Plan initial
« La province satisfaite et jouissant après le coup d’État.
Une ville légitimiste conquise par un prêtre bonapartiste. Action sur le clergé, sur la belle société, sur les femmes, sur la jeunesse (le peuple n’existe pas).
Étude de la folie et de la logique.
Étude d’une femme devenant dévote. »
Manuscrit préparatoire de La Conquête de Plassans, Ms NAF 10280, f°1
PLAN DÉTAILLÉ
« Des chapitres en moyenne de 15 pages.
Pas de portraits, des faits et du dialogue
I. Un tableau de la famille Mouret. Un soir d’automne (automne 58). La maison. Les enfants. Marthe. Je ne raconte pas l’histoire de la fortune. Mouret revient d’acheter des amandes sur pied. Il achète aux cultivateurs. C’est après le dîner, le soleil se couche et la famille est sur l’étroite terrasse. On a loué le second à un prêtre qu’on attend. C’est l’abbé Bourrette qui a loué. À la fin du chapitre, on annonce Faujas. – Mouret, le père de C. [[Cézanne]], plus intelligent. De bon sens, anticlérical avare, réveil républicain dans les campagnes, abonné au Siècle.
II. Arrivée de Faujas et de sa mère. La petite malle, la soutane graisseuse. La façon dont Faujas paie le commissionnaire. Le premier coup d’œil de Faujas et de sa mère sur cet intérieur, sur la famille, dans la salle à manger, dans le jardin. Les enfants vis-à-vis de lui. Ne pas raconter son histoire. Peu à peu, elle s’expliquera toute entière. Il suffit là de le montrer pauvre, et de faire comprendre quel appétit d’ambition est caché sous cette misère. – L’installation pour le soir, dans l’appartement du second. Poser la mère qui se met tout de suite à son ouvrage de servante, quand il s’agit de faire le lit. – Le soir, le coucher des Mouret, avec un mot qui les caractérise.
III. Le lendemain, la journée, la semaine même. Première attitude de Faujas, il va à sa paroisse, se coule avec discrétion, reste humble. Il entre et sort avec de courts saluts. Marthe grondant Mouret d’avoir mal jugé ce prêtre. Il paraît tout à fait désintéressé de ce qui se passe autour de lui. La mère causant avec la vieille servante des Mouret, Rose, une dévote ; elles parlent du curé Compan qui va bientôt mourir. Puis conversation de Faujas [poser l’évêque également] avec Mouret, qui s’humanise, sur la situation politique de la ville. [Fenil quittant l’évêché, les quartiers de Plassans]. – La conversation a lieu dans le jardin, pendant que Marthe travaille et que les enfants jouent. Les enfants. Faujas est déjà un peu dans l’intimité de la famille. Mais Marthe reste très froide. – Mouret raconte sa vie à lui, et expose la situation politique. Faujas est arrivé au lendemain des élections de 57 qui ont fait nommer M. de Lagrifoul. – Faujas se montre très attentif à tout ce qui se passe dans la ville. On parle de Mouret pour le conseil général. [petit réveil républicain. La province encore sous le poids du coup d’état, le petit monde des fonctionnaires. Atonie des légitimistes. Faujas est venu faire l’élection de Delangre]
IV. Chapitre destiné à poser les deux groupes. Rastoil et Péqueur. C’est Mouret qui peut les expliquer de façon goguenarde, un soir dans son jardin, d’abord en gros, sans l’histoire des personnages qui viendront au fur et à mesure. M. Delangre rêve de la candidature, etc. Pas d’histoires surtout. Il faut que Faujas les apprenne peu à peu, et avec grand peine. [Des réticences de Mouret, toute la province bavarde et prudente]. – Après les paroles de Mouret, il guette les deux jardins, le soir. [Les enfants du groupe]. La silhouette physique des personnages. Comment fera-il pour les approcher. – Bourrette lui a offert de le mener chez Rastoil, mais il a refusé. Il ne veut aller ni chez les uns ni chez les autres. [Fenil et Surin l’inquiètent]. Bourrette [Faujas n’a que lui] entrant dans la maison d’à côté. Faujas veut rester sur un terrain neutre. Son plan mûrit peu à peu. – Enfin Félicité l’invite. Le salon des Rougon est un terrain neutre. Il y va. [Macquart venant chez les Mouret]. – Poser déjà la rivalité de Fenil, les regards qu’il lance à Faujas.
V. Les Rougon reçoivent une société mêlée, bonapartistes et autres. La province endormie sous l’empire. Un salon de triomphateurs. Les Rougon crèvent de victoire. Ils ont acheté la maison de M. Peirotte, l’ancien receveur particulier, au coin de la place de la sous-préfecture. Le monde qui fréquente le salon : Maffre, de Bourdeu, de Condamin, Porquier et Paloque. Là de Condamin peut déjà faire quelques cancans sur les filles Rastoil et sur l’ancienne liaison de Delangre. Poser les femmes. Bourrette est présent – Marthe aussi – Jamais Mouret ne va aux soirées. [Les Rougon jaloux et furieux] – Mais Fenil a déjà travaillé les femmes. Mme Paloque a entendu parler de vilaines histoires sur Faujas. Insuccès absolu de ce dernier. Il se voit très maltraité. – Les Rougon ne doivent savoir que plus tard la tâche que vient accomplir à Plassans. Ils l’aideront donc plus tard. En attendant, ils restent indifférents. À cette fin de chapitre, tous les personnages doivent être posés.
VI. Faujas comprend qu’il faut faire la conquête d’une femme, sans quoi il n’arrivera à rien. [L’abbé pas fait pour les femmes, un mépris de prêtre et d’homme]. Il voit clair chez les Mouret. La mère de Faujas revenant [le consolant du premier échec]. Là, poser Marthe plus complètement, toujours avec des faits. Le drame physiologique : Mouret, un Macquart, Marthe, une Rougon ; parenté qui rapproche, puis qui éloigne ; le vieux levain de haine de la bâtardise. – Mouret, en face de Faujas et de sa femme. Lui, échappe à l’influence [la conversation] du prêtre. Premiers symptômes de dévotion chez Marthe, qui se croit délaissée par son mari. L’intérieur des C. Conversations dans le jardin – Une œuvre pieuse à exploiter – Les Mouret sont l’honorabilité de Faujas.
VII. C’est à partir de ce moment que doivent commencer les succès de Faujas. Il s’appuie sur Marthe, et la pousse à recueillir de l’argent pour une œuvre pieuse, l’œuvre de Marie, un local pour recevoir dans la journée les jeunes filles des pauvres, cours élémentaires, église, récréation. Faujas sait ce qu’il fait en la poussant là-dedans ; c’est la pente qui doit la conduire à la religion. En attendant, elle court dans la ville pour former un comité de dames patronnesses ; elle va chez les Rougon, chez Rastoil, chez toutes les dames. Un fait, des filles qui ont mal tourné, ont déterminé le plan de Faujas. Lui, reste dans l’ombre. C’est Marthe qui colporte ses éloges. Marthe a d’ailleurs une prédisposition naturelle pour la religion, Mouret et les autres achèvent de l’y jeter. Faujas est discuté dans les deux groupes. Il peut commencer à leur parler.
VIII. Les Trouche arrivent. Trouche peut servir dans l’œuvre pieuse. Il est pris comme employé, comme secrétaire. Trouche, le débauché, au milieu des jeunes filles. – Sa haine. – Les enfants de Marthe écartés, et Marthe ne vivant plus que pour les enfants des autres. Premières querelles entre Mouret et Marthe au sujet des enfants et de l’argent.
IX. [Faujas chez les Rougon.] Faujas ayant quelque puissance. [La mission de Faujas, expliquer]. Les Rougon l’appuyant. [Delangre mal avec Péqueur et peu estimé des Rougon]. L’évêque le laissant aller. L’évêque est très indécis. – Fenil est pour Rome – Faujas pour Paris – Bourrette pour Dieu – et Surin pour rien. L’action de Faujas sur le clergé par l’abbé Bourrette. Toute la comédie qui a abouti à la nomination de Faujas comme curé de Saint-Saturnin. [Le prêtre se trouvant peu à peu circonvenu]. [Fenil, à peine un profil noir].
X. [Entrée de l’abbé dans le salon vert (triomphal)]. Faujas alors se dessine. Le cercle de la jeunesse, première idée. Il a pris les femmes, il prend les enfants. Il gagne les deux fils de Maffre, le fils de Delangre et celui de Rastoil. – Rôle de Guillaume. C’est alors qu’il jette les bases des cercles, dans un ancien couvent des Minimes. Par les enfants, il atteint une seconde fois les parents.
XI. Alors Faujas commence à causer dans les deux jardins. Le but politique apparaissant. Il veut réunir et réconcilier tout ce monde, l’amener à nommer un seul candidat. Action de Faujas sur la belle société.
XII. Les deux groupes fusionnent peu à peu dans le jardin de Mouret, c’est un terrain neutre. Mouret n’est plus chez lui. De Condamin bavard, racontant toutes les histoires. Les abbés au milieu des femmes. Les Trouche envieux à la fenêtre. Le cercle de la jeunesse est fondé. Les personnages secondaires restent alors chez Mouret. Premier succès politique de Faujas.
XIII. [62 et 63]. [Portrait de Marthe. Marthe se satisfaisant dans la religion]. L’envahissement de Marthe par la religion. [Faujas directeur. Mme Faujas croyant que son fils est l’amant de Marthe, et voulant le sauver d’une surprise imaginaire]. Elle souffre déjà de la phtisie. Elle se croit abandonnée par son mari. Pratiques religieuses. [Mouret pleurant à chaudes larmes. Elle accuse Mouret de faire ce dont elle l’a défendu]. Mouret se révoltant, sevrant sa femme d’argent plus étroitement, voulant signifier congé à tout ce monde. Il devient un obstacle à la fortune de Faujas. Celui-ci, mais surtout les Trouche, songeant à se débarrasser du mari. [Faujas ne tient pas à l’argent. La mère faisant sa cuisine avec Rose. Le salon change, le jardin aussi. Les buis. Celui-ci faisant de la république dans les campagnes. Les Trouche s’attaquent à l’argent. Rose toute puissante.]
XIV. Faujas résistant au désir de Marthe, et s’en servant. Marthe, d’ailleurs, restant courbée, sans un aveu. (Les hommes chastes sont les seuls forts). Là, on peut mettre le voyage aux Tulettes, on voit Macquart. C’est dans une conversation que Faujas s’explique sur la chasteté. [Vengeance de la Paloque, elle a été le chien. Les cadeaux de Macquart. Lui et Rougon. Le jardin, le salon, Désirée renvoyée. Le soir, les Mouret à table. Les buis.]
XV. L’affolement complet de Marthe. Les scènes de nuit. Marthe folle lucide. Crise déterminée par la religion. Faujas demi complice. [La cuisine avec Rose. Mouret complètement diminué. Les femmes en adoration devant le prêtre.]
XVI. Mouret passant peu à peu pour fou lui-même. Ce sont les Trouche qui répandent le premier bruit. Mouret garde le silence sur les crises de Marthe. Les cancans ne sont d’abord qu’une rumeur vague. Quelques faits isolés, commentés par le quartier, répandus par Trouche et par la servante. [Les Trouche, lâchés, se disputent avec Mme Faujas mais devenant utiles à l’abbé. Trouche au café et ailleurs.]
XVII. Les réunions des personnages secondaires ont lieu maintenant à la sous-préfecture. Les soirées qu’on y passe. [Rastoil travaille pour son fils, Bourdeu pour lui]. Les dames, les enfants, les abbés. Une conversation sur la folie lucide. [On cite des faits]. Chaque soir, on s’occupe de Mouret. [Sue le derrière, ils se permettent tout pas dans la rue. Ils viennent en voisin. Séverin – Lucien et les dem. Rastoil. Mme Rastoil et Mme Delangre.]. Un soir, on peut observer dans la jardin une scène à trouver. Le lendemain, l’histoire court dans la ville. [Ne pas oublier le but politique de Faujas. Il se sert même de la prétendue folie de Mouret pour faire les affaires de Delangre.]
XVIII. Alors il devient certain que Mouret est fou. Il ne peut plus faire un pas, dire mot, sans qu’on le traite d’insensé. [Faire voir que la logique absolue peut paraître de la folie aux yeux de certains bourgeois.] Spectacle d’un bourgeois de bon sens, mis dans un tel milieu qu’il paraît fou à lier. Le faire passer par tous les faits possibles. Le montrer fou dans ses conversations, dans ses actes, dans ses vêtements, dans ses habitudes. (Prendre le cadre d’une journée pour la répéter). [L’avarice et l’isolement de Mouret grandissant, l’opposer à chaque personnage, plus fous que lui et qui se moquent de lui. Mouret au Cercle. Le bureau de Mouret.]
XIX. Tourner à ce moment tout le monde contre lui. Les Rougon, les Trouche, la société de la sous-préfecture. Faujas utilisant les Trouche. La mère de Faujas. Pascal Rougon. [Faujas sur Dieu. Tout par Dieu. Les Trouche dans la belle société. Une scène typique pour Rougon. Les rentiers du Cours, quand Mouret passe pour fou. Les Paloque revenant.
XX. Arrestation de Mouret. On le conduit aux Tulettes après une crise folle que sa femme a eu à la suite d’un acte religieux. (Ne pas oublier que c’est la religion qui la détraque peu à peu). [Faujas maintient Marthe. Faire revenir Guillaume dans les cancans. Conversation de la société. Delangre fâché avec Péqueur. Péqueur fâché avec les Rougon].
XXI. [64] Triomphe de Faujas. Il a réussi à faire nommer Delangre député. Le cercle de la jeunesse. L’œuvre de Marie. Les enfants et les femmes. Faujas est nommé grand vicaire. La haine de Fenil. Faujas doit avoir gagné Surin. Fenil ne doit pas être battu aisément. Monseigneur Rousselot. [Les quartiers de Plassans. Action de Faujas sur le clergé. Saint-Marc pas utile. Le redressement de l’abbé. L’abandon de son rôle. Il se néglige, redevient fort et dur. Marthe volant un papier. Les ordres religieux dans Plassans. Madame Paloque convertie à Faujas].
XXII. [64] Là, Faujas est tout puissant. Les Trouche s’emparant de la maison de Mouret. La ville est devenue bonapartiste. L’évêque tremble sous Faujas. Une soirée chez les Rougon. [Le jardin, le salon]. Mme de Condamin a fait décorer Porquier et son mari. Toute puissante. Bourdeu blessé. Faujas l’a mis dedans, a fait nommer Delangre à sa place. Les Trouche lui reprochent ce qu’ils ont fait pour lui.
XXIII. Dans ce triomphe, remords de Marthe [Elle a vu la fenêtre de Tante Dide]. La religion est impuissante à la calmer. Une explication avec Faujas, qui la plie. Elle devient un danger pour lui. Elle se confesse à Faujas malgré lui, elle avoue son crime, quand il veut lui fermer la bouche. (Bien appuyer sur ceci, la religion fatalement poussant Marthe jusqu’au bout de la logique et châtiant Faujas). [Faujas doit finir mal. Trouche à l’Œuvre de la Vierge, il a séduit une fille. L’orgie. Les notes chez le pâtissier. Trouche au café avec Guillaume. Les buis, le salon, l’envahissement complet. Les cheveux blancs de Marthe. La révolte de Marthe. J’ai marché sur mes genoux, je vous ai aimé, j’ai tout fait… Faujas : misérable femme. Le mépris et le dégoût de la femme. Les enfants].
XXIV. Une scène faisant revenir tous les personnages de la sous-préfecture. On parle d’un évêché pour Faujas.
XXV. Marthe va voir Mouret aux Tulettes. Sa conversation raisonnable avec lui, puis la folie qui éclate. Stupeur et désespoir de Marthe. Elle espérait le ramener et chasser Faujas avec son aide. (Elle a peur de Faujas toute seule). Il faut qu’il y ait là un coup de scène que le lecteur lui-même n’attende pas ; le lecteur doit croire lui-même que Mouret n’est pas fou. Quand elle rentre mourante (Macquart la ramène), les Trouche ne la reçoivent pas chez elle. Elle va chez sa mère.
XXVI. La vengeance de Fenil. Macquart qui a ramené Marthe cause avec Fenil. Celui-ci donne à entendre qu’il s’en passerait de belles si on ouvrait a porte à Mouret. [Les Trouche rêvant de mettre Faujas à la porte]. Mouret délivré. Comment il vient à Plassans. Comment il rentre chez lui en homme raisonnable. (Reproduire peut-être une journée de Mouret jugé fou, et ayant alors son bon sens). [Le fou trouvant sa maison toute bouleversée arrangée au goût des Faujas et des Trouche. Le salon, le jardin. Rappeler l’arriver des Faujas et des Mouret. La maison est vide, je puis bien la brûler.]
XXVII. Un drame affreux entre les Trouche, Faujas, la mère de Faujas et Mouret. Les Trouche couchent dans le lit des Mouret, au premier étage, ce qu’ils souhaitaient ardemment. – Mouret cherchant sa femme et ne la trouvant pas. Quelque chose de terrible. Il met le feu [il est brûlé] à la maison, et étrangle les Faujas et les Trouche. – Le dénouement, un incendie en province, avec les pompiers et les autorités. La mort de Marthe, en face de Serge en soutane, après le sous-diaconat. »
Manuscrit préparatoire de La Conquête de Plassans, Ms NAF 10280, f°4 à 14.
[Les phrases entre crochets figurent en interligne dans le manuscrit]

Documents préparatoires de La Conquête de Plassans, NAF 10280 f°44