FICHE PERSONNAGE
« 26 ans. Un grand garçon châtain, avec des prétentions. Peintre en bâtiment, se donnant du chic artiste. Jouant le bel homme, avec un nez un peu fort, un front bas, un menton allongé.
Il est né à Belleville, affiche une intransigeance terrible. Le pervertisseur, le mauvais ouvrier qui dégoûte les autres du travail, le théoricien de cabaret, ne sachant rien et parlant quand même de tout, avec applications folles. Il affecte donc de savoir. »
Documents préparatoires de La Débâcle, NAF 10286, f° 113-114.
BIOGRAPHIE
Soldat au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Appartient à l’escouade du caporal Jean Macquart. C’est un peintre en bâtiments de Montmartre, furieux d’avoir été rappelé pour la guerre, son temps fini. Bel homme et révolutionnaire, flâneur et noceur, ayant mal digéré les bouts de discours entendus dans les réunions publiques, mêlant des âneries révoltantes aux grands principes d’égalité et de liberté, il endoctrine les camarades, les pousse à l’indiscipline, au mépris des chefs, et serait le maître indiscuté, si la crânerie de Jean ne le rendait sourdement respectueux.
Ce fainéant qui aime ses aises, donne le signal de l’abandon du sac et du fusil ; pendant la marche, il jette les vivres de l’escouade par paresse de les porter ; sur le plateau de Floing, devant l’ennemi, il déclare que lorsqu’on ne mange pas, on ne se bat pas. Le sergent Sapin ayant été grièvement blessé, il s’offre avec Loubet pour le transporter à l’ambulance volante et les deux hommes disparaissent du champ de bataille ; on ne les revoit que le soir, dans une auberge du Fond de Givonne, ivres et goguenards. Prisonnier à Iges, Chouleau trouve agréable de ne plus obéir à personne, de flâner à sa fantaisie ; dans la disette dont souffre le camp, il est d’un égoïsme sournois, volant ce qu’il peut, ne partageant pas avec ses camarades, et les poussant aux pires excès ; c’est lui qui passe un couteau à cette pauvre brute de Lapoulle, pour saigner Pache, coupable d’avoir dissimulé quelques provisions. Emmené en captivité, il s’évade de la colonne, près de Mouzon, et, sur le point d’être pris, se débarrasse des Prussiens qui la poursuivent, en leur jetant traîtreusement son camarade Loubet, entraîné par lui dans la bagarre.
Pendant la Commune, attaché à l’état-major d’un général fédéré qui ne se battait pas, Chouteau s’est installé an palais de la Légion d’honneur ; il y vit dans une bombance continuelle, s’allongeant avec ses bottes au milieu des grands lits somptueux, cassant les glaces à coups de revolver, pour rire, pendant que, chaque matin, sa maîtresse déménage, en voiture de gala, des objets volés. Le 23 mai, il préside à la destruction du palais et à l’incendie des maisons de la rue de Lille. Et pendant la sanglante répression, on le voit, place du Théâtre-Français, derrière les soldats de Versailles, sous l’honnête blouse blanche d’un ouvrier, assistant au massacre, avec des gestes approbateurs.
(La Débâcle)