FICHE PERSONNAGE

« Tous les contraires, chaste et volupt., bon et égoïste, lâche et courageux, travailleur et paresseux, menteur et véridique, sincère et comédien. Le moi moderne.

19 ans en 60, 35 ans en 76, il approche de la quarantaine. – Un grand garçon, plus grand que son père. Au début, l’air fort et intelligent ; se courbera un peu par la suite, la tête s’inclinant vers la terre, et paraitra absorbé, éteint. – Figure un peu longue, nez droit, front large, des moustaches qui s’indiquent à 19 ans. Châtain clair. Plus tard, il portera un instant toute sa barbe. Puis, il se fera raser.

Mais c’est surtout sur le caractère moral qu’il faut insister. Je veux en lui un émiettement par le pessimisme, j’en fais le malade du siècle, un malade de nos sciences commençantes. Sa haine de la souffrance, un tempérament nerveux que la vie détraque de plus en plus. La peur de la mort qui s’éveille un jour à 19 ans et qui revient de plus en plus dans les crises, de plus en plus aiguë. Mais surtout l’avortement de sa vie. […]

Il va d’avortement en avortement, d’abord enflammé, puis dégoûté ensuite, et déclarant ensuite avec un dégoût grandissant que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Schopenhauer et les autres. Il aura trempé dans la littérature, la politique. – Sa haine de la souffrance, venant de sa nature nerveuse. En somme très complexe, avec des contradictions, des tristesses véritables, venues de son être, et des rancunes contre ses avortements. – Il faut que dans ses deux amours, il soit le même homme, s’enflammant, puis se dégoûtant. – L’ennui est au fond, il faut que l’ennui domine à la fin. Pas assez savant pour croire au progrès, trop savant pour vivre tranquille. Son contraste avec Pauline. Faible au fond et avec un élan de vérité à la fin ; puis retombant. Mais montrer le contrecoup physique des idées pessimistes, l’abandon de soi, etc. Insister sur la désorganisation d’un être.

La lecture des philosophes, par raisonnement stoïcien, mais en pratique toujours emporté : le produit de plusieurs siècles de doute et de recherches. Malgré tout, pantelant, quand l’idée revient. »

Documents préparatoires de La Joie de vivre, NAF 10311, f° 235-238.

BIOGRAPHIE

Né à Caen. Fils des Chanteau. Filleul du banquier Thibaudier, dont il épouse la fille. Père du petit Paul. Avait quatorze ans lorsque ses parents ont quitté Caen pour se retirer à Bonneville. Est resté au lycée, qu’il quitte à dix-huit ans, avec son baccalauréat. Grand garçon, à front large, aux yeux très clairs, avec un fin duvet de barbe châtaine, qui encadre sa face longue. Lors de l’arrivée de sa cousine Pauline Quenu à Bonneville, il bat les falaises depuis huit mois, ne se décidant pas à choisir une occupation.

C’est un névrosé plein de l’ennui sceptique de toute sa génération, incapable de s’intéresser à la vie, se, laissant, au gré des suggestions extérieures, emballer tour à tour sur la musique, la médecine, la chimie, l’industrie et la littérature.

Plein d’enthousiasmes soudains, il se dégoûte devant les réalisations ; il voit trop grand mais il a, en même temps, le mépris de l’argent ; hanté d’une peur maladive de la mort, il est pourtant brave devant les agonies et se jette résolument dans un incendie pour sauver l’enfant d’une paysanne ; il a soigné avec le plus complet dévouement Pauline en danger de mort et il est incapable de rendre le moindre service a sa mère moribonde, qu’il aime tendrement. Lazare est un malade en qui se heurtent toutes les contradictions. Esprit fort, dégagé de toute croyance, il subit des superstitions ridicules ; doué d’une vive intelligence, il est inapte à toute décision, sa volonté est toujours vacillante. Après avoir accepté le mariage avec sa cousine, qu’il aime et qu’il a failli mettre à mal, il se laisse circonvenir par Louise Thibaudier, accepte passivement tous les sacrifices de Pauline, n’ayant que de courtes révoltes, puis, finalement, épouse Louise, qu’il s’est mis à désirer follement. Dix-huit mois après, encore une fois désillusionné, il est repris d’une passion charnelle pour sa cousine. Au fond, derrière ses emballements de jeunesse et la névrose dont il souffre, on retrouve, très vif, le profond égoïsme des parents.

Lazare a gaspillé l’argent de Pauline dans des tentatives industrielles, dans la construction d’une estacade qui doit sauver Bonneville des fureurs de la mer ; marié, il abandonne vite un emploi que son beau-père lui avait trouvé dans une compagnie d’assurances, et c’est alors la dot de Louise qu’il commence à éparpiller en des entreprises téméraires. Tout ayant échoué, il revient à Bonneville, plus impuissant que jamais, énervé par les récriminations de sa femme, en proie à une effroyable peur de mourir, qui lui enlève un peu plus chaque jour le goût et la force de vivre.
(La Joie de vivre)

Devenu veuf, il laisse son fils à Pauline Quenu et part en Amérique pour faire fortune.
(Le Docteur Pascal)

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