LA FORTUNE DES ROUGON : Biographie

Marie Chantegreil, dite Miette, née en 1838, fille du braconnier Chantegreil, nièce d’Eulalie Rébufat, la femme du méger du Jas Meffren. A perdu sa mère dès le berceau et vit entre son père et son grand-père à Chavanoz, village des bords de la Seille. Quand elle a neuf ans, son père est envoyé au bagne pour avoir tué un gendarme, son grand-père meurt de chagrin, elle est recueillie par les Rébufat, rudoyée par le mari, soutenue en cachette par la femme, persécutée par le fils, son cousin Justin, honnie de tout le faubourg qui accable d’outrages cette innocente, dont le père est forçat. Elle a onze ans quand sa tante meurt et c’est alors pour Miette une vie de pénible travail, de durs affronts qui l’aigriraient à jamais et la rendraient mauvaise si, dans son idylle avec Silvère Mouret, elle ne retrouvait les tendresses de sa nature aimante. À treize ans, elle est nubile, la femme s’épanouit rapidement en elle ; avec un front très bas, des yeux à fleur de tête, un nez court et des lèvres trop rouges, qui examinés à part seraient autant de laideurs, son visage, couronné de superbes cheveux noirs, est d’une étrange et ravissante beauté. Depuis deux ans, Miette et Silvère s’aiment en enfants innocents, se retrouvant chaque soir au fond de l’aire Saint-Mittre, goûtant des bonheurs innocents et profonds. Cet amour sauve Miette de ses désespoirs, elle adore ce doux et pensif Silvère qui la libère de son existence de paria et qui, plein d’idées hautes, chasse en elle les mauvais instincts, la rend meilleure. Aussi, lorsqu’au coup d’État, Silvère s’enrôle parmi les insurgés, veut-elle le suivre et partager ses périls. L’enthousiasme communicatif de Silvère, le pressentiment d’une mort prochaine, les suprêmes injures du haineux Justin, jettent Miette dans une exaltation qui la fait défiler à la tête de la troupe insurrectionnelle, échevelée, mante au vent, brandissant le drapeau rouge. C’est pendant un repos de cette longue marche qui les mène à la mort que Miette et Silvère échangent leur premier baiser d’amour, encore plein d’ignorance. Miette meurt quatre jours après, tuée dans la fusillade de Saint-Roure.

(La Fortune des Rougon)

LA FORTUNE DES ROUGON : Portrait

Miette avait treize ans. Bien qu’elle fût forte déjà, on ne lui en eût pas donné davantage, tant sa physionomie riait encore, par moments, d’un rire clair et naïf. D’ailleurs, elle devait être nubile, la femme s’épanouissait rapidement en elle, grâce au climat et à la vie rude qu’elle menait. Elle était presque aussi grande que Silvère, grasse et toute frémissante de vie. Comme son ami, elle n’avait pas la beauté de tout le monde. On ne l’eût pas trouvée laide ; mais elle eût paru au moins étrange à beaucoup de jolis jeunes gens. Elle avait des cheveux superbes ; plantés rudes et droits sur le front, ils se rejetaient puissamment en arrière, ainsi qu’une vague jaillissante, puis coulaient le long de son crâne et de sa nuque, pareils à une mer crépue, pleine de bouillonnements et de caprices, d’un noir d’encre. Ils étaient si épais qu’elle ne savait qu’en faire. Ils la gênaient. Elle les tordait en plusieurs brins, de la grosseur d’un poignet d’enfant, le plus fortement qu’elle pouvait, pour qu’ils tinssent moins de place, puis elle les massait derrière sa tête. Elle n’avait guère le temps de songer à sa coiffure, et il arrivait toujours que ce chignon énorme, fait sans glace et à la hâte, prenait sous ses doigts une grâce puissante. À la voir coiffée de ce casque vivant, de ce tas de cheveux frisés qui débordaient sur ses tempes et sur son cou comme une peau de bête, on comprenait pourquoi elle allait tête nue, sans jamais se soucier des pluies ni des gelées.

Sous la ligne sombre des cheveux, le front, très-bas, avait la forme et la couleur dorée d’un mince croissant de lune. Les yeux gros, à fleur de tête ; le nez court, large aux narines et relevé du bout ; les lèvres, trop fortes et trop rouges, eussent paru autant de laideurs, si on les eût examinés à part. Mais, pris dans la rondeur charmante de la face, vus dans le jeu ardent de la vie, ces détails du visage formaient un ensemble d’une étrange et saisissante beauté. Quand Miette riait, renversant la tête en arrière et la penchant mollement sur son épaule droite, elle ressemblait à la Bacchante antique, avec sa gorge gonflée de gaieté sonore, ses joues arrondies comme celles d’un enfant, ses larges dents blanches, ses torsades de cheveux crépus que les éclats de sa joie agitaient sur sa nuque, ainsi qu’une couronne de pampres. Et, pour retrouver en elle la vierge, la petite fille de treize ans, il fallait voir combien il y avait d’innocence dans ses rires gras et souples de femme faite, il fallait surtout remarquer la délicatesse encore enfantine du menton et la pureté molle des tempes. Le visage de Miette, hâlé par le soleil, prenait, sous certains jours, des reflets d’ambre jaune. Un fin duvet noir mettait déjà au-dessus de sa lèvre supérieure une ombre légère. Le travail commençait à déformer ses petites mains courtes, qui auraient pu devenir, en restant paresseuses, d’adorables mains potelées de bourgeoise.

(La Fortune des Rougon, chapitre I)

LA FORTUNE DES ROUGON : La mort de Miette

Ses lèvres serrées s’amincissaient déjà sous le doigt de la mort. Les cheveux dénoués, la tête roulée dans les plis sanglants du drapeau, elle n’avait plus que ses yeux de vivants, des yeux noirs, qui luisaient dans son visage blanc. Silvère sanglota. Les regards de ces grands yeux navrés lui faisaient mal. Il y voyait un immense regret de la vie. Miette lui disait qu’elle partait seule, avant les noces, qu’elle s’en allait sans être sa femme ; elle lui disait encore que c’était lui qui avait voulu cela, qu’il aurait dû l’aimer comme tous les garçons aiment les filles. À son agonie, dans cette lutte rude que sa nature sanguine livrait à la mort, elle pleurait sa virginité. Silvère, penché sur elle, comprit les sanglots amers de cette chair ardente. Il entendit au loin les sollicitations des vieux ossements ; il se rappela ces caresses qui avaient brûlé leurs lèvres, dans la nuit, au bord de la route : elle se pendait à son cou, elle lui demandait tout l’amour, et lui, il n’avait pas su, il la laissait partir petite fille, désespérée de n’avoir pas goûté aux voluptés de la vie. Alors, désolé de la voir n’emporter de lui qu’un souvenir d’écolier et de bon camarade, il baisa sa poitrine de vierge, cette gorge pure et chaste qu’il venait de découvrir. Il ignorait ce buste frissonnant, cette puberté admirable. Ses larmes trempaient ses lèvres. Il collait sa bouche sanglotante sur la peau de l’enfant. Ces baisers d’amant mirent une dernière joie dans les yeux de Miette. Ils s’aimaient, et leur idylle se dénouait dans la mort.

(La Fortune des Rougon, chapitre V)

LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET

Une belle fille du village des Artaud, mariée par l’abbé Caffin.

Fermer le menu