FICHE PERSONNAGE
« (Léon). 38 ans. Le second qui est congédié ou qui s’en va. Intelligent, nerveux. Petit, très brun, l’air tourmenté. Fils d’un employé sans fortune. Poussé par Gaujean. Né à Melun. Le fabricant de soie qui voudrait s’affranchir. Justement a quelque argent, par sa femme, qui hérite. Et il se lance. Il mangera tout, en arrivera presque au suicide. A voyagé déjà, pour une plus petite maison, ce qui explique ses rapports avec Gaujean.
Déjà il devait passer premier, lorsque Bouthemont arrive du dehors et lui prend la place.
Robineau va souvent chez Cazenave qui a une spécialité de soie rue Neuve des Petits-Champs. Quand il est congédié, il prend de dépit la spécialité de soie. Plus tard, il ajoute un rayon de confection et une spécialité pour enfants. Sa lutte avec le Bonheur. – Dire que le Bonheur a déjà tué Auguste Vabre ; mais Cazenave répond que c’était plus près, tandis que lui fait des affaires très belles.
J’aime mieux que Robineau soit marié. Une femme très jolie, très charmante, qui met toute sa fortune dans son commerce, et qu’il ruine. Puis, à la fin, Robineau, à la veille d’une faillite, se fait écraser, on met une note sur le magasin fermé « pour cause de décès ». Et laisser entendre que Robineau s’est jeté sous les rues d’un omnibus (ou bien noyé). La femme qui sanglote dans le magasin fermé. – Plus de fortune, plus de mari.
C’est là que doivent se trouver les théories sur les spécialités. »
Documents préparatoires du Bonheur des Dames, NAF 10278, f° 156-157.
BIOGRAPHIE
A été second du rayon de soieries, au Bonheur des Dames. La maison s’est mal conduite à son égard ; on lui avait promis depuis longtemps la situation de premier, et Bouthemont, arrivé du dehors, l’a obtenue du coup ; le rayon, excité par Hutin et Favier, n’aime pas Robineau ; on lui en veut surtout de ses nerfs de femme, de ses raideurs, de sa susceptibilité. Renvoyé brusquement, après sept ans de service, il se décide à acheter le fonds de Vinçard, marchand de soieries rue Neuve-des-Petits-Champs ; longtemps il a hésité, les soixante mille francs dont il dispose appartiennent à sa femme et il est plein de scrupules devant cette somme, aimant mieux, dit-il, se couper tout de suite les deux poings que de la compromettre dans de mauvaises affaires. Le fonds lui a coûté les deux tiers de son avoir, il ne lui reste que vingt mille francs pour marcher, mais le fabricant Gaujean, acquis aux intérêts du petit commerce, le soutiendra par de longs crédits.
C’est le conflit qui divise la maison de spécialités et les grands magasins ; une lutte restée célèbre s’engage entre le mince Robineau et le puissant Octave Mouret, leur rivalité sur les failles de Lyon aboutit à un massacre des prix, à un écrasement du boutiquier sous les reins plus solides du Bonheur des Dames. L’ancienne maison Vinçard va mourir de sa témérité. Robineau restreint son personnel ; Denise Baudu, employée chez lui, le quitte pour rentrer chez Mouret ; il vit dans des brusqueries continuelles, perdant patience devant l’injustice des clientes ; mais surtout il s’affole en pensant à la ruine qui menace sa femme, élevée dans une paix heureuse, incapable de vivre pauvre ; le jour, il répète sans cesse : « Je t’ai volée, l’argent venait de toi » ; la nuit, il rêve des soixante mille francs, se réveillant en sueur, se traitant d’incapable, apercevant sa chère femme dans la rue, en guenilles, mendiant, elle qu’il aime si fort, qu’il désire riche, heureuse. Cette obsession le mène à l’idée de suicide ; réduit aux expédients, menant une vie d’enfer pour éviter d’être mis en faillite, il finit par se jeter sous un omnibus, au carrefour Gaillon, devant les étalages du Bonheur des Dames triomphant.
(Au Bonheur des Dames)