FICHE PERSONNAGE
« Blanche Hennebeau. Trente neuf ans, encore belle, une blonde qui a seulement grossi, avec une beauté de Cérès. Elle est grande, bien faite, un peu débordante avec une figure calme et souriante, des épaules encore superbes, et d’allure maternelle. Au moral, élevée dans le respect de l’argent, dédaigneuse de son mari qui n’en a pas gagné autant qu’elle l’espérait, et facile, emportée par une sensualité de gourmande, ayant pris des amants, en provinciale affamée des élégances et des facilités de Paris. J’en laisse supposer plusieurs. Fille d’industriel très riche, d’un filateur, elle a épousé Hennebeau lorsqu’il était ingénieur à Douai ; de là, elle l’a suivi dans deux autres villes, puis a habité Paris, où elle se croyait bien fixée ; mais là elle a eu un grand chagrin, quittée par un amant qu’elle adorait, un auditeur au Conseil d’État qui s’est marié ; et elle a consenti alors à s’exiler à Montsou, où elle est depuis trois ans. Ses attitudes de femme entrée au couvent, revenue de tout, maternelle, parlant de son âge, se regardant avec effroi. – Et son ennui mortel dans ce plat pays. – Puis voir si je la fais coucher avec Négrel. Oui, mais elle ne veut pas lui nuire, elle entend le marier tout de suite, bien que couchant avec lui. C’est pour se distraire ; elle lui dit qu’elle n’a plus de cœur, qu’elle n’est que son amie. Et le joujou pourtant. – Tout cela à un plan assez reculé. – Quand le mariage rate, elle en cherche immédiatement un autre.
Trouve cette grève gênante, ridicule, ennuyeuse. Déclare ne rien comprendre aux affaires, fait l’étonnée à chaque détail qu’on lui donne, croyait que les ouvriers étaient très heureux, les montre seulement comme une curiosité quand il lui vient des connaissances, a pour ces occasions une leçon faite, puis avoue naïvement qu’elle n’en sait pas davantage. Ses étonnements continus pendant la grève. Son ennui des réceptions interrompues, des toilettes qu’elle ne doit pas mettre, des bonnes qu’elle ne peut pas envoyer à Marchiennes en voiture. Pendant la peur, finit par se fâcher. À la fin, se calme et espère bien que ça ne recommencera plus. Ses souvenirs sur la filature de son père, comment les choses s’y passaient avec les ouvriers. »
Documents préparatoires de Germinal, NAF 10308, f° 61-63.
BIOGRAPHIE
Femme du directeur des mines de Montsou. C’est la fille d’un riche filateur d’Arras. Élevée dans le respect de l’argent, elle méprise ce mari qui, dans les premières années, gagnait des appointements médiocres et dont elle n’a tiré aucune des satisfactions vaniteuses, rêvées en pension. D’une sensualité de blonde gourmande, mais froide avec son mari, elle a eu des amants ; les dix ans qu’elle a passés à Paris ont été emplis par une grande passion, une liaison publique avec un homme, dont l’abandon a failli la tuer. À Montsou, elle tombe en une langueur d’ennui et se fait consoler par le neveu de son mari, l’ingénieur Paul Négrel, à qui elle se livre et qu’elle s’amuse à vouloir marier ; dans ses rapports avec lui, elle ne voit qu’un joujou de récréation, elle y met ses tendresses dernières de femme oisive et finie.
Madame Hennebeau est une grande personne blonde, un peu alourdie dans la maturité superbe de la quarantaine. Elle s’étonne toujours en entendant parler de la misère des mineurs ; est-ce qu’ils ne sont pas très heureux, des gens logés, chauffés, soignés aux frais de la Compagnie. Dans son indifférence pour ce troupeau, elle ne sait de lui que la leçon apprise, dont elle émerveille les Parisiens en visite dans les corons, et elle a fini par y croire. Pendant l’émeute de Montsou qui gêne l’arrivée de victuailles attendues, elle s’exaspère contre ces sales ouvriers qui, pour se révolter, choisissent un jour où elle a du monde.
(Germinal)