FICHE PERSONNAGE
« 26 ans, un garçon mince et joli, avec des cheveux frisés et des moustaches noires. Nez pointu, yeux vifs, fin sourire, l’air intelligent.
A pour mère une sœur d’Hennebeau, veuve d’un mari qui ne lui a laissé qu’une position obérée (un inventeur qui a gaspillé une petite fortune). La mère restée seule, vivant avec peine d’une petite rente, s’est imposé tous les sacrifices pour l’éducation de son fils, jusqu’à l’École polytechnique, inclusivement. Il en est sorti dans un rang assez mauvais, et son oncle l’a pris avec lui, pour le mettre tout de suite à la pratique. Il n’est donc pas riche, sa tante cherche pour lui un beau mariage.
Au moral, un enfant de cet âge, sans grand sens moral, décidé à arriver, et n’ayant pas de scrupules à l’égard des femmes. Sceptique, libéral, républicain même, discutant avec son oncle bonapartiste ; mais tombant d’accord que les ouvriers se plaignent toujours, et qu’il faut bien qu’ils travaillent. – Les ouvriers le trouvent un peu fier, mais ne le détestent pas. On le traite sans conséquence pendant la grève. On ne l’écoute pas, quand il veut s’interposer. Lui-même en rit, bien montrer le peu de conviction de la génération nouvelle. Il s’amuse à terrifier les Grégoire pendant le dîner, en inventant des catastrophes possibles. S’ils sont les plus forts, ils nous massacreront, et ce sera fini. Cela l’amuse presque. Il va voir.
Lui donner pourtant un moment de peur, la vue de la révolution sociale de plus tard qui passe, pendant qu’il est caché quelque part avec sa tante. Cette scène est excellente, il faut cette vision pour compléter le livre, voir où on la placera.
Avec la fille Grégoire, d’une galanterie empressée de futur, sans que son cœur soit pris. Elle ne lui plaît pas. – Trouve les ouvrières affreuses, bien que sa tante le plaisante sur l’une d’elles.
Ses jugements sur les divers ouvriers et sur les meneurs. »
Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f° 64-66.
BIOGRAPHIE
Fils de madame Négrel. Sorti de l’école polytechnique dans un mauvais rang, il a donné sa démission sur le conseil de son oncle Hennebeau, directeur général des mines de Montsou, et il a été attaché au Voreux comme ingénieur. Les ouvriers l’appellent le petit Négrel. C’est un garçon de vingt-six ans, mince et joli, avec des cheveux frisés et des moustaches brunes ; son nez pointu, ses yeux vifs, lui donnent un air de furet aimable, d’une intelligence sceptique, qui se change en une autorité cassante avec son personnel. Il se prétend républicain, ce qui ne l’empêche pas de conduire les ouvriers avec une rigueur extrême, et de les plaisanter finement, en compagnie des dames. Vêtu comme eux dans la mine, barbouillé comme eux de charbon, il montre un courage à se casser les os, il les réduit au respect en passant par les endroits les plus difficiles, toujours le premier dans les éboulements et dans les coups de grisou.
Chez son oncle, il est traité en enfant de la maison ; il y a sa chambre, y mange, y vit, ce qui lui permet d’envoyer à sa mère la moitié de ses appointements de trois mille francs. Il se laisse rapidement séduire par sa tante, une maîtresse maternelle et avisée, qui le récompenserait par un beau mariage avec Cécile Grégoire, si celle-ci n’était étranglée avant la noce par Bonnemort. Malgré son ironique insouciance des hommes et des choses, le jeune ingénieur se sent blêmir, pendant la grève, devant la marche furieuse des mineurs ; c’est la vision rouge de la révolution, il est saisi là d’une épouvante supérieure à sa volonté, une de ces épouvantes qui soufflent de l’inconnu. Un peu plus tard, lors du terrible attentat de Souvarine, il est glacé d’horreur à la pensée de l’homme qui, froidement, a voulu et consommé la destruction du Voreux. Enfin, dans la recherche des victimes, il oublie son scepticisme, il est pris d’une fièvre de dévouement qui, après la réussite, le jette au cou d’un ouvrier sauvé par lui, le révolté Etienne Lantier, tous deux sanglotant à gros sanglots, dans le bouleversement profond de toute l’humanité qui est en eux.
(Germinal)