Si, par exemple, Zola mourant peut dire avec sérénité : « Je n’ai reçu pendant ma vie que soixante mille coups de pied au derrière et je n’ai pas été défoncé. Je m’éteins comme un flambeau et je vais fumer longtemps sur une sale postérité. » Si Zola ou quelque autre prince de la crapule peut crever dans cette paix auguste, tout est perdu.

Et, puisque je parle de Zola, ne vous semble-t-il pas, comme à moi, que l’impuissance humaine de punir exactement est surtout manifeste ici ? qu’il faut vraiment que nos mœurs littéraires soient bien avilies pour qu’on permette au plus abject et au plus outrecuidant des romanciers de se pavaner et de dindonner depuis quinze ans sur le tréteau de la plus retentissante publicité ? S’il plaît à la pauvre France, autrefois moqueuse et fière, de sentir piétiner sur elle cet histrion fangeux, si elle trouve tout simple que ce purulent imbécile profane de son groin la langue parlée par Pascal, on peut se demander si nous ne touchons pas à la fin de tout. La critique n’a donc plus de bottes ? Dieu ne fait donc plus pousser de bâtons sur la terre ? S’il existe encore des âmes d’artistes dans Paris, il faudrait pourtant trouver un moyen de leur faire comprendre qu’il n’y a plus de respiration possible pour elles dans le sillon de cet industriel, que la syntaxe idéale de nos chefs-d’œuvre est sacrée et que les chiens de lettres qui la prostituent mériteraient qu’on leur coupât la queue et les oreilles et qu’on les fustigeât à coups de pelle de vidangeur dans le vestibule médiocrement lambrissé de la littérature jusqu’à ce qu’ils dégorgeassent leur septième vomissement !…

Léon Bloy, Propos d’un entrepreneur de démolition, 1884.

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