GÉNÉALOGIE
Née en 1818 ; épouse, en 1838, un clerc d’avoué de Plassans, qu’elle perd à Paris, en 1850 ; a d’un inconnu, en 1851, une fille qu’elle met aux Enfants Assistés. Courtière, entremetteuse, tous les métiers, puis austère. Vit encore à Paris, trésorière de l’Œuvre du Sacrement.
– Élection du père avec ressemblance physique du père.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°1)
– Isidorine) Élection du père, avec ressemblance physique du frère.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°2)
– Élection du père. Ressemblance physique avec la mère.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart -1878 et 1893)
FICHE PERSONNAGE
« 54 ans. J’ai envie de la faire disparaître. On sait qu’elle a tenu quelque temps une pension de famille dans le quartier Marbeuf. Puis, la police, dit-on, s’est émue, car on y jouait et il s’y passait des choses terribles. Pourtant, la police n’est pas intervenue. Et on a perdu la trace de Sidonie. Peut-être à l’étranger, avec une dame jeune et jolie, avec laquelle on l’a rencontrée, dit-on, en Allemagne. Peut-être à Paris, dans quelque bas-fond, dans quelque maison close. À moins de la faire vivre à Paris, dans une maison extrêmement austère, une sorte de couvent, trésorière de l’Œuvre du Sacrement, pour aider au mariage les filles-mères et légitimer les unions illégitimes. Ce serait plus distingué. »
Documents préparatoires du Docteur Pascal, NAF 10290, f° 128.
BIOGRAPHIE
Fille de Pierre Rougon et de Félicité Puech. Sœur d’Eugène, Pascal, Aristide et Marthe. Mère d’Angélique Marie. Elle est née en 1818 à Plassans. À vingt ans, elle a épousé un clerc d’avoué de Plassans et est allée se fixer avec lui à Paris.
(La Fortune des Rougon)
Elle s’est établie rue Saint-Honoré, où elle a tenté avec son mari, un sieur Touche, le commerce des fruits du Midi. Mais les affaires n’ont pas été heureuses et, en 1850, on la retrouve veuve, pratiquant des métiers interlopes, dans une boutique avec entresol et entrée sur deux rues, faubourg Poissonnière et rue Papillon.
Petite, maigre, blafarde, doucereuse, sans âge certain, elle tient bien aux Rougon par cet appétit de l’argent, ce besoin de l’intrigue qui caractérisent la famille. Les influences de son milieu en ont fait une sorte de femme neutre, homme d’affaires et entremetteuse à la fois. La fêlure de cet esprit délié est de croire elle-même à une fantastique histoire de milliards que l’Angleterre doit rembourser, appât magique dont elle sait se servir avec habileté pour griser ses clientes. Son frère aîné Eugène Rougon, qui estime fort son intelligence, l’emploie à des besognes mystérieuses ; elle a puissamment aidé aux débuts de son frère cadet Aristide, en combinant son mariage avec Renée Béraud Du Châtel et elle continue ses bons offices au ménage, servant les intérêts du mari auprès des puissants, offrant des amants à la femme, dont elle abrite les passades, mettant son entresol à la disposition du jeune Maxime Saccard. Elle juge les femmes d’un coup d’œil, comme les amateurs jugent les chevaux et s’emploie, moyennant finances, à protéger toutes les turpitudes et à étouffer tous les scandales. Mielleuse et aimant l’église, Sidonie est au fond très vindicative. Pleine de colère contre Renée, qui s’est révoltée devant la grossièreté d’un de ses marchés d’amour, elle se charge de l’espionner et dénonce à Aristide ses amours avec Maxime. Cette dernière infamie lui rapporte dix mille francs, qu’elle va manger à Londres, à la recherche des milliards fabuleux.
(La Curée)
Son mari mort et enterré, elle a eu une fille quinze mois après, en janvier 1851, sans savoir au juste où elle l’a prise. L’enfant, déposée sans état civil, par la sage-femme Foucart, à, l’Assistance publique, a reçu les prénoms d’Angélique Marie. Jamais le souvenir de cette enfant, née d’un hasard, n’a échauffé le cœur de la mère.
(Le Rêve)
Sidonie vient à l’enterrement de son cousin le peintre Claude Lantier. Elle a toujours sa tournure louche de brocanteuse. Arrivée rue Tourlaque, elle monte, fait le tour de l’atelier, flaire cette misère due et redescend, la bouche dure, irritée d’une corvée inutile.
(L’Œuvre)
Beaucoup plus tard, lasse de métiers louches, elle se retire, désormais d’une austérité monacale, à l’ombre d’une sorte de maison religieuse ; elle est trésorière de l’Œuvre du Sacrement, pour aider au mariage des filles-mères.
(Le Docteur Pascal)
PORTRAIT
Petite, maigre, blafarde, vêtue de cette mince robe noire qu’on eût dit taillée dans la toge d’un plaideur, elle s’était ratatinée, et, à la voir filer le long des maisons, on l’eût prise pour un saute-ruisseau déguisé en fille. Son teint avait la pâleur dolente du papier timbré. Ses lèvres souriaient d’un sourire éteint, tandis que ses yeux semblaient nager dans le tohu-bohu des négoces, des préoccupations de tout genre dont elle se bourrait la cervelle. D’allures timides et discrètes, d’ailleurs, avec une vague senteur de confessionnal et de cabinet de sage-femme, elle se faisait douce et maternelle comme une religieuse qui, ayant renoncé aux affections de ce monde, a pitié des souffrances du cœur. Elle ne parlait jamais de son mari, pas plus qu’elle ne parlait de son enfance, de sa famille, de ses intérêts. Il n’y avait qu’une chose qu’elle ne vendait pas, c’était elle, non qu’elle eût des scrupules, mais parce que l’idée de ce marché ne pouvait lui venir. Elle était sèche comme une facture, froide comme un protêt, indifférente et brutale au fond comme un reçu.
(La Curée, chapitre II)