FICHE PERSONNAGE

« 16 ans. – Une figure fine, yeux verts clair de source, un teint superbe de rousse que le savon noir a déjà gâté, est en train de gâter. La figure longue de la famille, mais délicate. La bouche trop grande, avec de très belles dents. Beaux cheveux roux, un peu durs et pas trop drus. La ligne du cou très blanche sous le visage qui se tanne ; et, quand elle se déshabille, une apparition toute blanche, du lait ; car le charbon entre moins là. – En somme, figure irrégulière et charmante, surtout lorsqu’elle est noire de charbon, et que ses yeux gris et ses dents blanches éclatent. Ses yeux dans le noir du visage, des yeux profonds, qui se mettent à luire comme des yeux de chatte. – (Étienne ne la verra bien qu’au déjeuner).

Au moral, une bonne fille, un produit de la race et du milieu, une résignée. Bien de sa classe. Les pudeurs du milieu et pas d’autres. Se laisse très bien aller à un amant, comme sa mère s’est laissée aller. Se déshabille le soir sans honte devant Etienne. S’abandonnerait à lui. Aimait vaguement Chaval, avant Étienne et n’est troublée que par son goût pour Étienne joli garçon. Le regarde avec surprise, se laisserait prendre peut-être, si Chaval ne brusquait pas les choses ; et reste combattue ensuite. – Toute son analyse de passion part de là, sans pudeur plaquée, sans raffinement ni sentimentalités en dehors de sa classe.

Pour la grève, une résignée. N’entre pas dans cette question, qui regarde les hommes. […] J’en fais une somme, un produit et une victime du milieu.

Grande douceur et grand calme. C’est sa caractéristique. Avec une jolie gaieté dans le début. – Encore pas trop déformée par le milieu. Peut-être une légère déviation dans le bassin. Anémique, des troubles dans ses fonctions de femme qui réagissent sur le caractère. Cela est à régler. »

Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f° 24-26.

BIOGRAPHIE

Deuxième enfant de Toussaint Maheu et de la Maheude. Hercheuse au Voreux. Fluette pour ses quinze ans, elle est rousse, elle a un visage blême, déjà gâté par les continuels lavages au savon noir, une bouche un peu grande, avec des dents superbes dans la pâleur chlorotique des gencives, de grosses lèvres d’un rosé pâle, de grands yeux d’une limpidité verdâtre d’eau de source. Ses bras délicats sont d’une blancheur de lait, et ses pieds, habitués à courir dans la mine, sont bleuis, comme tatoués de charbon. Dans sa culotte de mineur, sa veste de toile et le béguin qui enserre son chignon, elle a l’air d’un petit homme, rien ne lui reste de son sexe qu’un dandinement léger des hanches. Les promiscuités de la famille lui ont tout appris de l’homme et de la femme, mais elle est vierge de corps, et vierge enfant, retardée dans la maturité de son sexe par le milieu de mauvais air et de fatigue où elle vit. Ses idées héréditaires de subordination et d’obéissance passive lui donnent une allure résignée et douée.

Elle trouve Étienne Lantier joli, avec son visage fin et ses moustaches noires, mais c’est Chaval qui la prend, sans qu’elle ait la volonté de résister ; elle subit le mâle avant l’âge, avec cette soumission innée qui, dès l’enfance, culbute en plein vent les filles de sa race. Et désormais, elle obéit à Chaval, elle supporte ses coups ; maintenant qu’elle a ce galant, elle aime encore mieux ne pas en changer. Pourtant, c’est une triste vie, Chaval n’a été bon pour elle qu’une seule fois, à la fosse Jean-Bart, le jour où elle allait mourir, asphyxiée par l’air mort du fond de la mine. Hors ce court instant, elle n’a connu que sa jalousie brutale, ses colères mauvaises, son égoïsme de mâle qui se laisse nourrir par le gain de la femme ; mais Chaval est son homme et, au jour de la bagarre, elle le défend, pardonnant les coups, oubliant la vie de misère, soulevée par l’idée qu’elle lui appartient, puisqu’il l’a prise et que c’est une honte pour elle, quand il subit des violences. Son cœur va quand même vers Etienne, elle le sauve des gendarmes, elle le sauve aussi du couteau de Chaval, et cependant il faut que ce dernier la chasse, la jette grelottante dans la rue, pour qu’elle se décide à partir, libérée du premier amant. Et c’est le lendemain, dans la secousse de l’abominable collision où son père a trouvé la mort, qu’elle devient femme ; le flot de la puberté crève enfin, elle pourra maintenant faire des enfants que les gendarmes égorgeront. Etienne la possède femme le premier, mais leurs tristes noces s’accomplissent au fond de la mine inondée, dans le désespoir de tout, dans la mort et, jusqu’au bout, la pitoyable Catherine est hantée par l’affreuse image de Chaval.

(Germinal)

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