FICHE PERSONNAGE
« Jérôme Levaque. 40 ans, à peu près le même âge que Maheu. Plus grand, plus sec, mangé d’anémie, un pierrot sec, aux gestes cassés. Tout rasé, pas un poil de barbe, les cheveux très rares, jaunes toujours. Un grand nez courbé, des lèvres minces, un menton tranchant, carré, des joues creuses, des yeux gris. Maigre, noueux, les extrémités grosses, osseuses.
Au moral, plus vicieux que Maheu, courant encore les filles, les cafés chantant, les jours de paie, et se grise assez souvent. – D’une moralité douteuse enfin. – Plus braillard aussi, plus révolté, moins bon ouvrier. Les idées violentes ont plus de prise sur lui, il se jette tout de suite dans le mouvement révolutionnaire, par tempérament. Enchanté au fond de ne rien faire, court les marchands de vin pendant la grève. – Moins homme d’intérieur, s’occupe peu de sa maison, allonge quelquefois une gifle à sa femme, lorsqu’il est ivre, et qu’elle l’ennuie. Tolère l’amant chez lui du reste, sans paraître s’en apercevoir ; et si on lui jette sa complaisance à la figure, répond que ça le regarde, qu’il sait mieux que les autres ce qui se passe chez lui. Très bon camarade avec l’amant, qu’il plaisante et traite avec mépris parce qu’il n’est pas piqueur à la veine et qu’il est raisonnable.
Ne sait ni lire ni écrire. »
Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f° 32-33.
BIOGRAPHIE
Voisin des Maheu. Les constructions du coron, installées économiquement par la Compagnie, sont si minces que les moindres souffles les traversent ; on y vit coude à coude, d’un bout à l’autre ; rien de la vie intime n’y reste caché, même aux gamins, et les Maheu entendent le manège des Levaque et de leur logeur Bouteloup. Celui-ci est un ouvrier de la coupe à terre, tandis que Levaque est un haveur ; la femme a ainsi deux hommes, l’un de nuit, l’autre de jour. Levaque boit, il bat sa femme quand la soupe n’est pas prête, et court les chanteuses du Volcan, café-concert de Montsou. Il trouve naturel que la Levaque couche avec Bouteloup, car cela entre dans le prix de la pension et les bons comptes font les bons amis. Pendant la grève, il se distingue parmi les exaltés, il donne de violents coups de hache dans le matériel de la Compagnie. Après l’émeute de Montsou, on lui rend son livret. Son arrestation par la troupe, devant la fosse du Voreux, fait de lui une sorte de héros ; les journaux de Paris citent son attitude devant le juge d’instruction, on lui prête une réponse d’une grandeur antique.
(Germinal)