FICHE PERSONNAGE

« Cinquante-cinq ans. – Une petite femme toute blanche, cheveux et visage, mangée d’anémie. Les lèvres blanches, les yeux blancs. Allant toujours par la force d’impulsion, comme une machine montée : s’éteindra le jour où elle s’arrêtera. Pas d’éclat contre le Bonheur. Toutes les fois qu’elle regarde le magasin d’en face, ses yeux s’emplissent de larmes. Une douleur profonde et muette. Il faut qu’elle s’éteigne à la fin, les yeux sur le Bonheur, avec le souvenir de son père Labaume, dont le magasin autrefois était plus prospère que le Bonheur. Un type à créer, avec cette femme privée de sang, par le milieu et l’éducation, muette et active, frappée au cœur et mourant. – Il est de tradition dans la famille que la femme plie devant l’époux. Tout le vieux commerce.

Son père, Hauchecorne, était venu de Rambouillet, comme Baudu vint de Valognes et il avait épousé sa mère, Désirée Finet, la fille du fondateur du magasin, Aristide Finet, qui l’avait fondé en 1778. L’enseigne du magasin à trouver. »

Documents préparatoires du Bonheur des Dames, NAF 10278, f° 151-152.

BIOGRAPHIE

Petite-fille d’Aristide Finet. Fille unique des Hauchecorne. Son père l’a mariée au premier commis Baudu, qui, en même temps, reprenait la maison. Élisabeth est née, a grandi et vécu au Vieil Elbeuf, qui existe depuis plus de soixante ans et qui n’a pas bougé, alors qu’en face, de l’autre côté de la rue, le Bonheur des Dames, d’abord insignifiante boutique, s’agrandissait peu à peu et en arrivait à envahir le quartier. C’est une petite femme mangée d’anémie, toute blanche, les cheveux blancs, les yeux blancs, les lèvres blanches. Elle aime jusqu’aux pierres humides de son magasin, elle ne vit que pour lui et par lui. Mais, autrefois glorieuse de cette maison, la plus forte, la plus richement achalandée du quartier et peu à peu écrasée par les grands magasins, elle se meurt de l’humiliation du Vieil Elbeuf ; si elle vit encore, ainsi que lui, par la force de l’impulsion, elle sent bien que l’agonie de la boutique sera la sienne et qu’elle n’aura qu’à s’éteindre le jour où la maison fermera. Après la mort de sa fille Geneviève, première victime du colosse, elle vit dans une stupeur blême ; le Bonheur des Dames lui a tout pris, sa maison, sa fille. Elle meurt deux mois après Geneviève, s’en allant avec le Vieil Elbeuf clos désormais ; elle a perdu de sa vie à mesure qu’il perdait de sa clientèle.

(Au Bonheur des Dames)

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