FICHE PERSONNAGE
« A eu Gervaise quand il avait dix-huit ans – L’emmène à Paris, à 26 ans, en 1850. – Un beau garçon, petit, très brun, méridional ; un Coupin [ami de jeunesse de Zola] en joli, petites moustaches et impériales noires, portant crânement un feutre mou. Blagueur, amoureux, très sympathique tant qu’il est jeune. Passionné pour les femmes, un pistachier. Il faut que je fasse là une étude d’un provençal tel que je les connais, sans rien oublier : la tache d’huile. De la sournoiserie, de la brutalité, tout. Quand il reparaît en 1858, il a trente-quatre ans. Il s’est un peu épaissi. Alors il est l’ouvrier en paletot (sans un sou d’ailleurs) très républicain, très avancé qui se pique le nez proprement, parle politique, lit les journaux, achète des livres. Il a été patron un moment, mais s’est coulé ; ce qui parfois l’entraîne à dire du mal des ouvriers. Très paresseux, affectant des airs supérieurs, se faisant entretenir. L’ouvrier de province ne pouvant tenir le coup du travail à Paris. Très capable de se faire entretenir. Ayant des maîtresses dans le quartier Breda, des restants. Racontant ses prouesses de travail. Débauchant Coupeau. L’ouvrier sous le paletot. Enfin tout le portrait. »
Documents préparatoires de L’Assommoir, NAF 10271, f° 125-126.
BIOGRAPHIE
Né en 1824. Ouvrier tanneur à Plassans. Devient à dix-huit ans l’amant de Gervaise Macquart et a d’elle trois enfants, Claude, Jacques, Étienne, qui sont recueillis par madame Lantier mère. Quand celle-ci meurt, il emmène Gervaise à Paris avec deux des enfants. (La Fortune des Rougon)
C’est un garçon de vingt-six ans, petit, très brun, d’une jolie figure, avec de menues moustaches, qu’il frise toujours d’un mouvement machinal de la main. Il porte une cotte d’ouvrier, une vieille redingote tachée qu’il pince à la taille ; il a, en parlant, un accent provençal très accentué. Sa mère lui avait laissé un petit héritage de dix sept cents francs. Il mange cet argent en deux mois, au lieu de s’établir comme il l’avait promis. Le ménage, descendu d’abord à l’hôtel Montmartre, rue Montmartre, se réfugie à l’hôtel Boncœur, barrière des Poissonniers, où, quinze jours après, toutes les ressources étant épuisées, Lantier délaisse Gervaise et les enfants. Il est allé se fixer à la Glacière, avec une brunisseuse, la petite Adèle, et il vit à ses crochets, la battant quand elle ne marche pas droit. Pendant sept ans, on ne le revoit pas et, brusquement, il reparaît à la Chapelle, on l’aperçoit autour de la boutique de Gervaise, ramené sans doute par la grande Virginie. Coupeau, déjà alcoolique, fait de lui son ami et l’introduit à la maison.
À cette époque, Lantier s’est épaissi, il est gras et rond, les jambes et les bras lourds, à cause de sa petite taille ; mais sa figure garde de jolis traits, sous la bouffissure d’une vie de fainéantise et, comme il soigne beaucoup ses moustaches, on ne lui donne pas plus que son âge. Il porte un pantalon gris, un paletot gros bleu et un chapeau rond. Si on l’en croit, il a dirigé longtemps une fabrique de chapeaux et s’est retiré parce que son associé mangeait la maison avec des femmes. Aussi se donne-t-il des allures de patron, sans cesse sur le point de conclure des affaires superbes, mais en réalité, il ne fait rien.
Sa grande préoccupation est de s’insinuer dans le ménage des Coupeau où il va bientôt faire la loi, prenant possession de la maison, ne donnant plus un sou, empruntant même de l’argent à la femme pour faire la noce avec le mari. Toujours poli, beau parleur et de bonnes manières, il a commencé par conquérir le quartier, il a même séduit les Lorilleux.
À présent, il désigne lui-même les fournisseurs, exige qu’on respecte son goût de Provençal pour la cuisine à l’huile, joue le rôle de grand arbitre dans la famille, se charge de l’éducation de Nana, et, finalement, redevient l’amant de Gervaise qu’il mène au doigt et à l’œil. Lorsque, plus tard, il flaire la panne, il tourne ses batteries vers les Poisson, amène Virginie à reprendre la boutique des Coupeau, règne entre la petite blonde et la grande brune, se bourre de sucreries et nettoie tranquillement le petit commerce de Virginie comme il avait nettoyé celui de Gervaise. Il tourne alors autour de la fille du restaurant d’à côté, une femme magnifique, qui a parlé de s’établir tripière.
(L’Assommoir)