FICHE PERSONNAGE
« Les Faujas. Famille de paysans du Doubs. Francs-Comtois, durs, avaricieux, sournois et malicieux. Ils sont de Geneuille (10 kil. De Besançon). Ovide Faujas est arrivé vicaire dans une paroisse de Besançon. Il s’y est compromis dans une affaire de lutte, il a presque assommé son curé d’un coup de poing. […] Le portrait physique de Faujas : grand, fort, figure à larges traits, grande bouche, teint terreux, cheveux courts, grisonnant déjà ; un grand calme, et un sourire bon, quand il veut ; il respire la force avant tout. De grosses mains bien faites. »
Documents préparatoires de La Conquête de Plassans, NAF 10280, f°35.
« Montrer [les Faujas] tous les deux en bataille ouverte, tombant chez les Mouret, comme dans un trou, où ils vont tout ronger ».
Documents préparatoires de La Conquête de Plassans, NAF 10280, f° 21.
BIOGRAPHIE
Prêtre ambitieux, intrigant et brutal, renvoyé du diocèse de Besançon où il s’est rendu impossible. Réfugié à Paris dans un hôtel garni, l’abbé Faujas a offert ses services au ministre qui cherchait justement des prêtres dévoués et qui, pressentant une force dans ce grand corps à la mine noire, l’a envoyé faire ses preuves à Plassans, ville passée à l’opposition royaliste et que le gouvernement veut reconquérir. Faujas est un homme grand et fort, face carrée, traits larges, teint terreux, crâne rude de soldat. Il a le regard clair, des yeux d’un gris morne qui s’allument parfois d’une flamme, une voix grave d’une grande douceur dans la chute des phrases.
Nommé vicaire à Plassans, il y arrive en 1858, sentant la misère noire, vêtu d’une vieille soutane râpée ; il s’installe dans la maison de François Mouret, où il a loué au second étage deux chambres vides, que sa mère, amenée par lui, garnit avec quelques vieux meubles achetés chez un revendeur. D’une sobriété et d’une continence absolues, convaincu que les hommes chastes sont les seuls forts, méprisant le monde, tout à son ambition, il se donne d’abord l’allure insignifiante d’un prêtre sans moyens, sans arrière-pensée aucune, il se tient à l’écart, refuse toutes les avances, mais sourdement, patiemment, se renseigne sur Plassans, sur les groupes qui s’y disputent l’influence politique ; il utilise les bavardages de François et les complaisances de l’abbé Bourrette, il prend pied chez Félicité Rougon qui a été avisée de sa mission secrète et qui lui donne d’utiles conseils. Faujas développe son œuvre, s’emparant de l’esprit de Marthe Mouret, dont il fera sa chose, poussant Serge vers la prêtrise, créant sans se mettre en avant l’Œuvre de la Vierge qui va lui concilier les femmes, et le Cercle de la Jeunesse qui ralliera les jeunes gens, circonvenant monseigneur Rousselot qui jusque-là était dominé par l’ultramontain Fenil. Il remporte un premier succès par sa nomination à la cure de Saint-Saturnin. L’adoration de Marthe, la faiblesse de Mouret ont fini par lui livrer la maison ; il y a installé les Trouche, terribles parents qu’il n’ose rudoyer et qu’il emploie habilement à de basses besognes.
Peu à peu, il gagne toute la ville, unissant autour de lui les sociétés rivales, utilisant les services de madame de Condamin, agissant par Trouche sur les faubourgs, il devient second vicaire général et finit par tenir l’opinion dans sa main ; quand vient l’heure des élections, son candidat Delangre est élu à une énorme majorité ; l’Empire a reconquis Plassans Mais l’abbé Faujas a la victoire rude, il revient aux brutalités de sa nature, laissant tomber le masque de douceur que Félicité Rougon lui avait attaché. Exaspéré des poursuites passionnées de Marthe Mouret, il la rudoie si terriblement qu’elle court aux Tulettes où son mari est enfermé, et cette démarche provoque l’affreuse tragédie où Faujas va trouver la mort.
(La Conquête de Plassans)