FICHE PERSONNAGE
« François Pierron. Trente ans, piqueur à la veine. Assez beau garçon, brun par exception, avec des cheveux dorés. Moustaches seules. Des traits forts, mais réguliers, bien bâti, les bras et les jambes trop forts seulement pour le torse.
Caractère peureux, respectueux, s’incline sous la hiérarchie. Courbé par l’hérédité de l’esclavage. Sans fierté et sans indépendance enfin. Assez bon ouvrier. – Il entrera avec crainte dans le mouvement gréviste, pourra écrire à la Cie qu’il doit faire comme les camarades, sera entrainé par la peur à être plus révolutionnaire qu’il ne le voudra, et à la fin ne devra son salut qu’à la protection du chef porion, lequel aura couché avec sa femme.
Ne pas le faire pourtant trop ignoble, de l’inconscience toujours, une victime des faits, pliant devant le chef porion, même lorsqu’il se doute que celui-ci lui a pris sa femme. Le faire jaloux pour les autres et fier de la femme qu’il aime ; un type de l’obéissance, poussé jusqu’aux dernières conséquences.
Dans la grève, il est la masse des moutons qui suivent, avec l’effroi secret du maître et des camarades. – Pas mouchard, et pourtant capable de livrer les camarades par un mot, que la peur lui arrache. La servitude. On compte d’abord sur lui, puis on le voit. Pourtant pas méprisé à la fin. – Les conseils qu’il risque puis qu’il retire, quand il voit qu’ils ne plaisent pas. »
Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f° 39-40.
BIOGRAPHIE
Un mineur du Voreux, affecté à l’accrochage. Veuf, ayant une fille de huit ans, la petite Lydie, il s’est marié avec Ici fille de la Brûlé. Le ménage, installé au coron des Deux cent quarante, en face des Maheu, vit très heureux, au milieu des bavardages, des histoires qui courent sur les complaisances du mari et sur les amants de la femme : pas une dette, deux fois de la viande par semaine, une maison si nettement tenue qu’on se mirerait dans les casseroles. Pierron a un visage doucereux. Forcé de participer à la grève et de faire partie de la délégation, il a écrit au directeur Hennebeau pour se justifier respectueusement. Lorsque les choses se gâtent, il simule une maladie et s’enferme avec sa femme pour se gorger de lapin au milieu du coron affamé. Après l’émeute de Montsou, on l’a arrêté par erreur et il est allé les menottes aux poings jusqu’à Marchiennes. C’était mal reconnaître les services qu’il avait rendus en vendant ses camarades, en les espionnant pour le compte du maître porion Dansaert, amant de sa femme. À la fin de la grève, il redescend l’un des premiers dans la mine, avec une dizaine de cafards de son espèce. Il devient chef d’équipe à l’accrochage et se fait rapidement détester par ses excès de zèle.
(Germinal)