FICHE PERSONNAGE

« Trente-huit ans. A quitté la mine depuis trois ans, s’est remis, engraisse, refleurit.

Un gros homme débonnaire, rasé, l’air d’un cabaretier flamand, avec l’ouvrier mineur qui est resté par dessous. Son histoire : beau parleur, se mettant en avant, prenant la tête de toutes les réclamations, et congédié pour cela, à la dernière grève. Sa femme tenait déjà un débit et il n’a plus rien fait, il a réuni chez lui les mécontents, sa maison a prospéré. Il vit assez largement. Il est devenu ainsi au centre. Du reste, idées calmes, un possibiliste, qui voit seulement la guerre aux abus, les réformes à faire, mais qui ne va pas jusqu’à un soulèvement politique. Plus doux que Étienne dont il sera jaloux, et dont il triomphera à la fin (la guerre entre les partis socialistes).

Des enfants qui traînent, mais qui ne sont pas utiles. Sait à peine lire et ne sait que signer.

Son débit a pour titre À l’Avantage, débit tenu par Rasseneur. (Le bal sera le bal du Bon Joyeux). »

Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f°85-86.

BIOGRAPHIE

Tient un cabaret entre le coron des Deux cent quarante et la fosse du Voreux, avec cette enseigne : À l’Avantage. Très bon ouvrier jadis, parlant bien, il se mettait à la tête de toutes les grèves et avait fini par être le chef des mécontents. La Compagnie l’a congédié, il a trouvé de l’argent et a planté son cabaret en face du Voreux, comme une provocation. C’est un gros homme de trente-huit ans, rasé, à la figure ronde, au sourire débonnaire. Sa maison est en pleine prospérité, il devient un centre, il s’enrichit des colères qu’il a peu à peu soufflées au cœur de ses anciens camarades. Les théories socialistes lui sont étrangères ; il prétend demander seulement le possible aux patrons, sans exiger, comme tant d’autres, des choses trop dures à obtenir.

Ce qui fait son influence sur les ouvriers des fosses, c’est la facilité de sa parole, la bonhomie avec laquelle il peut leur parler pendant des heures, sans jamais se lasser ; il ne risque aucun geste, reste lourd et souriant, les noie, les étourdit, jusqu’à ce que tous crient : « Oui, oui, c’est bien vrai, tu as raison ! » Une rivalité éclate entre lui et un nouveau venu, Étienne Lantier, qui, sans respect pour sa situation acquise, apporte aux mineurs des idées nouvelles.

La jalousie de Rasseneur s’aggrave bientôt de la désertion de son débit, où les ouvriers du Voreux entrent moins boire et l’écouter. Aussi en arrive-t-il parfois à défendre la Compagnie, oubliant sa rancune d’ancien haveur congédié ; il se déclare même contre la grève, uniquement parce qu’elle est préconisée par Étienne et qu’à son avis, ce dernier augmente sans doute le gâchis pour y pêcher une position. Cette attitude rend très vite Rasseneur impopulaire ; dans la forêt de Vandame, on le hue, on crie : « À bas le traître! ». Mais, après la grève de Montsou, après l’écrasement qu’il avait prédit, l’inconstance des foules s’exerce en sa faveur ; c’est lui, cette fois, qui sauve Étienne, et il retrouve sa popularité sans effort, naturellement.

(Germinal)

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