GÉNÉALOGIE

Née en 1827 ; épouse en 1852 Quenu, sain et pondéré, dont elle a une fille dans l’année ; meurt six mois avant son mari, en 1863, d’une décomposition du sang. Charcutière. Grande boutique aux Halles.

– (Élisa) La mère reproduction.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°1)

– Élection de la mère. Ressemblance physique de la mère.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1878)

– Élection de la mère. Ressemblance physique de la mère.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1893)

FICHE PERSONNAGE

C’est une Macquart, une fille d’Antoine dans laquelle Fine a mis toute son honnêteté moyenne, son besoin de travail. Seulement, elle apporte en outre une vertu plus égale, des qualité supérieures d’ordre et d’intelligence qui ne sont point de ses parents. Elle est belle, saine, suant le bonheur. Il me la faut à trente-deux ans, dans tout l’épanouissement de sa nature. Je la place dans la charcuterie, au milieu de ses viandes, avec un tablier blanc. Et c’est là que je place avec elle toutes les lâchetés de la chair, les ramollissements de l’esprit, la détente de la volonté, la chute à la digestion épaisse et satisfaite. […] Devant l’état, elle a le respect des sergents de ville, des candidats officiels ; elle appuie le gouvernement qui triomphe, le soutient quand il branle, lui garde la reconnaissance du ventre, de tous les morceaux de bœuf qu’elle mangés ou qu’elle a vendus ; et sous le prétexte de maintenir l’ordre, de défendre la société, elle pousse son mari à toutes les lâchetés sociales. – Devant la famille, elle est morale, elle conseille le travail à sa sœur, l’aide au besoin, puis l’abandonne le jour où elle se sent compromise par elle. Enfin, devant le cercle de ses connaissances, elle va au succès, cajole les heureux, se fait un nid tiède dans lequel elle sommeille voluptueusement.
Documents préparatoires du Ventre de Paris. Ms NAF 10338, f° 51-53

BIOGRAPHIE

La fille aînée d’Antoine Macquart et de Joséphine Gavaudan. Sœur de Gervaise et de Jean. Femme de Quenu. Elle est née à Plassans en 1827, un an après le mariage de ses parents ; c’est une grosse et belle enfant, très sanguine, qui ressemble beaucoup à sa mère, sera comme elle vaillante à la besogne, mais n’aura pas son dévouement de bête de somme ; elle tient de son père un besoin de bien-être très arrêté. À sept ans, Lisa a été prise en amitié par la directrice des postes ; celle-ci en fait une petite bonne et, devenue veuve, l’emmène à Paris. (La Fortune des Rougon,)

En 1851, c’est une belle fille bien portante, d’humeur égale, un peu sérieuse, ce qui donne un grand charme à ses rares sourires. Elle vivait rue Cuvier chez sa protectrice qui la traitait comme sa propre enfant, lorsque cette dame a été emportée par un asthme, laissant une dizaine de mille francs à Lisa. La jeune fille entre comme demoiselle de boutique chez le charcutier Gradelle, rue Pirouette, et fait très vite la conquête de la maison. Lorsque, un an après, Gradelle a été emporté par une attaque soudaine, Lisa trouve tout naturellement un mari dans le neveu Quenu, faible d’esprit mais acharné travailleur, qu’elle a dominé du premier coup en sachant découvrir le magot de l’oncle, enfoui au fond d’un saloir. Bientôt ils abandonnent la médiocre boutique pour fonder une magnifique charcuterie où la belle Lisa trône comme une des reines du quartier ; avec son mari et sa fille Pauline, elle forme une trinité grasse, suant la santé, luisante et superbe. Lorsque Florent revient, maigre et mourant de faim, Lisa est dans la maturité de la trentaine ; c’est une belle femme, point trop grosse pourtant, forte de la gorge ; ses cheveux lissés, collés et comme vernis lui descendent en petits bandeaux plats sur les tempes. Elle a un grand air d’honnêteté.

C’est une Macquart rangée, raisonnable, logique avec ses besoins de bien-être, ayant compris que la meilleure façon de s’endormir dans une tiédeur heureuse est encore de se faire soi-même un lit de béatitude. Elle est d’un égoïsme tranquille et béat, écartant, toutes les causes possibles de trouble, laissant couler les journées au milieu de cet air gras, de cette prospérité alourdie. L’arrivée de son beau-frère lui a laissé tout son calme ; comme les mauvaises pensées la dérangeraient trop, elle parle aussitôt de partager la succession Gradelle et, pour l’amener à renoncer à cet acte désintéressé, il faut toute la résistance de Florent.

Mais celui-ci, installé chez son frère, promenant dans la boutique sa lassitude et sa tristesse, impatiente bientôt la belle madame Quenu, pleine de mépris pour les gens qui se croisent les bras. Habituée à tout régenter, Lisa sait vaincre les répugnances du républicain pour un emploi officiel ; elle ne lui a, du reste, aucune reconnaissance de cette faiblesse. Sa froideur de femme grasse et arrivée, son instinctive méfiance pour ce maigre inquiétant, se transforment bientôt en une hostilité active. Lisa ne pardonne pas à Florent son amitié pour la belle Normande, brouillée à mort avec elle ; ce doux rêveur sera écrasé par la formidable rivalité des deux femmes. Quand il entraîne son frère chez Lebigre, aux réunions Gavard, Lisa, émue par les racontars de la Saget, commence son œuvre de défense ; tout en faisant grand étalage de patience et en se gardant de dire du mal de Florent, elle ramène Quenu aux saines idées politiques et le pousse peu à peu vers le désir d’une rupture avec ce frère qui trouble la digestion des honnêtes gens. Après un conciliabule avec l’abbé Roustan, révolutionnée par la découverte d’écharpes rouges préparées pour le grand jour, indignée devant sa propre tranquillité compromise à jamais, elle se décide brusquement à dénoncer le conspirateur en rupture de ban.

Florent arrêté, c’est la quiétude qui revient, une réconciliation publique se produit entre Lisa et la belle Normande, les Quenu s’embrassent, énormes, débordants, déjà convalescents de ce malaise d’une année où leur tranquille bonheur tremblait et coulait comme une graisse mal figée. Et, pendant que son maigre beau-frère retourne à Cayenne, la belle Lisa montre un grand calme repu, une tranquillité énorme que rien ne doit plus venir troubler.
(Le Ventre de Paris)

Elle meurt à Paris, en 1863, d’une décomposition du sang.
(La Joie de vivre)

PORTRAIT

C’était une belle femme. Elle tenait la largeur de la porte, point trop grosse pourtant, forte de la gorge, dans la maturité de la trentaine. Elle venait de se lever, et déjà ses cheveux, lissés, collés et comme vernis, lui descendaient en petits bandeaux plats sur les tempes. Cela la rendait très-propre. Sa chair paisible, avait cette blancheur transparente, cette peau fine et rosée des personnes qui vivent d’ordinaire dans les graisses et les viandes crues. Elle était sérieuse plutôt, très calme et très lente, s’égayant du regard, les lèvres graves. Son col de linge empesé bridant sur son cou, ses manches blanches qui lui montaient jusqu’aux coudes, son tablier blanc cachant la pointe de ses souliers, ne laissaient voir que des bouts de sa robe de cachemire noir, les épaules rondes, le corsage plein, dont le corset tendait l’étoffe, extrêmement. Dans tout ce blanc, le soleil brûlait. Mais, trempée de clarté, les cheveux bleus, la chair rose, les manches et la jupe éclatantes, elle ne clignait pas les paupières, elle prenait en toute tranquillité béate son bain de lumière matinale, les yeux doux, riant aux Halles débordantes. Elle avait un air de grande honnêteté.

(Le Ventre de Paris, chapitre I)

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