GÉNÉALOGIE
Née en 1847 ; a, en 1874, de son oncle Pascal, un fils. Vit encore à Plassans.
– Élection de la mère. Ressemblance physique de la mère.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1878)
– Élection de la mère. Hérédité en retour, avec prédominance morale et physique de son grand-père maternel, le commandant Sicardot.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1893)
FICHE PERSONNAGE
« Fille de Saccard et d’Angèle. Née en 1847. Élection de la mère. Ressemblance physique de la mère (cela ne pourra suffire, il faudra compléter, pour expliquer).
Elle a donc 25 ans, en 1872. Mais il faut qu’elle ait l’air enfantin, qu’elle n’en paraisse pas plus de 20.
Sa mère était blonde et fade. Il faut lui donner les mêmes traits, mais toute une énergie venant de quelque ascendant inconnu, que Pascal développera. – Donc, une tête ronde, bien faite, au front droit, des arcades sourcilières accentuées, et que l’attention contracte. – Des yeux bleus, qui tournent au vert foncé dans les moments de passion. – Un nez droit. Une bouche un peu grande et violente, et un menton rond, avec des joues lisses et rondes. – Le tout très charmant, un peu gamin, garçon. L’air d’un garçon sérieux et intelligent, surtout avec ses cheveux blonds qu’elle porte en boucle, coupés court, sur les épaules. – Les épaules tombantes, le cou rond, très joli, avec les attaches de la gorge. Tout cela frais, blanc, très jeune. Une nuque surtout adorable avec les cheveux courts, dorés, frisant, une nuque d’une jeune exquise. – Et grande et souple, longtemps dégingandée, dans l’âge ingrat. Mais maintenant très charmante avec sa taille haute et souple, un Jean Goujon aux jambes longues et fuselées, un torse mince et fort à la gorge ronde, au cou roux bien planté, aux bras flexibles. Un grand charme. Un corps souple et ferme. Et surtout une peau éclatante, une soie blanche et fine, jolie, adorable.
Elle sera blonde, pas rousse, d’un blond simplement au reflet doré, avec des mèches presque châtaines. Pas le blond de sa mère, un blond changeant au soleil. Ses cheveux frisent, des frisons sur le front, des boucles sur sa nuque.
Comme hérédité, j’ai dit qu’elle ressemblait physiquement et moralement à sa mère. Mais j’introduirai en elle une ressemblance du grand-père, le commandant Sicardot, vieille culotte de peau dans La Fortune des Rougon, mais au fond homme d’énergie. Sa mère aimait les rubans roses et les tranches de bœuf saignantes. En dehors de cela, soumise et indolente. Je garderai chez Clotilde un peu de cette soumission et de cette indolence ; ce côté femme, qui me sera très utile, dans son adoration pour Pascal. Il faut que je la fasse très femme si je veux la mettre aux pieds de cet homme de cinquante-neuf ans. […]
Donc les deux influences en elle, l’éducation scientifique de Pascal, le mysticisme cultivé par Martine. Puis il faut qu’elle lâche la religion pour des causes de raison, et d’autres qu’elle ne dit pas. Mais la curiosité de l’au-delà persiste. C’est ce qui me donne au dénouement la correction, tout le positivisme accepté, mais avec la réserve des forces inconnues : ce qu’est l’idéal, l’inconnu à conquérir. La marge entre les sciences fixées et l’inconnu, cette marge des sciences en enfance, celles où les vérités ne sont qu’entrevues, où l’on tâtonne : c’est là notre terrain à nous romanciers, et c’est pourquoi j’ai choisi l’hérédité. Il faudrait que tout cela soit dit à propos des dossiers, soit au milieu, soit vers la fin, lorsqu’elle reste seule. »
Documents préparatoires du Docteur Pascal, NAF 10290, f° 47-58.
BIOGRAPHIE
Fille d’Aristide Rougon, dit Saccard, et d’Angèle Sicardot. Née à Plassans en 1847, elle avait quatre ans, lorsque ses parents l’ont emmenée à Paris, Angèle ayant refusé de se séparer de cette enfant. En 1854, la petite Clotilde assiste à la mort de sa mère et, trois jours après, on la confie à une vieille dame qui se rend dans le Midi et qui la ramène à son oncle Pascal.
(La Curée)
Chez le docteur Pascal, elle a vécu librement. À l’âge ingrat, de douze à dix-huit ans, elle a paru trop grande, dégingandée, montant aux arbres comme un garçon, puis en elle s’est dégagée une fine créature de charme et d’amour, élancée, la taille mince, la gorge menue, le corps souple. Elle a des cheveux blonds et coupés court, un exquis et sérieux profil, le front droit, l’œil bleu ciel, le nez fin, le menton ferme ; sa nuque est d’une fraîcheur de lait sous l’or des frisures folles. À vingt-cinq ans, elle reste enfantine et en parait à peine dix-huit.
Elle n’a appris qu’à lire et à écrire ; elle se fait ensuite une instruction assez vaste, en aidant son oncle qui l’emploie volontiers comme secrétaire et pour qui elle dessine des planches destinées à illustrer ses ouvrages. En cette jeune fille, on retrouve l’influence maternelle par ses qualités féminines, comme par sa préoccupation du mystère et son inquiétude de l’inconnu ; mais la principale empreinte héréditaire lui vient de son grand-père, le commandant Sicardot, homme de droiture et d’énergie. Il lui a donné le meilleur de son être, le courage de la lutte, la fierté et la franchise.
En Clotilde, les instincts mystiques se sont développés sous l’action de la servante Martine qui l’a beaucoup menée à l’église, lui communiquant un peu de sa flamme dévote, sans que Pascal, d’esprit large et tolérant, ait rien fait pour combattre ce besoin de croire. L’aveugle foi religieuse accomplit ses ravages : Clotilde, qui a pourtant, suivant le mot de son oncle, une bonne petite caboche ronde, nette et solide, ne peut pas vivre sans illusion et sans mensonge, le mystère la réclame et l’inquiète. Elle voudrait convertir Pascal, elle rêve de détruire la pensée de son maître, d’anéantir des œuvres qui blessent sa foi catholique, elle va se faire la complice inconsciente des lâches desseins de sa grand’mère Félicité Rougon, lorsque, surprise par le docteur au moment où elle pillait les manuscrits, elle est domptée sous son autorité virile et jetée brusquement en présence des faits, de la vérité nue, de l’exécrable réalité qui révolutionnera son être et lui donnera une terrible leçon de vie.
Pascal a reconquis Clotilde ; la révoltée, l’ennemie d’hier est redevenue l’élève soumise d’autrefois, elle a cessé d’aller à l’église et bientôt la mystique est définitivement vaincue par l’amour connu et satisfait. Les belles idylles de la Bible, le roi David et Abisaïg, Abraham et Agar, Ruth et Booz vont renaître entre le vieux maître et sa blonde servante. Mais les scrupules de Pascal mettent fin à cette joie délicieuse, il ne veut pas sacrifier l’adorable jeunesse de Clotilde à sa stérilité de vieillard et, par une fatalité lamentable, il meurt seul, loin d’elle, à l’heure même où elle accourt, portant en son sein l’enfant qui va naître.
(Le Docteur Pascal)