FICHE PERSONNAGE

« Dix ans, galibot. Je verrai si je le fais pousser les berlines ou porter les bois dans la mine.

Petit, un vrai singe. Très pâle, la bouche en avant, avec des lèvres blêmes ; des yeux verts comme sa mère, de grandes oreilles, une peau fine. Des cheveux jaunes frisés. Une dégénérescence.

Au moral, une dégénérescence aussi. Vicieux, précoce, appétits déchainé. D’une intelligence obscure, mais très adroit de ses membres. Peu intelligent donc, mais avec des éclairs de vivacité mauvaise. – Paresseux, aimant à gourgandiner, craignant les coups. – Sa mère, très sévère pour lui, le corrige pour le redresser.

Après son accident surtout, faire éclater ses côtés d’animal révolté. La Cie lésine, discute, en disant que c’est de sa faute s’il s’est blessé. Il a donc très peu de chose, ou rien. Un secours simplement, et on l’emploie à la surface. Chercher l’emploi.

Vicieux dans son puits. Sa petite amie Lydie. – Il y entraine aussi Bébert. – Les jeux de ces deux enfants. – À la fin, lui trouver un dénouement logique. »

Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f° 29-30.

BIOGRAPHIE

Troisième enfant de Toussaint Maheu et de la Maheude. Onze ans. On l’emploie au Voreux comme galibot. il gagne vingt sous par jour. Il est petit, il a les membres grêles, avec des articulations énormes, grossies par les scrofules, un masque de singe blafard et crépu, avec des yeux verts et de grandes oreilles. Dans sa précocité maladive, il semble avoir l’intelligence obscure et la vive adresse d’un avorton humain qui retourne à l’animalité d’origine. Depuis longtemps, il exploite Bébert Levaque et Lydie Pierron ; avec celle-ci, il essaye, dans les coins noirs, l’amour que tous deux entendent et voient chez leurs parents, derrière les cloisons, par les fentes des portes ; ils savent tout, mais ils ne peuvent guère, trop jeunes, tâtonnant, jouant pendant des heures à des jeux de petits chiens vicieux ; Jeanlin appelle ça « faire papa et maman ».

Enseveli sous un éboulement dans la mine, il conserve ses jambes, mais on les recolle si mal qu’il reste boiteux de la droite et de la gauche, filant d’un train de canard, courant aussi fort qu’autrefois, avec son adresse de bête malfaisante et voleuse. Un besoin croissant de maraude le lance avec Bébert et Lydie sur les chemins, il est le capitaine de ces expéditions, jetant sa troupe sur toutes les proies, ravageant les champs d’oignons, pillant les vergers, attaquant les étalages ; dans le pays, on attribue ces méfaits aux mineurs en grève, on parle, d’une vaste bande organisée. Et pendant que les deux autres tremblent sous son autorité, Jeanlin garde tout le butin et le transporte dans une caverne de Réquillard, où il fait bombance tout seul. Cet être malfaisant martyrise pour le plaisir la grosse Pologne, une lapine familière qui vit en liberté chez les Rasseneur. Toute une sourde végétation du crime se développe en son crâne de bête inconsciente : des discours violents entendus dans la forêt, des cris de dévastation et de mort hurlés au travers des fosses, il n’a retenu qu’un invincible désir, celui d’égorger un soldat, un de ces cochons de soldats qui embêtent les charbonniers chez eux ; et il assassine le petit breton Jules, qui était en faction nocturne sur le territoire du Voreux ; il lui a sauté sur les épaules, d’un bond énorme de chat sauvage, s’y est agrippé de ses griffes et lui a enfoncé dans la gorge son couteau grand ouvert.

(Germinal)

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