FICHE PERSONNAGE

« (Arsène) 46 ans ; mais déjà blanc, alourdi, le bras en écharpe, s’est fait écraser le bras par un omnibus. Avec cela, très bon caissier. – Compte l’argent avec rapidité. – Figure ronde, collier de barbes déjà gris ; les yeux pâles, la bouche molle et blanche, l’air bonasse. Absolument effacé par sa femme. À genoux devant elle, parce qu’elle gagne de l’argent. Même à genoux et respectueux devant son fils, parce qu’il vient d’elle. Mais d’une exactitude et d’une honnêteté strictes ; il n’a que cela pour lui. – Est arrivé à être caissier central par sa femme. – Il faut lui donner un vice : musicien enragé, mais silencieux. Joue du violon chez lui, et, comme cela ennuie sa femme, a enveloppé son violon de drap. Va à tous les concerts, à toutes les auditions du dimanche. Et s’est fait là-dedans comme une solitude. Ça et l’argent de sa caisse.

Fils d’un percepteur qui est resté trente ans à Chablis, qui s’y est retiré, et qui y est mort. Lui est venu à Paris, comme commis aux écritures chez un marchand de vins du Port au vins. Et il est parti de là. C’est là qu’il a épousé Aurélie. Demeurait rue Cuvier où le père d’Aurélie était concierge. »

Documents préparatoires du Bonheur des Dames, NAF 10278, f° 128-129.

BIOGRAPHIE

Caissier principal. du Bonheur des Dames. Mari de madame Aurélie, la première des confections, qui l’a fait entrer dans la maison. Déjà tout blanc, alourdi par son service sédentaire, Lhomme a une figure molle, effacée, comme usée par le reflet de l’argent qu’il compte sans relâche. Il a eu le bras droit coupé par un omnibus ; cette mutilation ne le gène nullement dans sa besogne et l’on va même par curiosité le voir, vérifier la recette, tellement les billets et les pièces glissent rapidement dans sa main gauche, la seule qui lui reste.

Fils d’un propriétaire de Chablis, il est tombé à Paris comme employé aux écritures, chez un négociant du Port aux Vins ; puis, demeurant rue Cuvier, il a épousé la fille de son concierge et. depuis ce jour, il est resté soumis devant sa femme, dont les facultés commerciales le frappent de respect. Son seul vice est la musique, un vice secret qu’il satisfait solitairement, courant les théâtres, les concerts, les auditions ; malgré son bras amputé, il joue du cor, grâce à un système ingénieux de pinces, et, comme madame Aurélie déteste le bruit, il enveloppe de drap son instrument, le soir, ravi quand même jusqu’à l’extase par les sons étrangement sourds qu’il en tire. La musique et l’argent de sa caisse, il ne connaît rien d’autre. Mouret mettra le comble à son bonheur en lui confiant la direction d’un corps de musique, cent vingt musiciens recrutés dans le personnel. Baudu cite Lhomme, sa femme et son fils, comme un exemple de la destruction des familles par les grands bazars. Employés tous trois au Bonheur des Dames, ce sont des gens sans intérieur, toujours dehors, ne mangeant chez eux que le dimanche, lorsque chacun ne tire pas de son côté, une vie d’hôtel et de table d’hôte, qui indigne le familial Baudu.

(Au Bonheur des Dames)

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