FICHE PERSONNAGE

« 35 ans, n’en avoue que 29. Fille d’un conseiller d’État. Mort. Très jolie brune, un peu forte. Petit nez, petite bouche, petites oreilles rondes. Gaie et vivante. Très lancée, très élégante, de la haute bourgeoisie : soirées, expositions, courses, tout Paris. Se fait habiller chez les grands couturiers, suit le mode, etc.

A été mariée à un homme de Bourse, mort jeune. Elle est riche. C’est comme sa vertu, elle est du monde, n’a rien fait pour en sortir, est légitimement veuve, reçue partout ; pourtant, elle peut très bien avoir des amants. – Ne s’affiche jamais en tout cas. En un mot, une femme habile qui sauve toutes les apparences, qui reste légalement honnête, et qui se donne par plaisir et intérêt, quand elle le juge bon. A été la maîtresse du baron Hartmann, maîtresse d’Octave, maîtresse d’autres. – Tout un type de parisienne adroite, travaillant avec des grâces de chatte pour son plaisir et sa fortune. Mais bien marquer qu’elle reste dans son monde, que son honnêteté n’est jamais mise en doute ouvertement.

Elle demeure rue de Rivoli dans un bel appartement, ouvrant sur le jardin des Tuileries. – Troisième étage. Grand salon. C’est là qu’elle reçoit, et donne du thé de quatre à six, tous les samedis. On trouve chez elle toute une réunion de femmes et d’hommes. On prétend même qu’il s’y fait des liaisons. Mais c’est une calomnie : seules.

Elle est le type de la femme élégante qui ne prend que certaines choses au Bonheur des Dames. Elle aime réellement Octave. – Étude de jalousie. Capricieuse d’ailleurs. Bien marquer sa situation avec le baron Hartmann. »

Documents préparatoires du Bonheur des Dames, NAF 10278, f° 163.

BIOGRAPHIE

Fille d’un conseiller d’État. A été mariée à un homme de Bourse, qui utilisait la précieuse amitié du financier Hartmann. Henriette a été reconnaissante au baron, du vivant même de Desforges et, lorsqu’elle est devenue veuve, la liaison a continué mais toujours discrètement, sans une imprudence, sans un éclat. Jamais madame Desforges ne s’affiche, on la reçoit partout dans la haute bourgeoisie où elle est née. Même lorsque la passion du banquier ne lui suffit plus, et que le baron se borne paternellement à commanditer ses amis, elle apporte dans ses coups de cœur une mesure et un tact si délicats, une science du monde si adroitement appliquée, que les apparences restent sauves et que personne ne se permettrait de mettre tout haut son honnêteté en doute.

C’est une brune un peu forte, avec de grands yeux jaloux, très élégante. Elle habite rue de Rivoli, au coin de la rue d’Alger, et reçoit beaucoup. Goûtant un plaisir de veuve à marier les gens, il lui arrive, après avoir pourvu les filles, de laisser les pères choisir des amies dans sa société, cela naturellement, en toute bonne grâce, sans que le monde y trouve jamais matière à scandale. C’est dans son salon qu’est née la liaison de madame Guibal avec le comte de Boves. Madame Desforges est la maîtresse d’Octave Mouret ; elle s’est donnée à lui, comme emportée dans le brusque amour dont il l’attaquait ; elle l’adore avec la violence d’une femme de trente-cinq ans déjà, qui n’en avoue que vingt-neuf, désespérée de le sentir plus jeune, tremblant de le perdre. Une indiscrétion de Bouthemont la rend jalouse de Denise Baudu, elle s’aveugle au point de vouloir ramener Octave en humiliant la jeune fille, mais, prise à son propre piège, il ne lui reste, pour tirer vengeance, qu’à faire commanditer Bouthemont par Hartmann, comme Hartmann avait déjà commandité Mouret.

(Au Bonheur des Dames)

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