FICHE PERSONNAGE

« 34 ans. Un levantin. La tête longue, très brun, presque olivâtre, avec de beaux yeux noirs et longs ; mais la bouche mauvaise, inquiétante, entre deux yeux [un mot barré].

Le passé est mystérieux, a dû être exécuté déjà dans des Bourses étrangères. Ne parle pas d’où il vient. On sait, ou du moins on dit, qu’il est né à Alexandrie. On sent en lui le mélange du sang italien et du sang turc. Plaît beaucoup aux femmes, vaguement entretenu par elles. Saccard l’a connu sur une affaire de terrains, où il était l’homme de paille du vendeur. C’est pourquoi il le choisit lui-même comme homme de paille. Il lui fait donner des signatures. Il lui ouvre un compte fictif. À ce moment, d’ailleurs, il a fini par capter la confiance de Mazaud où il dépose deux mille francs de couverture, jouant d’abord petit jeu ; puis maintenant, tout en restant peu couvert, il hasarde gros jeu. – Le mettre d’une bande. Ils sont deux. Le premier a déjà été exécuté, un juif, Schlosser. Je puis mettre cela dans le premier chapitre. Ce Schlosser était la baisse, tandis que Sabatini était à la hausse. Schlosser naturellement n’a pas payé, tandis que l’autre empochait. Ils ont partagé. À la fin ce sera le tour de Sabatini d’être exécuté, et tous deux fileront sur une autre Bourse. »

Documents préparatoires de L’Argent, NAF 10268, f° 355-356.

BIOGRAPHIE

Un habitué de la Bourse. Grand jeune homme à la face longue et brune, aux yeux noirs magnifiques, à la bouche mauvaise, inquiétante. Il a une grâce caressante d’Oriental mâtiné d’Italien. C’est un gaillard mystérieux, aimé des femmes ; la légende lui attribue un prodige physique, une exception géante dont rêvent les filles du monde de la Bourse, tourmentées de curiosité. Associé secret de l’escroc Schlosser, Sabatani a peu à peu conquis la confiance de la corbeille et de la coulisse par beaucoup de correction et une bonne grâce infatigable. Il est client de la charge Mazaud, où il n’a déposé qu’une légère couverture, donnant des preuves de sagesse, n’augmentant que graduellement l’importance de ses ordres, en attendant le jour où il culbutera dans une grosse liquidation. Gai, d’apparence riche, avec cette tenue élégante qui est indispensable, comme l’uniforme même du vol à la Bourse, il devient très volontiers le prête-nom d’Aristide Saccard ; il est le complaisant au compte de qui figurent fictivement les titres non vendus de l’Universelle. Et, au jour de la débâcle, il disparaît ; il va écumer la Bourse de quelque capitale étrangère. Plus tard, oublié à Paris, il y reviendra, de nouveau salué, prêt à recommencer son coup, au milieu de la tolérance générale.

(L’Argent)

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