FICHE PERSONNAGE
« Sergent. 30 ans. Un garçon faible et maladif. Pas grand, roux de cheveux avec une peau très blanche, grands beaux yeux tristes, un nez pincé, une petite figure qui se fond. – Fils d’un épicier de Lyon. Adoré par sa mère, qu’il a perdue, n’a pu s’entendre avec son père, et a voulu rester soldat, étant tombé au sort. Une éducation de petit commerçant, l’écriture, la lecture, l’orthographe courante et le calcul, les quatre règles, avec la règle de trois. Un peu de comptabilité. Très froid, très doux, sans que cela exclue chez lui la volonté. Il mène très bien ses hommes, qui le redoutent et l’estiment, sans l’aimer beaucoup.
Peindre en lui le garçon qui a le pressentiment qu’il sera tué. Il va à la bataille avec cette certitude. […] Ce qui arrive en effet. Le portrait de sa mère, les lettres de sa cousine, sur son corps. »
Documents préparatoires de La Débâcle, NAF 10286, f° 104-106.
BIOGRAPHIE
Sergent au 106e de ligne (compagnie Beaudoin). Homme menu et pincé, aux grands yeux vagues, à la voix grêle. Fils de petits épiciers de Lyon. Gâté par sa mère qu’il a perdue, n’ayant pu s’entendre avec son père, il est resté au régiment, dégoûté de tout, sans vouloir se laisser racheter. Puis, pendant un congé, il s’est mis d’accord avec une de ses cousines, se reprenant à l’existence, faisant l’heureux projet de tenir un commerce, grâce aux quelques sous que la demoiselle doit apporter. Il a de l’instruction, l’écriture, l’orthographe, le calcul ; depuis un an, il ne vit plus que pour la joie de cet avenir. Mais, dès l’arrivée à Sedan, il a lu son malheur à l’horizon de cette ville inconnue, il est sûr d’être tué le lendemain. Et le 1er septembre, sur le plateau de l’Algérie, plein de son idée fixe, répétant d’un air calme qu’il va être tué, le sergent Sapin a le ventre ouvert par un obus qu’il a vu venir trop tard, pour l’éviter ; il dit simplement : « Ah voilà ! » et sa petite figure, aux grands yeux bleus, n’est que profondément triste, sans terreur.
(La Débâcle)