FICHE PERSONNAGE

« 65 ans, retraité. Gros et court, figure très rouge, le type connu, raidi par le port de l’uniforme. De Marseille. Frère de madame Maugendre, qui est une Chave. Ne veut pas habiter le petit hôtel des Maugendre, bien que ceux-ci lui en aient fait la proposition. Tient à être libre. A des vies, dit-on. Mais très correct, bonne tenue. La retraite ne lui suffisant pas, et pour s’occuper, il joue petit jeu à la Bourse, sur le comptant. Gagne à coup sûr. C’est son exemple qui perd Maugendre, bien qu’il ne lui épargne pas les conseils. « Ne jouez pas, vous vous brûleriez. – Mais vous ? – Oh, moi c’est différent, je n’ai pas quinze mille francs de rente, sans jeu. Moi je joue pour vivre, et à coup sûr. Tandis que vous, vous allez vous laisser emballer. » Maugendre en effet le raille plus tard, de jouer petit jeu, veut l’entraîner vers le terme. Mais Chave résiste. Il continue son petit métier, et gagne toujours sa petite vie, pour ses petits vices. »

Documents préparatoires de L’Argent, NAF 10268, f° 331-332.

BIOGRAPHIE

Officier en retraite. Frère de madame Maugendre. Figure apoplectique, au cou raidi par l’usage du col de crin, un de ces types de petits joueurs au comptant qu’on est certain de rencontrer tous les jours, d’une heure à trois, autour de la Bourse, se livrant à un jeu de gagne-petit, emportant chaque fois un gain de quinze à vingt francs. Il ne joue point par goût, mais la pension du gouvernement le laisserait crever de faim et, de plus, il a des vices. Le capitaine Chave habite, rue Nollet, une seule pièce au fond d’un jardin, où se glissent des jupes, et les petits gains de Bourse passent en bonbons et en gâteaux pour ses bonnes amies. Pendant toute la période où la Banque Universelle affolait Paris, faisant et défaisant en deux heures des fortunes géantes, l’or pleuvant à pleins seaux parmi les coups de foudre, Chave a échappé à la fièvre générale. Alors que son beau-frère Maugendre courait à la ruine, il n’a pas une seule fois cessé de jouer un maigre jeu, satisfait d’emporter son petit bénéfice chaque soir, ainsi qu’un bon employé qui a bravement rempli sa journée. Et, au jour de la débâcle, avec une cruauté de joueur infime, il se réjouit de voir les gros spéculateurs se casser les reins.

(L’Argent)

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