GÉNÉALOGIE

Né en 1834 ; meurt, en 1851, la tête cassée d’un coup de pistolet, par un gendarme.

– Élection de la mère, sans ressemblance physique.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°1 et n°2)

– Élection de la mère. Innéité de la ressemblance physique.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1878 et 1893)

BIOGRAPHIE

Troisième enfant d’Ursule Macquart et du chapelier Mouret. Frère de François et d’Hélène. Né à Marseille, en 1834, orphelin à six ans, il vient à Plassans avec François. Accueilli de mauvaise grâce par l’oncle Pierre Rougon, Silvère grandit dans les larmes, comme un malheureux abandonné, jusqu’au jour où sa grand’mère Adélaïde Fouque, ayant pitié de lui, l’emmène en son logis de l’impasse Saint-Mittre. C’est alors une heureuse vie pour l’enfant, en qui la vieille femme, pleine de tendresse contenue, trouve une lointaine ressemblance avec le grand-père Macquart. Silvère la cajole, il invente pour elle le nom caressant de tante Dide ; d’abord effrayé des crises nerveuses qui la secouent périodiquement, il s’habitue à ces fureurs incompréhensibles, il est pris de pitié devant la douloureuse aïeule victime de maux inconnus, il la soigne doucement et l’aime d’une affection silencieuse et attendrie.

À douze ans, ayant seulement quelques notions d’orthographe et d’arithmétique, il entre comme apprenti chez Vian, un charron voisin, et devient en peu de temps un excellent ouvrier. Plein du désir de s’instruire, il fréquente l’école de dessin, puis il s’enfonce dans l’étude sans guide, acquérant des bribes de science, s’appliquant à lire tous les volumes dépareillés, science, histoire, philosophie, qui lui tombent sous la main, se faisant une idée sainte de tant de grandes choses qu’il entrevoit. Cette vie sérieuse lui donne une âme exaltée, où s’amassent tous les enthousiasmes.

Les idées républicaines le passionnent ; prédisposé à l’utopie par certaines influences héréditaires, il veut le bonheur universel, un gouvernement idéal d’entière justice et d’entière liberté. Ces belles aspirations, que l’oncle Antoine Macquart essaye vainement d’exploiter au profit d’une vengeance personnelle, ces rêveries sans fin surexcitent le généreux enfant dont le docteur Pascal va dire un peu plus tard : La famille est complète, elle aura un héros ; mais ce n’est pas seulement la déesse Liberté qui exalte Silvère, il éprouve une tendresse infinie pour Miette, la fille du forçat Chantegreil, innocente enfant persécutée de tous et dont il a voulu être l’ami, la sauvant du désespoir, lui apportant la rédemption. Leurs pures amours au fond de l’Aire Saint-Mittre durent deux belles années pleines de douceurs infinies et s’achèvent dans un ardent baiser, que le coup d’État noie dans le sang. Deux jours après la mort de Miette, tuée à Saint-Roure par les troupes de l’ordre, Silvère qui avait accidentellement éborgné le gendarme Rengade est assassiné par celui-ci, dans le coin même de l’aire Saint-Mittre où avait fleuri la fraîche idylle.

(La Fortune des Rougon)

PORTRAIT

Sa face, maigre et allongée, semblait creusée par le coup de pouce d’un sculpteur puissant ; le front montueux, les arcades sourcilières proéminentes, le nez en bec d’aigle, le menton fait d’un large méplat, les joues accusant les pommettes et coupées de plans fuyants, donnaient à la tête un relief d’une vigueur singulière. Avec l’âge, cette tête devait prendre un caractère osseux trop prononcé, une maigreur de chevalier errant. Mais, à cette heure de puberté, à peine couverte aux joues et au menton de poils follets, elle était corrigée dans sa rudesse par certaines mollesses charmantes, par certains coins de la physionomie restés vagues et enfantins. Les yeux, d’un noir tendre, encore noyés d’adolescence, mettaient aussi de la douceur dans ce masque énergique. Toutes les femmes n’auraient point aimé cet enfant, car il était loin d’être ce qu’on nomme un joli garçon ; mais l’ensemble de ses traits avait une vie si ardente et si sympathique, une telle beauté d’enthousiasme et de force, que les filles de sa province, ces filles brûlées du Midi, devaient rêver de lui, lorsqu’il venait à passer devant leur porte, par les chaudes soirées de juillet. […]

Il était de taille moyenne, légèrement trapu. Au bout de ses bras trop développés, des mains d’ouvrier, que le travail avait déjà durcies, s’emmanchaient solidement ; ses pieds, chaussés de gros souliers lacés, paraissaient forts, carrés du bout. Par les attaches et les extrémités, par l’attitude alourdie des membres, il était peuple ; mais il y avait en lui, dans le redressement du cou et dans les lueurs pensantes des yeux, comme une révolte sourde contre l’abrutissement du métier manuel qui commençait à le courber vers la terre. Ce devait être une nature intelligente noyée au fond de la pesanteur de sa race et de sa classe, un de ces esprits tendres et exquis logés en pleine chair, et qui souffrent de ne pouvoir sortir rayonnants de leur épaisse enveloppe. Aussi, dans sa force, paraissait-il timide et inquiet, ayant honte à son insu de se sentir incomplet et de ne savoir comment se compléter.

(La Fortune des Rougon, chapitre I)

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