FICHE PERSONNAGE

« Même âge que Lantier, 26 ans en 1850. Le plus jeune d’une famille : madame Lorilleux, 30 ans en 1850, et madame veuve Lerat. Sceptique, gouailleur en politique, s’en moque, pas d’opinions. Prendre pour type l’ouvrier parisien. De taille moyenne, châtain, la mâchoire inférieure un peu proéminente, le nez écrasé, le front petit, agréable quand il est jeune, gouailleur, noceur, d’un toupet infernal, pas méchant diable, chantant, gai, rigolo, – puis très vite déformé par le métier, s’encanaillant rapidement, devenant malpropre et de propos obscènes, défiguré par l’ivresse, s’abêtissant, lourd, perdant sa gaieté, se noyant dans le vin. – Tout ce type est celui-ci : une existence d’ouvrier, 19 ans, de 1850 à 1869, roulant à l’ivresse, peu à peu perdu par le milieu, descendant en compagnie de Gervaise, ou plutôt entrainant celle-ci. Une décadence d’homme. Le montrer gentil, généreux, bon ouvrier, dès le début ; puis, en 19 ans, en faire un monstre au physique et au moral, par une pente à expliquer. Étudier l’effet du milieu sur lui. Comme caractère, je dois faire de lui le pendant de Gervaise, mais avec des lâchetés en plus. C’est toujours lui qui descend un degré avant elle et qui la pousse. Plus vicieux, moins fort, ébranlé par toute une ascendance de parents alcoolisés ; elle aussi, d’ailleurs. – Maintenant, il faut qu’il soit poussé par sa famille, les Lorilleux, jaloux des premiers succès de Gervaise. – Madame Lerat pousse de son côté Gervaise à mal faire, elle couvre ses fautes et lui sert de paravent, par un goût particulier pour l’ordure. Il est de famille ouvrière – Son père était couvreur et s’est tué en tombant d’un toit un jour d’ivresse. Il est né dans la rue où je mettrai mon action. »

Documents préparatoires de L’Assommoir, NAF 10271, f°127-128.

BIOGRAPHIE

Né en 1824 à Paris, 22, rue de la Goutte-d’Or. Fils de maman Coupeau, frère de madame Lerat et de madame Lorilleux. Mari de Gervaise Macquart. Père d’Anna Coupeau, dite Nana. Ouvrier zingueur. À vingt-six ans, c’est un garçon très propre, à la mâchoire inférieure saillante, au nez légèrement écrasé, il a de beaux yeux marrons, la face d’un chien joyeux et bon enfant. Sa grosse chevelure frisée se tient tout debout. De caractère faible, tremblant devant les Lorilleux, il vit sans se soucier de l’avenir, il a une drôlerie gouailleuse d’ouvrier parisien, c’est un bon sujet, très sobre, on le surnomme Cadet-Cassis parce qu’il prend généralement du cassis, quand les camarades le mènent de force chez le marchand de vin. Son père, ouvrier zingueur comme lui, s’est écrabouillé la tête un jour de ribotte en tombant de la gouttière du n° 25 de la rue Coquenard et ce souvenir rend sage toute la famille.

Coupeau habite à l’hôtel Boncœur. II y rencontre Gervaise Macquart, qui vient d’être abandonnée par Lantier ; il en ferait bien sa maîtresse, mais comme elle refuse, il l’épouse. Le ménage travaille courageusement pendant quatre ans, le mari ne se dérangeant pas, rapportant ses quinzaines ; une fille est venue, Anna ; on a mis six cents francs de côté, Gervaise va s’établir, lorsqu’un malheur survient : Coupeau tombe du toit d’une maison de trois étages, rue de la Nation. Sa convalescence dure quatre longs mois ; la paresse l’a envahi, il a même refusé d’apprendre à lire pendant les interminables journées où il restait étendu, à ne rien faire. Très vexé de sa chute, il s’indigne contre cet accident qui n’aurait pas dû arriver à un homme à jeun, il a une rancune sourde contre le travail, trouve une joie à ne rien faire, va blaguer les camarades au chantier et se met à boire.

Gervaise a pu s’établir en empruntant de l’argent. Coupeau ne travaille plus que par à-coups ; il a commencé par ne prendre que du vin, il rentre éméché, puis les cuites s’accentuent, il vit dans un perpétuel mal de cheveux qui lui enlève toute énergie et le tient altéré, rôdant chez tous les marchands de vin du quartier. Les Lorilleux ont repris sur lui leur ancienne influence et désunissent sournoisement le ménage. Coupeau ne se gêne plus ; du vin il passe à l’eau-de-vie, il devient un fidèle client du père Colombe ; ce sont maintenant des ivresses blanches. La boisson l’a rendu tout à fait coulant sur le chapitre de la fidélité conjugale ; il a ramené Lantier chez lui, l’a réconcilié avec Gervaise et ce sont des noces à tout casser entre les deux hommes, une promiscuité où Coupeau achève de perdre toute dignité. Il ne touche plus aux outils, mange beaucoup, prospère dans l’alcool, il a engraissé, sa face d’ivrogne se culotte, ses cheveux maintenant poivre et sel, en coup de vent, flambent en brûlot, il lui faut sa pâtée matin et soir, il ne s’inquiète pas d’où elle lui tombe.

Coupeau assiste indifférent à la lente déchéance de sa femme ; il a pleuré comme un veau devant sa mère morte, mais rien ne peut plus le corriger, les ravages de l’alcool s’accentuent, il lui faut une chopine d’eau-de-vie par jour, son teint se plombe, ses mains se mettent à trembler. On l’a transporté à Lariboisière, pour une fluxion de poitrine ; on est obligé de l’envoyer à Sainte-Anne, il a le délire. Sept fois en trois ans, il subit cet internement chez les fous, ne sortant que pour voir Gervaise de plus en plus avachie, l’habituant à boire, la poussant à la prostitution, provoquant par ses grossièretés la fuite de Nana. C’est le relâchement complet, l’anéantissement de la famille. À cette époque, le poison achève son œuvre. Le corps du malheureux, imbibé d’alcool, commence à se ratatiner. Les joues creuses, les yeux dégoûtants, l’ancien zingueur passe courbé, vacillant, vieux comme les rues. Il est devenu sourd d’une oreille en quelques jours, sa vue baisse, puis ce sont des paralysies partielles. Âgé de quarante-quatre ans, Coupeau finit par mourir à l’asile Sainte-Anne, dans un dernier accès de folie alcoolique.

(L’Assommoir)

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