FICHE PERSONNAGE
« 18 ans. Une grande fille forte, blonde, d’une beauté rude et puissante. À 18 ans, très formée déjà, gros bras, hanches solides, buste large, gorge ronde. Une statue antique, sous ses vêtements lâches (éviter mes autres types de la Trouille, de Lydie, etc.) Donc puissante et pas jolie, mais belle, à caractère. Les traits accusés, front bas avec sa toison blonde crépue, toute frisée. Le nez fort, la bouche épaisse, les joues à grands [illisible]. Yeux gris, très beaux. – Elle fait le travail d’un homme.
Au moral, je la voudrais un peu sombre et farouche, silencieuse surtout, rêveuse, aimant la solitude. Pas d’amant, vierge, d’une sagesse guerrière : elle a roué de coups un piqueur, qui la voulait prendre. (Le contraire de la Trouille). On la connaît bien pour cela, elle semble avoir le mépris et le dégoût de l’homme. Fière, dédaigneuse, guerrière, n’en faisant qu’à sa tête. Beaucoup de travail, promenade solitaires, occupations d’homme, chasser peut-être, pêche, bains toute nue dans un ruisseau voisin, et raclée à un gamin de 20 ans qui la vient surprendre. Une légende déjà autour d’elle. »
Documents préparatoires de La Bête humaine, NAF 10274, f° 553-554.
BIOGRAPHIE
La fille aînée de madame Misard (tante Phasie). Quand sa mère est devenue impotente, elle l’a remplacée comme garde-barrière, à la Croix-de-Maufras. C’est une grande fille de dix-huit ans, blonde, forte, à la bouche épaisse, aux grands yeux verdâtres, au front bas, sous de lourds cheveux. Les hanches solides, les bras durs d’un garçon, elle n’est point jolie, mais de tout son être robuste et souple, monte une sauvage énergie de volonté. On cite d’elle des traits de dévouement, des sauvetages, de rudes besognes accomplies sans effort ; dédaigneuse du mâle, ayant presque assommé l’aiguilleur Ozil, qui essayait de la prendre, elle est vierge et guerrière. On lui croit la tête dérangée.
Lorsqu’elle était toute petite, violente et volontaire déjà, c’est Jacques Lantier qu’elle aimait, et maintenant, c’est à lui seul qu’elle veut se donner. Mais il la refuse et bientôt, elle lui connaît une autre maîtresse, Séverine Roubaud. Convaincue de son bon droit à être aimée, puisqu’elle est plus forte et plus belle que l’autre, cette sauvagesse est torturée de jalousie, elle déborde d’une rancune meurtrière et, comme il lui faut subir, chaque vendredi, l’abominable vision de l’express emmenant les deux amants vers Paris, un impérieux besoin naît en elle de culbuter tout, de tuer ces gens pour qu’ils ne passent plus, pour qu’ils n’aillent plus là-bas ensemble. Mais c’est en vain qu’elle provoque une affreuse catastrophe, elle massacre inutilement une foule d’inconnus ; Séverine et Jacques sont saufs, elle a tué pour rien. La pensée que Jacques a surpris le crime, que jamais il ne pardonnera, qu’il aura pour elle la répulsion terrifiée qu’on a pour les monstres, lui rend tout à coup la vie odieuse. Et pour mourir, elle entreprend une marche d’obstination héroïque, sous le tunnel de Malaunay, au-devant d’un train lancé à toute vitesse.
(La Bête humaine)