GÉNÉALOGIE

Né en 1831 ; épouse en 1867 Françoise Mouche, qu’il perd en 1870 sans avoir eu d’enfants ; se remarie en 1871 avec Mélanie Vial, paysanne forte et saine dont il a un garçon et qui est grosse de nouveau.

– Élection de la mère, sans ressemblance physique.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°1)

– Élection de la mère, sans ressemblance physique.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1869 n°2)

– Élection de la mère. Ressemblance physique du père.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1878)

– Innéité. Combinaison ou se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble se retrouver dans le nouvel être.
(Arbre généalogique des Rougon-Macquart – 1893)

« Né en 1831, donc 39 ans en 70 (élection de la mère, ressemblance physique du père). Fils d’Antoine Macquart et de Joséphine Gavaudan, frère de Gervaise et de Lisa. »
Documents préparatoires de La Débâcle, NAF 10286, f° 57.

FICHE PERSONNAGE

« Fort gaillard. Il tenait de sa mère, comme Lisa, sans avoir la ressemblance physique de Fine. Traits réguliers, froideur grasse d’une nature sérieuse et peu intelligente. Il grandit avec la volonté de se créer une situation indépendante. Fréquente l’école, s’y casse la tête, qu’il a fort dure, y fait entrer un peu d’orthographe et d’arithmétique. Se met ensuite en apprentissage, menuisier. […]
Donc, parti en juillet 1840 de Plassans, à 19 ans. Tiré au sort en 51, reste à l’armée jusqu’en 59, a donc fait la campagne d’Italie, Solferino. Tombé au village voisin en 59, à l’âge de 28 ans, chez un menuisier qui l’envoie à la ferme. Long travail de parquets et de lambris à refaire. Il couche avec Jacqueline, s’acoquine, dégoûté de son métier, hésitant. Son patron meurt, et lui reste définitivement à la ferme, pour toutes sortes de travaux. C’est ainsi qu’il sème en décembre 60, à 28 ans. Et son hésitation, toujours sur le point de retourner se faire menuisier. À la fin il redeviendra soldat. Étudier la perturbation que le service a mise en lui. N’est plus bon que soldat. Malaise dans la vie. Besoin de repos qu’il ne trouve pas à la campagne. C’est lui qui peut et qui doit juger la campagne.
Un gros garçon châtain, de taille moyenne. Figure régulière, mais un peu épaisse. Cheveux noirs en brosse, moustaches. Bien planté, un peu lourd, parole lente. Intelligence médiocre, s’émouvant lentement. Bon au fond, supérieur au paysan. On l’appelle d’un surnom tiré du service, caporal ou autre. Il reste à savoir s’il a fait les campagnes de Crimée et d’Italie. Non, toujours resté en garnison. À expliquer cela. Un soldat, mais un soldat de garnison.
Un passage où sa physiologie de Macquart sera posée. Rappeler son histoire à Plassans en quelques lignes, en nommant Gervaise, son père et sa mère.
Jean me semble rester godiche. Je ne puis le sauver que par une passion ardente pour Françoise, passion à laquelle elle ne répond pas d’abord, qu’elle semble partager ensuite, et qu’il s’aperçoit ensuite qu’elle n’a jamais eue. Elle ne le désire pas, cela suffit. Il s’en aperçoit et en souffre autant qu’il l’aime encore. Même il se sent retenté. – Vis à vis d’elle, cela suffit. J’ai là toute l’histoire passionnelle nécessaire. Mais je voudrais Jean plus large dans le roman. Je crains qu’il ne recommence Étienne. – Donc, au sortir du service, je lui donne le vague dégoût de son métier. Le service militaire, les sept ans tuant chez l’ouvrier le goût de son métier. Il s’échoue à la ferme, et comment il est pris par Jacqueline. Il s’y abandonne, un peu confus au fond, démoralisé encore, achevé par ce bien-être, avachi ; et ayant, je le répète, du remords. – Mais ne pas oublier son caractère, lent, peu intelligent, raisonnable, honnête. Il n’aime pas Jacqueline, il a été pris, séduit par elle, trouvant ridicule de résister. Et son avachissement, son bonheur à la campagne, le rêve qu’il y fait du bonheur, dans le calme de cette terre qui va bien à sa nature. Puis sa passion pour Françoise qui naît lentement et qui éclate. Tout ce qu’il espère du calme de la terre, et qui meurt à la fin. […]
Donc, au début, le montrer très bon, désireux de calme, aspirant au repos, et le heurter pendant tout le temps contre l’homme mauvais sur la terre grande et bonne. Cela me donne absolument ce fait que je cherchais de la violence de l’homme sur la terre belle. Ne pas en faire un poète, mais en faire un homme supérieur au paysan malgré sa lourdeur d’intelligence. […] Plus tard, dégoûté, il revient à ce qu’il a connu, à l’armée, dans une colère sombre. Marquer toutes les phases de ce drame intérieur. »
Documents préparatoires de La Terre, NAF 10329, f° 2-12.

« Dans La Terre, il est devenu paysan après avoir repris un instant son métier de menuisier. Il est alors un grand garçon châtain, au cheveu ras, à la figure pleine et régulière. Et il a 29 ans. Donc, La Terre dure environ 10 ans. Et rappeler le drame ; il épouse la fille Françoise Mouche, que pourchasse son cousin Buteau. Plus tard, lorsque celui-ci a épousé Lise, la sœur de Françoise, et qu’à eux deux ils ont tué Françoise, il se rengage, leur abandonnant tout. Les paysans le surnommaient « Caporal ». Il n’est pas allé en Crimée, il devait partir quand on a pris Sébastopol. Mais il est allé en Italie : « C’est comme chez nous, de la culture avec des bois et des rivières. Partout c’est la même chose. Il s’est battu, ah oui, pour sûr. À Solferino, ça chauffait dur, et il pleuvait cependant. Mon Dieu, la guerre n’est pas si difficile qu’on le croit. On tombe au sort, n’est-ce pas ? On est bien obligé de faire son devoir. Moi, j’ai lâché le service, parce que j’aime mieux autre chose. Pourtant, ça peut encore avoir du bon, pour celui que son métier dégoûte et qui rage, quand l’ennemi vient nous emmerder en France. » Il a donc passé dix ans à Rognes, près de Châteaudun, sans dénoncer les Buteau, meurtriers de Fouan et de Françoise. Dire qu’il était si joyeux d’avoir quitté le service après la guerre d’Italie, de n’être plus un traineur de sabre, un tueur de monde. Et la pensée, dans son chagrin, d’aller se battre. « Quand on n’a plus de métier, quand la vie vous embête et qu’on rage d’être taquiné par les ennemis, le mieux est encore de cogner sur eux. [illisible] Un allègement, une joie sombre. » Et à la fin : « Ah bon sang ! puisqu’il n’avait plus le cœur à travailler, il la défendrait, la vieille terre de France. »
Comme caractère, un garçon un peu lourd, raisonnable, sachant lire et écrire, un peu compter, menuisier de son état, paysan plus tard. Tempérament équilibré, avec une pointe d’égoïsme peut-être. Ayant beaucoup souffert, ce qui lui a donné de l’expérience. Très posé, s’étant battu, au courant de la vie militaire, très utile à Maurice, dès que l’amitié est cimentée. Écarté des femmes par son drame, tout entier à l’amitié. – Sans éducation du reste, mais propre et convenable par raison.
Comme symbole, il est le personnage central, l’âme même de la France, équilibrée et grave, bien qu’attachée au sol (il a été un instant paysan, a eu des terres). Il n’est pas pour la guerre, mais se bat bien pourtant, très discipliné, vieux soldat d’Italie. Si Maurice est l’autre partie de la France, les fautes, la tête en l’air, l’égoïsme vaniteux (il s’en engagé après des sottises, par une rage de patriotisme tapageur), le symbole à la fin est tout entier là : c’est la mauvaise partie de la France, Maurice, qui est supprimée accidentellement par la bonne partie, Jean ; la France s’amputant elle-même de sa légèreté et de son détraquage, au milieu de l’abomination de la guerre civile.
Jean, c’est la vieille raison française, le fond éternellement raisonnable de la race, l’épargne, le travail, tout ce qui doit un jour reconstituer la patrie. Il s’ampute de Maurice dans une affreuse catastrophe, au milieu d’un chagrin poignant, mais l’avenir s’ouvre, après l’effroyable leçon, et le sanglant sacrifice. »
Documents préparatoires de La Débâcle, NAF 10286, f° 57-60.

« Licencié en 71 au mois de juin. Est retourné à Valqueyras, près de Plassans, a épousé à la fin août Mélanie Vial, la fille d’un paysan. Et il cultive le bien de son beau-père, auquel il succèdera. Un gros travailleur qui réussira. Et lui prédire beaucoup d’enfants. Mélanie, une gaillarde. Elle est grosse du jour de son mariage, elle accouchera à la fin mai. Elle vient donc d’accoucher, au commencement de mon roman. Puis un autre enfant dans les premiers mois de 74, vers la fin de mon roman. Et d’autres plus tard. – Quels seront ces enfants ? »
Documents préparatoires du Docteur Pascal, NAF 10290, f° 126.

BIOGRAPHIE

Troisième enfant d’Antoine Macquart et de Joséphine Gavaudan. Frère de Lisa et de Gervaise. Né à Plassans en 1831, c’est un fort gaillard, tenant de sa mère, sans avoir sa ressemblance physique. Visage aux traits réguliers, avec la froideur grasse d’une nature sérieuse et peu intelligente. Grandit avec la volonté tenace de se faire un jour une position indépendante. Il apprend le métier de menuisier et, dès les premières payes, est dépouillé par son père qui le traite en jeune fille et ne lui laisse pas un centime. Quand on s’assomme dans le ménage, Jean se lève pour séparer son père et sa mère. Lorsque cette dernière meurt, le jeune homme, las d’être exploité, quitte la maison.
(La Fortune des Rougon)

Tombé au sort, il a été sept ans soldat et, en 1859, s’étant battu à Solferino et n’ayant gardé de cette journée que le souvenir d’une pluie diluvienne tombée pendant l’action, il est revenu d’Italie avec son congé. Un camarade, libéré comme lui, l’a emmené à Bazoches-le-Doyen ; il a d’abord repris son métier, mais les années de service l’avaient rouillé, dévoyé, dégoûté de la scie et du rabot, avaient fait de lui un autre homme, avec des habitudes de flânerie et un grand besoin de repos. Installé à La Borderie pour des réparations, il y reste comme valet de ferme, finissant par mordre à la culture, satisfaisant ainsi le tempérament de bœuf de labour qu’il tient de sa mère.
À vingt-neuf ans, c’est un gros garçon châtain, aux cheveux ras, à la face pleine et régulière, annonçant un mâle solide : on l’appelle Caporal, en souvenir de son métier de soldat. Il n’est pas seulement aux prises avec la terre dure qui fait payer chaque grain de blé d’une goutte de sueur, il lutte surtout avec le peuple des campagnes, que l’âpre désir, la longue et rude conquête du sol brûle du besoin sans cesse irrité de la possession. Les paysans exècrent Jean, d’abord parce qu’il a été un ouvrier, travaillant le bois au lieu de cultiver la terre, ensuite parce qu’il s’est mis à la charrue et qu’il vient manger le pain des autres dans un pays qui n’est pas le sien. Il a fait connaissance à Rognes des sœurs Mouche, Lise et Françoise, il épouse celle-ci malgré les fureurs de Buteau et croit avoir fixé sa vie en ce coin de la Beauce. Mais jusqu’au bout, Jean reste un étranger, même pour sa femme qui ne l’aime guère et qui, assassinée par les siens, leur laisse tout, ne voulant pas qu’une moitié de terre sorte de la famille et aille à l’intrus.
L’heure de la guerre va sonner. Dégoûté de la vie, n’ayant plus de courage à travailler la vieille terre de France, Jean saura du moins la défendre ; il se rengage pour aller cogner sur les Prussiens.
(La Terre)

Il a été incorporé au 106e de ligne (colonel de Vineuil) et, sachant tout juste lire et écrire, n’ambitionnant même pas le grade de sergent, il fera la campagne avec les galons de caporal. Gros garçon sérieux, à la figure pleine et régulière, à la cervelle épaisse et lente, il reste calme et têtu, solide en son espoir, devant la défaite. Les horreurs de Sedan n’ébranlent pas son optimisme : on n’est pas tous morts, après tout, il en reste, et ceux-là suffiront bien à rebâtir la maison, s’ils sont de bons bougres, travaillant dur, ne buvant pas ce qu’ils gagnent ; lorsqu’on prend de la peine, on parvient toujours à se tirer d’affaire, au milieu des pires malchances ; même, il n’est pas mauvais, parfois, de recevoir une bonne gifle, ça fait réfléchir et s’il y a quelque pari de la pourriture, des membres gâtés, mieux vaut les voir par terre, abattus d’un coup de hache, que d’en crever comme d’un choléra.
Jean a deviné en Maurice Levasseur une inimitié, une répugnance de classe et d’éducation, il voudrait échapper à ce mépris hostile. Il gagne Maurice peu à peu, lui donnant d’abord une rude leçon de courage moral, puis le soutenant de son exemple, le soignant avec une douceur d’homme expérimenté dont les gros doigts savent être délicats à l’occasion. Le tutoiement arrive bientôt. Jean s’attendrit devant la souffrance physique de Maurice, il se prive de manger pour lui et, plus tard, de même qu’il lui a sauvé la vie pendant la marche vers Sedan, Maurice le sauve sur le champ de bataille. Puis, dans la presqu’île d’Iges, où plane la mort, Jean paye sa dette au centuple ; c’est le don entier de sa personne, l’oubli total de lui-même pour l’amour de l’autre.
Évadé de la colonne de prisonniers, blessé dans la fuite, encore une fois sauvé par Maurice et réfugié à Remilly, où Henriette Weiss le soigne, Jean rêve un moment une femme comme elle, si tendre, si douée, si active ; il se voit confusément remarié en ce pays, propriétaire d’un champ qui suffit à nourrir un ménage de braves gens sans ambition. Mais comme il faut aller jusqu’au bout du désastre, la guerre civile va anéantir ce rêve.
Les cœurs de Jean et de Maurice s’étaient fondus l’un dans l’autre, pendant quelques semaines d’héroïque vie commune. Aujourd’hui, Maurice est plein de la démence qui emporte Paris, un mal venu de loin, des ferments mauvais du dernier règne ; Jean, lui, est resté fort de son bon sens et de son ignorance, sain encore d’avoir poussé à part, dans la terre du travail et de l’épargne. Un arrachement sépare brusquement les deux hommes. Et l’abomination s’accomplit. Maurice, le fils détraqué de la bourgeoisie, meurt sur une barricade, des mains de Jean choisi par l’inexorable destin pour accomplir l’holocauste, pour abattre ce membre gâté, dont l’amputation est devenue nécessaire. L’heureuse vie que Jean avait entrevue s’en va avec le flot de sang qui emporte le frère d’Henriette. Désormais, l’œuvre de destruction est achevée, Jean se remet en marche, retournant à la terre qui l’attend, à la grande et rude besogne de toute une France à refaire.
(La Débâcle)

Licencié après la semaine sanglante, Jean est venu se fixer près de Plassans, à Valqueyras, où il a eu la chance d’épouser une forte fille, Mélanie Vial, unique enfant d’un paysan aisé, dont il fait valoir la terre. Calme et raisonnable, toujours à sa charrue, il crée rapidement toute une petite famille, un enfant d’abord, puis deux autres en trois années, toute une nichée qui pousse gaillardement au soleil.
(Le Docteur Pascal)

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