GÉNÉALOGIE

Né en 1813 ; célibataire ; a un enfant posthume de sa nièce Clotilde Rougon, en 1874 ; meurt d’une maladie de cœur, le  7 novembre 1873.

– Innéité, pas de ressemblance morale avec ses parents. Ressemblance physique avec la mère, dans le bas âge et s’effaçant plus tard. En dehors complètement de la famille.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°1)

– Innéité, aucune ressemblance avec ses parents.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°2)

– Innéité. Aucune ressemblance morale ni physique avec les parents. Complètement en dehors de la famille.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1878)

– Innéité. Combinaison où se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble se retrouver dans le nouvel être.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1893)

FICHE PERSONNAGE

« Entre Eugène et Aristide, n’appartenant pas à la famille. Un des cas qui font mentir l’hérédité. La nature donne ainsi souvent naissance, au milieu d’une race, à un être dont elle puise tous les éléments dans ses forces créatrices. Rien au moral ni au physique rappelant les Rougon. Grand, le visage doux et sévère, droiture d’aspect, amour de l’étude, besoin de modestie. Excellentes études médicales à Paris. Se retire par goût à Plassans, malgré les offres de ses professeurs. Préfère la province pour ses études de savant. Très sobre, mépris de la fortune, se contenta de quelques malades que le sort lui envoya. Petite maison claire de la ville neuve, où il s’enferma, s’occupant d’histoire naturelle, passion pour la physiologie. Il achète des cadavres au fossoyeur, horreur des dames : ce monsieur sent la mort. – Le peuple reste seul son client. De temps en temps un mémoire à ‘Académie des sciences de Paris. […] Depuis deux ou trois ans, il s’occupait du grand problème de l’hérédité, comparant les races animales à la race humaine, et il s’absorbait dans les curieux résultats qu’il obtenait. Les observations qu’il avait faites sur lui et sur sa famille avaient été comme le point de départ de ses études. […]

(Pascal pourra avoir changé comme moi-même en vieillissant : moins pessimiste, les énergies de la vie.) […]

Pascal aimant la vie, aimant ce qui est par admiration des forces vitales : clairvoyant, mais bon, juste et gai (pas de justice dans la nature pourtant). La gaieté et la bonté venant, non de la santé – puisque maladie – mais venant de la passion même de la vie. Il doit être un actif, dans l’ordre intellectuel. Dans l’amour, ça doit finir par un enfant : bien spécifier que tout le reste est amusette et complication. […]

De l’idée d’égalité et de justice dans la nature. L’égalité n’existant pas : on a tenté pendant des siècles d’y remédier par la charité, on a échoué. Maintenant par la justice, la nature est-elle juste, elle est plutôt logique. La logique serait-elle une justice supérieure, naturelle ? N’est-ce pas l’homme qui a introduit la justice, par un besoin humain ? Il faudrait savoir d’où vient l’idée de justice, pour la substituer à l’idée de charité. Ma Clotilde sera juste, d’une justice intransigeante et farouche. Et Pascal là-dessus. – Je voudrais surtout faire de Pascal l’homme naturel. La passion de la vie, et tout en découle : la bonté, la gaieté, surtout l’altruisme (la nouvelle charité, l’amour des autres). Débordant d’abnégation et de tendresse : nos livres en débordent, sous leur composition correcte. – L’amour, le regret de l’enfant.

Le docteur lutte, veut marier Clotilde, il est pour ce mariage, quand Félicité lui en parle, malgré la souffrance qu’il en éprouve. Et c’est elle qui tombera dans ses bras. »

Documents préparatoires du Docteur Pascal, NAF 10290, f° 37-48.

BIOGRAPHIE

Second fils de Pierre Rougon et de Félicité Puech. Frère d’Eugène, Aristide, Sidonie et Marthe. Né à Plassans en 1813, il ne parait pas appartenir à la famille. Grand, le visage doux et sévère, il a une droiture d’esprit, un amour de l’étude, un besoin de modestie, une sobriété, un beau mépris de la fortune qui l’isolent complètement, au milieu des appétits désordonnés qui l’entourent. Après de brillantes études médicales à Paris, il rentre à Plassans, s’enferme en une petite maison claire de la ville neuve, s’absorbe amoureusement dans des découvertes scientifiques, se contentant des quelques malades que le hasard lui envoie, gagnant juste de quoi vivre. Sans qu’on s’en doute autour de lui, il adresse d’intéressants mémoires à l’Académie des Sciences et devient un homme très connu et très écouté du monde savant. Plein de perspicacité, il a, dès longtemps, entrevu l’avenir des Rougon-Macquart et, du fond de son laboratoire, il observe curieusement leurs évolutions.
(La Fortune des Rougon)

En 1854, il a recueilli sa nièce Clotilde, fille d’Aristide, alors âgée de sept ans. Plusieurs fois déjà, il avait offert de la prendre avec lui, pour égayer sa maison de savant. On la lui donne après la mort de la mère.
(La Curée)

À cinquante ans, il est déjà d’un blanc de neige, avec une grande barbe, de grands cheveux, au milieu desquels sa belle figure régulière prend une finesse pleine débouté. À Plassans, où il soigne les pauvres gens pour rien, le peuple le nomme « monsieur Pascal » tout court, supprimant d’instinct le lien nominal qui attache aux Rougon ce savant si parfaitement équilibré. Il soigne le curé des Artaud, son neveu Serge Mouret, observant avec une égale curiosité ce garçon qui agonise dans sa soutane et l’innocente Désirée qui vit si heureuse parmi les bêtes. Serge malade, acculé à la folie mystique, a été sauvé par le docteur Pascal ; celui-ci l’a mené au Paradou pour achever de le guérir par un retour vers la nature saine et féconde.
(La Faute de l’abbé Mouret)

À soixante ans, Pascal est d’une solidité vigoureuse, la face si fraîche, les traits si fins, les yeux restés limpides, d’une telle enfance, qu’on le prendrait, serré dans son veston de velours marron, pour un jeune homme aux boucles poudrées. Il vit depuis dix-sept ans à la Souléiade, près de Plassans, entre sa nièce Clotilde et sa vieille servante Martine, ayant amassé une rente de six mille francs qui suffit à sa vie de savant modeste et désintéressé, n’ayant gardé qu’une clientèle d’amis qui fournissent l’argent de ses expériences scientifiques.

Il étudie passionnément le problème de l’hérédité, question obscure, comme toutes les sciences balbutiantes encore, où l’imagination est maîtresse. Sa propre famille est un magnifique champ d’expériences ; on y trouve les accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms de vertus et de vices ; cette famille est aussi un document d’histoire, elle raconte le second Empire, du coup d’État à Sedan, car les Rougon-Macquart sont partis du peuple, se sont répandus largement parmi toute la société contemporaine, ont envahi toutes les situations, emportés par le débordement des appétits, par cette impulsion essentiellement moderne, ce coup de fouet qui jette aux jouissances les basses classes, en marche à travers le corps social.

Dans cet amas colossal de faits, il y a de l’histoire pure, l’empire fondé dans le sang, d’abord jouisseur et durement autoritaire, conquérant les villes rebelles, puis glissant à une désorganisation lente, s’écroulant dans le sang, dans une telle mer de sang, que la nation entière a failli en être noyée. Il y a des études sociales, le petit et le grand commerce, la prostitution, le crime, la terre, l’argent, la bourgeoisie, le peuple, celui qui se pourrit dans le cloaque des faubourgs, celui qui se révolte dans les grands centres industriels, toute cette poussée croissante du socialisme souverain, gros de l’enfantement du nouveau siècle. Il y a de simples études humaines, des pages intimes, des histoires d’amour, la lutte des intelligences et des cœurs contre la nature injuste, l’écrasement de ceux qui crient sous leur tâche trop haute, le cri de la bonté qui s’immole victorieuse de la douleur. II y a de la fantaisie, l’envolée de l’imagination hors du réel, des jardins immenses, fleuris en toutes saisons, des cathédrales aux fines aiguilles précieusement ouvragées, des contes merveilleux tombés du paradis, des tendresses idéales remontées au ciel dans un baiser. Il y a de tout, de l’excellent et du pire, du vulgaire et du sublime, les fleurs, la boue, les sanglots, les rires, le torrent même de la vie charriant sans fin l’humanité.

L’étude du problème de l’hérédité, où tant de maux et de souffrances apparaissent au docteur Pascal, éveille d’abord en lui une pitié militante de médecin guérisseur ; son rêve est de hâter le bonheur universel par la santé rendue à tous ; il imagine des injections hypodermiques, destinées à combattre la débilité humaine, seule cause de tous les maux ; quelques cures heureuses montrent la valeur de sa découverte, mais des scrupules lui sont venus, il tremble à la pensée de cette alchimie qui prétend refaire l’humanité en contrariant la nature dans son but, et alors il ne veut plus songer qu’à soulager, à empêcher la souffrance, qu’il considère comme une cruauté monstrueuse et inutile ; dans les dernières années, il finira par mettre son unique croyance en la vie, certain qu’elle doit tirer d’elle seule sa santé et sa force, que l’unique sagesse est de laisser faire la nature. D’esprit large, il a élevé Clotilde, sans lui imposer son credo philosophique, veillant seulement à l’instruction de la jeune fille, lui donnant en toutes choses des idées pures et saines. Il a permis à Martine de mener l’enfant à l’église, les a laissées toutes deux à leur joie de croire, ne se sentant pas le droit d’interdire à personne le bonheur de la foi. Mais cette belle tolérance de savant aurait le plus désastreux effet, créerait entre Clotilde et son maître un irréparable malentendu, si, à l’heure de la crise décisive, Pascal ne se décidait à opposer la force de la vérité humaine aux chimères du mysticisme.

L’immense amour qui, à leur insu, les a envahis, va renouveler, en leur personne, la sublime légende du vieux roi David et d’Abisaïg, la jeune Sunamite. Et c’est alors une idylle heureuse, un rayonnement de bonheur, un hymne à la nature triomphante, jusqu’au jour où, ruiné par la fuite du notaire Grandguillot, désespéré de n’avoir pu donner à Clotilde l’enfant qui eût consacré leur amour, Pascal a l’héroïsme de s’arracher le cœur en exigeant une séparation qui doit assurer l’avenir de la jeune femme. Pour lui, l’existence ne sera plus qu’une torture, il s’est remis à la besogne, complétant ses glorieux travaux, gardant jalousement l’œuvre dont il est fier, mais cet enthousiaste qui a vécu de passion va être emporté par une maladie de cœur ; sous les yeux de son cher disciple Ramond, il en note les progrès, jusqu’au dernier souffle, minute par minute, comme un professeur qui dissèque à l’amphithéâtre.

II meurt solitaire, à l’heure même où Clotilde revient, annonçant la naissance prochaine de l’enfant tant désiré. Et avec Pascal meurt son œuvre, sa magnifique enquête sur les lois de l’hérédité, le monument de sa gloire future, anéanti en un immense autodafé par Félicité Rougon, farouche dans sa haine de la vérité et de la science.
(Le Docteur Pascal)

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