FICHE PERSONNAGE

« 28 ans. Orphelin, fils d’une fruitière qui a voulu en faire un monsieur parce qu’il était très intelligent. La mère s’est épuisée, a fini par mourir sans un sou, lorsque Jules allait juste passer ses examens. Elle n’a même pas eu la joie du triomphe. Lui, ahuri, a dû emprunter à un oncle pour achever. Il a été reçu bachelier puis après deux ans de misère, a dû entrer au ministère de l’instruction publique, où il gagne peu, d’autant plus qu’il rembourse son oncle. – N’importe, il passe pour très intelligent.

Un grand garçon mou et déjà usé, assombri, dolent, tournant à la mécanique, se casant de plus en plus dans sa vie étroite, prenant des habitudes de cheval de manège ; se détachant, devenant maniaque, etc. Sans passion, bon élève dans la vie, comme il l’a été au lycée. »

Documents préparatoires de Pot-Bouille, NAF 10321, f° 270

BIOGRAPHIE

Employé de ministère. Il habite avec sa femme l’immeuble Vabre, rue de Choiseul, au quatrième sur la cour. Grand et maigre, l’air dolent. Dernier-né d’une fruitière qui a mangé sa boutique pour faire de son fils un bachelier parce que tout le quartier le disait très intelligent, Pichon a vu sa mère mourir insolvable trois jours avant le triomphe en Sorbonne. Après trois ans de vache enragée chez un oncle, il a eu le bonheur inespéré d’obtenir un emploi public, il a épousé Marie Vuillaume, fille d’un collègue retiré, et il vit plié à la mécanique du bureau, ayant dans ses yeux ternes la résignation hébétée des chevaux de manège, calculant machinalement qu’il a encore trente-six ans à attendre pour être décoré et obtenir deux mille francs de retraite. Plein de manies commençantes, il parle continuellement de son sous-chef, est travaillé dans la rue du seul tourment des éclaboussures de boue et ne connaîtrait aucun imprévu si, décidé à n’avoir jamais qu’un enfant, comme la saine raison l’exige, il ne voyait sa femme continuellement enceinte, malgré les précautions les plus strictes.

(Pot-Bouille)

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