FICHE PERSONNAGE

« (L’oncle Fouchard). 60 ans. Un paysan qui a une petite maison et de petites terres, mais qui gagne surtout de l’argent à être boucher ambulant. Il tue dans sa remise des bœufs, des veaux, des moutons, des cochons, et va les vendre dans sa carriole à tous les habitant des villages voisins. Il vend meilleur marché que les bouchers ayant boutique, et il a ainsi une grande clientèle. Plus tard, il fera du commerce avec les Prussiens, en leur vendant toutes les bêtes crevées de la contrée.

Un vieillard grand et fort, robuste. Des cheveux blonds frisés, très drus. La face toujours rasée. La figure avec de grands plis. Le nez fort, le menton carré, volontaire. Des yeux gros et pâles, toujours en blouse et en casquette. La nuque hâlée, brûlée.

Comme caractère, très lent, très froid, très avare. Une réputation d’homme dur et adroit, tout au gain, capable de tout pour de l’argent. Le paysan tenant à la terre, doublé du trafiqueur, volant sur la marchandise. Il est caractérisé par son refus de vendre aux troupes françaises, et son commerce de voleur avec les Prussiens. « Est-ce que je ne suis pas patriote, puisque je les vole ? » Et il se vante des vaches crevées qu’il leur a vendues, et dont beaucoup sont morts. « J’en ai plus tué que vous autres à la baïonnette. »

Il s’est fâché avec son fils Honoré, à cause de Silvine, que celui-ci voulait épouser, et il faut qu’il soit pour quelque chose dans la faute de celle-ci. Il a refusé son consentement au mariage, tout en gardant la fille, qui lui rend des services. « Couche avec, si tu veux, mais tu ne l’épouseras pas. » Le fils, après une discussion terrible, où ils ont failli en venir aux coups, s’est engagé. Cela cinq ans avant la guerre. Et c’est après que Silvine a été prise presque de force par Goliath. Le père Fouchard l’a gardée, malgré sa grossesse, ou l’a reprise après ses couches. Et elle est toujours là, avec son enfant. Il la garde parce qu’elle travaille comme un cheval. »

Documents préparatoires de La Débâcle, NAF 10286, f° 72-74.

BIOGRAPHIE

Père d’Honoré. Oncle maternel d’Henriette et de Maurice Levasseur. Un paysan de Remilly, devenu boucher par besoin de lucre ; il promène sa viande dans vingt communes des environs. C’est un grand vieillard en blouse, à la rude chevelure blanche, à la face carrée, coupée de larges plis, au nez fort, aux yeux gros et pâles, au menton volontaire. D’une avarice noire, d’une impitoyable dureté, il s’est opposé au mariage d’Honoré avec la petite servante Silvine Morange, mais il a gardé tranquillement la fille, espérant à tort que tes jeunes gens se contenteraient ensemble, sans se marier. Après dix-huit mois de patience, Honoré a rompu avec son père et s’est engagé par un coup de tête. Fouchard a gardé la servante, dont il était content, et l’a vue, avec plaisir, séduite par Goliath Steinberg, ce qui avait l’avantage de terminer l’aventure.

À la veille du passage des troupes françaises, en marche vers Sedan, Fouchard a fait disparaître son bétail, les quelques animaux à son service, ainsi que les bêtes réservées à sa boucherie, les cachant au fond de quelque carrière abandonnée ; il a passé des heures à tout enfouir chez lui, le vin, le pain, les moindres provisions, jusqu’il la farine et au sel ; et il refuse de donner même un verre d’eau aux soldats français, préférant attendre de meilleures occasions ; de vagues idées de commerce se sont ébauchées dans son crâne de vieillard patient et rusé. La mort de son fils, tué au calvaire d’Illy, lui arrache quelques larmes, mais il se console vite en traitant de bonnes affaires ; il achète pour quarante-cinq francs trois chevaux d’officiers, volés sur le champ de bataille ; il accepte Prosper Sambuc comme garçon de ferme, parce que le soldat, échappé à la captivité, ne lui coûtera pas de gages.

Tandis que râle le pays entier, saigné aux quatre membres, Fouchard trouve le moyen d’élargir tellement son commerce de boucher en détail qu’il abat à cette heure le triple et le quadruple de bêtes ; il a fait des marchés superbes avec l’ennemi, haussant les épaules devant le muet reproche des voisins, disant que c’est son patriotisme, à lui, de ne pas donner gratis, aux Prussiens, de la nourriture par-dessus la tête. Et ce paysan goguenard estime qu’il en a plus tué avec ses vaches malades que bien des soldats avec leur chassepot. Les francs-tireurs des bois de Dieulet, Guillaume Sambuc, Cabasse, Ducat, sont ses pourvoyeurs de bêtes crevées. Un instant soupçonné d’avoir participé à l’exécution de Goliath Steinberg, il a été arrêté, mais on le relâche peu après, grâce à l’intervention du capitaine de Gartlauben, ami des Delaberche. Fouchard, d’ailleurs, commence à en avoir assez des Prussiens, qui maintenant le chicanent sur la qualité de ses fournitures. Gros monsieur désormais, il ne montrera son magot qu’à la fin de la guerre.

(La Débâcle)

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