le ramène à la vie végétative d’un être né de la veille. Il reste des après-midi entiers en face du Paradou, avec une moue d’enfant qui ne voit que du blanc, qui n’entend que le frisson des bruits. Albine doit le soutenir pour le mener du lit à la fenêtre, le laisse jouer pendant des heures avec son peigne, avec lequel il gratte doucement ses mains. Un jour, elle peut lui faire descendre l’escalier, et ouvre toute grande la porte du parc. C’est une aurore soudaine, un rideau d’ombre tiré brusquement. Mais une flamme manque encore au fond de ses yeux gris.
VI. Dans la roseraie, Serge achève de naître. Il n’a plus froid, il ne se sent plus enterré quelque part, Albine l’a tiré de la terre. Il l’aime, son rire est un chant, elle est sa joie.
VII. Albine et Serge marchent pour la première fois dans le parc, pour la première fois dans le soleil. Les allées écartées les appellent, les fleurs, penchées, les adorent. Ils s’y perdent, ainsi que des fiancés enfants, souverainement pudiques, comme au centre d’une tour de pureté, où ils ne s’aiment encore que de tout le charme de leur innocence.
VIII. Albine raconte à Serge l’histoire du Paradou : un seigneur avait fait bâtir le pavillon pour y loger une inconnue qui ressemblait à une princesse, avec qui il battait le parc pendant des semaines entières. Elle mourut dans la chambre qu’occupe maintenant Albine. Ils avaient découvert un endroit de félicité parfaite, où ils vivaient toutes leurs heures, et où elle est maintenant enterrée. Albine veut découvrir cette retraite enchantée, avec son arbre immense qui doit la couvrir d’un toit de feuilles, son herbe fine comme une peluche de soie, son mur de buissons que les oiseaux eux-mêmes ne peuvent percer. Même si les gens du pays disent que c’est défendu.
IX. Dans le verger, Albine et Serge jouent à cache-cache tout en maraudant les fruits. C’est une matinée d’enfance, une polissonnerie de gamins.
X. Dans la prairie, c’est comme dans un bain, avec de l’eau verte partout. Près de la rivière, trois saules font comme une tente de verdure. C’est là qu’Albine et Serge accompagnent leur pain de pimprenelle, en jouant à être mari et femme. C’est là l’amour avant le sexe, l’instinct d’aimer qui plante les petits hommes de dix ans sur le passage des bambines en robes blanches.
XI. Albine est toujours à la recherche de son arbre. Avec Serge, elle parcourt taillis et les petits chemins, sans hâte, s’oubliant en détours continuels, goûtant la joie de marcher toujours sans arriver jamais. Ils finissent par se perdre, et ne s’en vont plus qu’à tout petits pas, penchés l’un vers l’autre, comme si un chant de flûte les précédait, que leurs paroles leur venaient d’un orchestre suave qu’ils ne voyaient point. Frémissants de leur premier baiser, quelque chose de puissant, de souverain les envahit, comme une rencontre longtemps attendue, grandis, faits l’un pour l’autre, à jamais liés.
XII. A présent, le parc leur cause une sourde inquiétude, une crainte, une peur de gâcher leur joie, une angoisse qui les rend singuliers, comme ennemis. Grimpés néanmoins sur les rochers, ils contemplent le Paradou étalé à leurs pieds. Serge sent un mur entre eux, que ses poings ne sauraient abattre : quand ses mains prennent Albine, elles ne tiennent qu’un rien de son être. Où est-elle donc toute entière, pour qu’il aille l’y chercher ?
XIII. Le parc entier était à eux, le bois de rose, le parterre, le verger, les herbes, les eaux, la forêt, les rochers, les sources. La nature amie les connaît et s’offre à eux en servante soumise. Mais la vie du parc les assourdit par instant, leur parle une langue qu’ils n’entendent pas, leur adresse des sollicitations auxquelles ils ne savaient comment céder. Cette vie, ces voix et ces chaleurs d’animaux, ces odeurs et ces ombres les troublent, au point de les fâcher l’un contre l’autre. Souffrant de la grande volupté qui les entoure, ils en arrivent à maudire le jardin. Pourquoi un tel ami les désole-t-il ?
XIV. Ils ont peur de la chambre, comme ils avaient peur du jardin. Ils demeurent en face l’un de l’autre, à se regarder gravement, avec de rares paroles très douces, qui les navrent. Albine pleure souvent, une lassitude lui brise les membres. C’est du Paradou, où elle court sans lui, qu’elle rapporte ses découragements, ses espérances, tout ce combat, toute cette latitude dont elle se meurt. Serge se doute bien de ce qu’elle cherche, seule, au fond des feuillages. Un jour, vers midi, elle ouvrit la porte toute grande, criant qu’elle avait trouvé.
XV. C’est le jardin qui avait voulu leur faute, se prêtant pendant des semaines au lent apprentissage de leur tendresse et, au dernier jour, les conduisant dans l’alcôve verte. Ce fut l’arbre qui confia à l’oreille d’Albine ce que les mères murmurent aux épousées le soir des noces. Ce fut une victoire pour les bêtes, les plantes, les choses, qui avaient voulu l’entrée de ces deux enfants dans l’éternité de la vie. Le parc applaudit formidablement.
XVI. Revenus d’un pays de lumière, Albine et Serge redescendaient de très haut. Sur le retour, au détour d’un sentier, ils se trouvent en face de la muraille. Pris de panique, ils la suivent en courant. Tout d’un coup, elle semble s’écrouler : une brèche, qui semblait avoir été agrandie par une main furieuse, ouvrait sur la vallée voisine une fenêtre de lumière.
XVII. C’est le pays des Artaud. De quel rêve Serge s’éveille-t-il, pour sentir monter de ses reins une angoisse si poignante, qui grossit dans sa poitrine jusqu’à l’étouffer ? L’Angélus le fait tomber à genoux, réaliser qu’il a péché. Terrifié quand Frère Archangias le tire brutalement du Paradou, il ne sait dire à Albine s’il l’aime, écarté d’elle comme véritablement brûlé par ses bras et ses épaules nus.
LIVRE TROISIÈME
I. L’abbé Mouret célèbre le mariage de Fortuné et Rosalie. Il est tôt, le grand Fortuné pourra encore aller à son champ, et Rosalie ne perdra pas sa journée de vendange. Le père Bambousse n’est pas venu : puisque monsieur le curé a absolument voulu marier Rosalie, il peut bien la marier tout seul. L’abbé a un peu vieilli, deux plis aux coins de la bouche, un visage qui semble mort, mais deux yeux qui luisent et qu’il semble éteindre quand il baisse les paupières. « Rien n’est meilleur que d’aimer, si ce n’est protéger celle qu’on aime. Soyez damné si vous la délaissez jamais, ce serait le plus lâche abandon que Dieu eût à punir », dit-il à Fortuné.
II. Agenouillé devant l’autel, l’abbé Mouret, les mains jointes, perdu au fond de ses supplications, n’entend pas les pas lourds de la Teuse, qui croit le voir pleurer. Elle ne veut plus le laisser seul dans l’église, l’ayant un soir trouvé évanoui par terre, les dents serrées, les joues glacées, comme mort. Seule sa sœur Désirée le sort de son agonie pour l’emmener déjeuner. Mais il ne prend que quelques gorgées de lait, pendant qu’elle lui raconte avoir emmené sa vache au taureau.
III. L’abbé semble rouler dans une torture qu’il met toutes ses forces à ne point avouer. Cette agonie muette le brise et le rend stupide, en proie à une lutte intérieure dont la violence ne se devine qu’à la sueur d’angoisse de sa face. La Teuse espère le tirer de son silence accablé, le faire causer de son mal, pour éviter qu’il ne se coupe le cœur en quatre. Mais il est trop fier et prétend guérir tout seul.
IV. L’abbé Mouret ne sort plus, cette terre l’inquiétant trop. Pris d’un besoin d’activité, il répare les vitres de l’église, recloue les autels, bouche les trous des murs qu’il recrépit, avant de repeindre la maitre-autel en blanc, jaune et bleu. De l’argent perdu, commente le Frère Archangias.
V. En allant bénir la chambre des mariés, l’abbé Mouret rencontre Jeanbernat, qui lui dit simplement que sa nièce ne va pas bien. Insulté par Frère Archangias, il menace, après un échange de jets de pierres, de lui couper bientôt les oreilles.
VI. Dans sa chambre, l’abbé Mouret a remplacé la statuette de l’Immaculée Conception par un grand crucifix de bois noir. Il rêve de s’y attacher à la place de Jésus, d’y être couronné d’épines, d’y avoir les membres troués, le flanc ouvert. Après de longues heures d’adoration, la grâce lui vient, abondante comme une rosée, un repos absolu, une foi entière. Ses angoisses des jours précédents sont oubliés. Et quand l’oncle Pascal vient le chercher car Albine va très mal, il refuse, l’assurant simplement de ses prières.
VII. Albine, venue voir Serge, arrive pendant la leçon de catéchisme. Désirée l’emmène dans sa basse-cour.
VIII. Dans l’église, Albine trouve Serge prosterné au pied du grand Christ saignant. Elle lui rappelle leur vie au Paradou, là où ils pouvaient tous les deux grandir, s’envoler, courir comme les nuages sans rencontrer plus d’obstacles qu’eux ; là où ils s’aimaient dans l’amour de tout. Il lui montre les images de la Passion. Il ne veut que la mort, celle qui délivre et sauve de toutes les pourritures. Les fleurs du Paradou puent, son soleil aveugle, son herbe donne la lèpre à qui s’y couche, son jardin est un charnier où se décomposent les cadavres des choses.
IX. L’abbé Mouret remercie Dieu de sa grâce : sans elle il aurait écouté la voix de la chair et serait retourné misérablement à son péché. Car il aime toujours Albine. Mais il lui faut un Dieu, un Dieu jaloux, un Dieu implacable, environné de tonnerres, ne se montrant que pour châtier le monde épouvanté. Il faudrait que le ciel le foudroie tout de suite, plutôt que de l’abandonner. Mais il n’était que damné. Et l’église semblait s’écrouler, démolie par la tempête de la vie à l’haleine de fournaise, emportant tout devant elle, dans le tourbillon d’un accouchement colossal.
X. Frère Archangias joue aux cartes avec la Teuse. Il lui raconte avoir vu Albine sortir de l’église, marchant toute droite avec un air orgueilleux malgré l’averse, et s’étaler de tout son long à cause de la terre glissante. Cela lui a donné de la joie pour huit jours.
XI. L’abbé Mouret se décide à retourner au Paradou, mais par bêtise, se résignant, allant là comme à une corvée qu’il ne savait comment éviter. À la brèche de la muraille, il doit enjamber Frère Archangias, vautré par terre, endormi pendant qu’il gardait l’entrée.
XII. C’est l’automne. Mais le jardin ne va pas mourir, il va dormir. Serge sent sur les épaules une robe glacée, qui se colle à sa peau et qui, de la tête aux pieds, lui fait un corps de pierre. C’est la sensation de la chapelle du séminaire, elle lui fait reprendre invinciblement son passé de prêtre. Albine lui parle de leur bonheur au Paradou, il lui raconte son plaisir de rentrer, enfant, dans les églises : quand il y entrait et que la porte retombait silencieusement derrière lui, il lui semblait qu’il était dans le paradis lui-même, avec des voix d’ange qui lui contaient à l’oreille des histoires de douceurs, avec l’haleine des saints et des saintes dont il sentait la caresse par tout son corps. « Va-t-en ! », lui dit Albine, méprisante, résolue, au bout d’un long silence.
XIII. Quand Frère Archangias vit Albine chasser le prêtre, il fut pris d’un rire terrible. Triomphant, il tapait des mains. L’abbé Mouret remercia Dieu d’avoir voulu qu’il n’y ait plus que des ruines en lui, pour qu’il ne soit plus qu’une maison vide qu’Il pourrait habiter.
XIV. Pourquoi donc Albine souffrait-elle toute cette mort ? De quelle faute était-elle coupable pour que, brusquement, le jardin ne tint plus les promesses qu’il lui faisait depuis l’enfance ? Sans doute lui ménageait-il la mort comme une jouissance suprême, lui apprendrait-il à mourir, comme il lui avait appris à aimer. Elle devait mourir avec les fleurs, dans le hoquet suprême des fleurs.
XV. Le docteur Pascal crie en passant devant le presbytère qu’Albine est morte, et qu’elle était enceinte. Il se reproche cette mort comme un crime dans lequel il aurait trempé. Jeanbernat voudrait l’enterrer parmi les fleurs.
XVI. Pendant que l’on tue le cochon de la basse-cour, l’abbé Mouret célèbre l’office des morts pour Albine et l’enfant de Fortuné et Rosalie. Jeanbernat surgit et coupe une des oreilles de Frère Archangias. La vache de Désirée vient de donner naissance à un veau.
Ce résumé n’utilise que des mots employés par Zola
