FICHE PERSONNAGE

« 50 ans en 59, 61 en 70. Un homme petit, replet, tout rond, avec le cou court, la nuque large et hâlée, la tête rejetée en arrière par cette enflure du cou. Face large et apoplectique, bouche grande, petit nez, yeux petits et gris, cheveux roux grisonnants. La voix forte et brusque. Tenue un peu débraillée, soutane toujours tachée.

Le trait distinctif, la colère, s’emporte continuellement contre ses paroissiens, est en guerre ouverte avec le village. Mais au fond, brave homme, chaste, doux aux pauvres, donnant tout, très bon prêtre. Pas très intelligent, prêchant mal surtout, d’une façon à faire rire, avec un essoufflement, un bégaiement, d’argumentation, qui l’ont fait maintenir dans ce coin perdu, où il est depuis plus de trente ans. »

Documents préparatoires de La Terre, NAF 10329, f° 99-100.

BIOGRAPHIE

Curé de Bazoches-le-Doyen. Dessert l’ancienne paroisse de Rognes qui, plus importante autrefois et réduite aujourd’hui à une population de trois cents habitants à peine, n’a pas de curé depuis des années. Il fait chaque dimanche à pied les trois kilomètres qui séparent les deux communes. Gros et court, la nuque rouge, il a une face apoplectique où la graisse a noyé le petit nez camard et les petits yeux gris. Sa tête est embroussaillée d’épais cheveux roux grisonnants. L’éloquence est son côté faible ; au prône, les mots ne viennent pas, ce qui explique pourquoi monseigneur l’oublie depuis vingt-cinq ans dans sa petite cure.

À Rognes, l’abbé Godard s’en tient à son devoir strict ; de perpétuels scandales le découragent, aucune procession n’a lieu sans qu’une fille de la Vierge soit enceinte, le conseil municipal laisse tomber l’église en ruine, l’abbé se heurte à la parfaite indifférence de ses ouailles, qui ne craignent plus son Dieu de colère et de châtiment, rient à l’idée du diable et ont cessé de croire le vent, la grêle, la tempête aux mains d’un maître vengeur. Aussi ne décolère-t-il pas, surtout après l’échec de l’abbé Madeline, venu d’Auvergne pour tenir la cure, et tué par l’irréligion des paysans.

Mais le terrible grognon, toujours emporté dans un mouvement de violence, a beau être sûr que les damnés de Rognes iront rôtir en enfer, il ne veut pas les laisser trop souffrir dans cette vie. Il a la passion des misérables, leur donnant tout, son argent, son linge, ses habits, à ce point qu’on ne trouverait pas en Beauce un prêtre ayant une soutane plus rouge et plus reprisée.

(La Terre)

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