BIOGRAPHIE

C’est une enfant de dix-sept ans, chétive, légèrement bossue, d’une grâce maladive. Fille d’un colosse sain et d’une mère bien bâtie, sa difformité, ses allures de bohémienne millionnaire, sa laideur effrontée et charmante s’expliquent par la nymphomanie maternelle. Avec sa poitrine plate, sa petite tête laide et futée de gamin, elle ressemble à un garçon déguisé en fille, elle a des plaisanteries de pensionnaire émancipée, un sourire vague de sphinx vicieux, des instincts mauvais. C’est d’un air tranquillement amical qu’elle a surpris l’inceste de Maxime Saccard et de Renée. Déjà très malade à la veille de son mariage avec Maxime, elle meurt pendant le voyage de noces et est enterrée dans une petite ville de Lombardie.

(La Curée)

PORTRAIT

Contrefaite, laide et adorable, elle était condamnée à mourir jeune ; une maladie de poitrine la minait sourdement, lui donnait une gaieté nerveuse, une grâce caressante. Les petites filles malades vieillissent vite, deviennent femmes avant l’âge. Elle avait une naïveté sensuelle, elle semblait être née à quinze ans, en pleine puberté. Quand son père, ce colosse sain et abêti, la regardait, il ne pouvait croire qu’elle fût sa fille. Sa mère, de son vivant, était également une femme grande et forte ; mais il courait sur sa mémoire des histoires qui expliquaient le rabougrissement de cette enfant, ses allures de bohémienne millionnaire, sa laideur vicieuse et charmante. On disait qu’Hélène de Mareuil était morte dans les débordements les plus honteux. Les plaisirs l’avaient rongée comme un ulcère, sans que son mari s’aperçût de la folie lucide de sa femme qu’il aurait dû faire enfermer dans une maison de santé. Portée dans ces flancs malades, Louise en était sortie le sang pauvre, les membres déviés, le cerveau attaqué, la mémoire déjà pleine d’une vie sale. Parfois, elle croyait se souvenir confusément d’une autre existence ; elle voyait se dérouler, dans une ombre vague, des scènes bizarres, des hommes et des femmes s’embrassant, tout un drame charnel où s’amusaient ses curiosités d’enfant. C’était sa mère qui parlait en elle. Sa puérilité continuait ce vice. À mesure qu’elle grandissait, rien ne l’étonnait, elle se rappelait tout, ou plutôt elle savait tout, et elle allait aux choses défendues, avec une sûreté de main qui la faisait ressembler, dans la vie, à une personne rentrant chez elle après une longue absence, et n’ayant qu’à allonger le bras pour se mettre à l’aise et jouir de sa demeure.

(La Curée, chapitre III)

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