Plan définitif

« Avec Jean et Maurice, l’amitié complète, grande, héroïque.
La fin d’un monde, le désastre le plus effroyable qui se soit abattu sur une nation, comment on a pu aller des victoires de Napoléon 1er à l’écrasement de Napoléon III.
Pour la guerre. La vie est une guerre, la nature toujours en guerre.
La leçon terrible, mais l’histoire jaillissant du sang et des larmes, la France renouvelée et grandie. »

Documents préparatoires de La Débâcle, NAF10286, f° 136.

Ébauche

« La fatalité qui a pesé sur Sedan, un des écrasements les plus effroyables qu’on connaisse. La destinée s’abattant sur une nation. Mais il y a eu des causes, et c’est justement l’étude de ces causes que je désire faire. Comment une nation qui, au commencement du siècle, s’est promenée par le monde en victorieuse, a-t-elle pu se laisser écraser ainsi. Ses victoires avaient leurs raisons, ses défaites doivent en avoir ; et étudier comment elle a été menée mathématiquement au désastre de Sedan. Victorieuse avec un Napoléon, battue et détruite avec un autre Napoléon. Ce qui s’est passé entre toute la destinée de Napoléon, le châtiment.

Évidemment, c’est parce que nous n’étions plus solides ni a la tête des nations. Avec Napoléon 1er, nous apportions une guerre nouvelle, nous étions les facteurs de la nouvelle force, pour toutes les raisons qu’on peut étudier et dire ; tandis qu’avec Napoléon III, nous étions épuisés sans doute et en arrière dans l’art de la guerre. Étudier cela, avec les autres campagnes du second empire, la Crimée, l’Italie, l’Algérie, notre fameuse école, très mauvaise sans doute. Nous n’étions toujours que les hommes des petits combats, avec l’idée désastreuse de la supériorité de notre valeur. Nos zouaves, nos chasseurs d’Afrique, nos légendes du petit pioupiou français qui enfonçait tout. Et par là-dessus le patriotisme à la Béranger, l’exécrable légende propagée par les Horace Vernet, toute l’imagerie et la poésie chauvines, qui faisaient de nous les troupiers vainqueurs du monde. Beaucoup insister sur ce type légendaire du troupier français, qui devait être insupportable aux autres nations.

Si l’on admet que la guerre est une chose grande et triste, une nécessité parfois terrible, à laquelle il ne faut jamais se décider que mûrement et gravement, quelle singulière attitude était la nôtre d’y aller en dansant, en chantant, en plaisantant, avec des refrains de goguettant. […] Et si quelque chose est mort à Sedan, que nous ne devions pas regretter, c’est cette légende coupable, le troupier ne recevant que plaies et bosses, entre sa belle et un verre de bon vin. Personne ne veut plus la guerre, ou s’y résignerait avec douleur, mais on n’est plus en train de courir les aventures. C’est au moins ça qu’on a gagné. Il n’y a plus que des fous qui promènent des drapeaux dans les rues. – Et, dès lors, incarner dans un personnage cet ancien esprit français de chauvinisme en goguette. À Berlin ! à Berlin ! L’idée qu’on a simplement à se présenter pour vaincre.

Puis, l’immense stupeur après la première défaite. Eh quoi ! on pouvait être vaincu ! Et dès lors, la débandade, l’écrasement. Et, à Sedan, mon personnage typique mourant dans un drapeau, comme un enfant ahuri et écrasé ; tandis que je fais se dresser la vision vraie de la guerre, abominable, la nécessité de la lutte vitale, toute l’idée haute et navrante de Darwin dominant le pauvre petit, un insecte écrasé dans la nécessité de l’énorme et sombre nature. La fin d’une légende.

Montrer que notre écrasement était fatal, une nécessité historique, le va et vient de l’évolution, et pourquoi. D’un côté l’Allemagne avec sa discipline, sa science, son organisation nouvelle, la rencontre de toutes les circonstances qui en font le facteur de la puissance dernière (trouver toutes les raisons). De l’autre, la France, affaiblie, n’étant plus à la tête du mouvement, devant fatalement commettre toutes les fautes, et les commettants en effet (dire aussi toutes les raisons).

Toute la première partie de mon livre sera pour bien poser les raisons de la défaite, poser les personnages, les types, tous ceux que j’aurai à faire agir. Puis, la grande bataille. Et une conclusion pour en montrer les résultats, avec la fin d’un monde, l’incendie de Paris dominant tout. »

Documents préparatoires de La Débâcle, NAF10286, f° 2-8.

Plan

« Première partie

I. Nuit du 6 au 7 août. Devant Mulhouse. Le camp le soir, jusqu’à la nouvelle de Frœschwiller. Weiss venant, causant, posant Sedan, Gunther. Le passé donné par Rochas, Maurice, Jean, Weiss. Goliath passe, Honoré aussi.

II. 7 au 20. La retraite sur Belfort. Première scène d’indiscipline, Jean et Maurice heurtés. La panique, les armes jetées, l’invasion sans qu’on ait vu un Prussien. Toute l’escouade posée, et Honoré défilant avec sa pièce. Puis départ de Belfort, scène du wagon contre Jean, et arrivée à Reims.

III. 20 au 22. Tout Reims, Courcelles. L’empereur, Paris poussant. Prosper venant en ordonnance avec son cheval : posé. Récit de Wissembourg et de Frœschwiller, rétrospectif. Rochas, campagnes du 1er empire. Que s’était-il passé, pourquoi vaincus ?

IV. 23-24-25. La marche sur Sedan. Les 3 premières étapes, jusqu’à Vouziers. La scène de maraude aidant l’indiscipline. L’escouade revient. Honoré revient avec la batterie, et Goliath. La batterie, la pièce posée. Tous les détails de marche. Analyse de l’amitié commençante.

V. 25-26-27. Toute l’attente à Vouziers. L’ennemi qu’on croit là. Pas encore un coup de feu. Puis Maurice malade, au Chesne. Et tout l’épisode de Napoléon III. La nuit du 27 au 28, décisive, terrible. L’attente au plateau de Quatre-Champs. Dès lors, l’armée en perdition.

VI. 28-29-30. De Vouziers à Remilly. Les étapes. L’ennemi, dès Germont. Mais toujours pas un coup de feu. L’épisode des francs-tireurs, posés. Passage à Rachicourt. L’arrière garde bombardée. Dans le défilé. L’amitié déclarée.

VII. 30. À Remilly. Le passage du pont de bateaux. L’attente. Puis, chez le père Fouchard. La ferme posée. Maurice et Jean affamés. Le père Fouchard gardant pour les Prussiens. Scène d’amour de Honoré et de Silvine. Charlot. Le récit de Silvine, de Raucourt.

VIII. 30-31. À Sedan. Delaherche et Weiss, le matin, à Baybel. Jean séparé de Maurice, cherche la maison de Delaherche. Intérieur de ceux-ci : Gilberte, la vieille mère, le capitaine, le colonel. – Première entrevue de Jean et d’Henriette. Jean et Maurice dans des draps. – Un Sedan noir, l’empereur. Weiss à Bazeilles.

Deuxième partie. 1er septembre.

I. 4 à 8h du matin. Le matin, à Bazeilles. Weiss et Delaherche. Pourquoi ils sont là. Tous les événements, le 31. Le champ de bataille et la position des corps. La bataille de 4 h. Au commandement de Ducrot, 8 h. Delaherche rentre à Sedan. Le roi Guillaume.

II. 4 à 9 h ½. À Floing. Jean et Maurice depuis le lever jusqu’à 9 h. Couchés tout le temps, puis engagés. Coup d’œil en arrière sur Bazeilles. Le commandement de Ducrot et celui de Wimpffen arrivant à la fois. Honoré. Prosper.

III. 4 à 9 h ½. Dans Sedan. Henriette dans la ville noire, me donnant tout. Le capitaine couché avec Gilberte. Conversation des deux femmes attendant. L’ambulance posée. Delaherche me donnant la ville ensuite. L’empereur est sorti. Le roi Guillaume repris.

IV. 9 ½ à 12. À Bazeilles. Henriette y va rejoindre son mari, au moment où l’on tâche de reprendre les positions (ordre, Wimpffen). La maison brûlée, Weiss fusillé. Gutmann. Les Français repoussés dans Balan.

V. 11 à 2. À Floing. Le grand combat d’Illy. Combat d’artillerie, Honoré tué. La charge, Prosper. Maurice sauve Jean. Otto Gunther. La jonction est faite. Le capitaine Beaudoin blessé à mort.

VI. 11 ½ à 4. Dans Sedan. Rentrée de l’empereur. La ville s’encombre. Tout l’épisode du drapeau blanc. Delaherche me donnant la ville. Mais surtout l’ambulance. Mort du capitaine Beaudouin dans les bras de Gilberte. La trouée de Wimpffen. Le roi Guillaume repris.

VII. 4 à 6. Derniers combats, autour de Sedan. La retraite. Henriette se retrouvant avec Maurice et Jean. Mort de Rochas. Épisode de « Mon Repos ». Guerre de ruelles et de jardins, malgré le drapeau blanc. Toute l’armée roulant vers Sedan. On ferme les portes.

VIII. 6h au matin. Dans Sedan. La nuit entière. Le parlementaire au roi Guillaume. Wimpffen à Bellevue. Conseil de guerre. La ville tremblant. Delaherche ne dormant pas, d’inquiétude. L’ambulance toute la nuit, avec Henriette qui veille, Maurice qui dort, Jean qui rêvasse. Et cela jusqu’à la capitulation décidée.

Troisième partie

I. 3 sept. Le champ de bataille le 3. Prosper revenu de Belgique et ramenant Silvine chercher le corps d’Honoré. Par Bazeilles. Puis description du champ de bataille de Floing. Les morts, les blessures, les débris. Honoré retrouvé et emporté. Par Sedan, les prisonniers au camp d’Iges.

II. Sept. Le camp d’Iges, du 3 au 12 sept. Maurice et Jean, avec tous les épisodes possibles. Delaherche venant le voir. Tentative de fuite par la Meuse. La faim, les chevaux mangés. Toute l’escouade terminée.

III. Sept. Les prisonniers menés à Pont-à-Mousson. Maurice et Jean, traversant Sedan, maltraités. Ils s’enfuient, mais Jean blessé au pied. Maurice le sauve encore. Le mène sur son cheval à Remilly. Henriette chez Fouchard. Une ambulance où est Dalichamp. On cache Jean, Maurice va reprendre du service à Paris.

IV. Sept. à Dec. Henriette soignant Jean blessé et caché. L’amitié entre eux, devenant de la tendresse discrète. Toute la suite de la campagne par les nouvelles et les journaux. Commerce du père Fouchard avec les Prussiens. Prosper, Silvine, Toute la ferme, Goliath entrevu.

V. Déc. L’épisode des francs-tireurs surprenant Goliath. Le jugeant et le saignant. Première entrevue de Goliath et de Silvine, puis elle le livre et assiste à l’exécution avec Charlot. Jean, à la fin, sachant et outré. On va les inquiéter.

VI. Déc. Retour dans Sedan. Une ville pendant l’occupation. Le père Fouchard a été arrêté et Silvine va trouver Gilberte : couche-t-elle avec l’officier prussien ? non, avec un sergent français. Madame Delaherche. Mort du colonel. Jean allant reprendre du service à l’armée de la Loire et du Nord. Nouvelles de Paris.

VII. Déc. à mars. À Paris avec Maurice. Toute la fin du siège, puis la Commune. La grande analyse, dans Maurice, de ce qui a déterminé la Commune. Jean cherchant Maurice à la veille du 18 mars et ne le trouvant pas. Lui avec Versailles, l’autre restant à Paris.

VIII. Mai. Les incendies. Henriette à Saint-Denis, dès les premières flammes. Conversation avec Gunther. Elle vient à Paris, chez les amis de Ménilmontant. La bataille de rue, les incendies continuent, la barricade prise et Jean tuant Maurice d’un coup de baïonnette. Puis Jean, Maurice et Henriette dans la chambre, en face de Paris qui brûle. L’immense espoir au dessus des flammes. »

Documents préparatoires de La Débâcle, NAF10286, f° 136-138.

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