FICHE PERSONNAGE
« Âgé de 26 ans en 59 ; donc né en 33 ; et il aura 37 ans en 70. – Le plus jeune des trois enfants de Fouan. – Resté imberbe, avec des poils rares qu’il rase. – Tient de son père au physique et au moral. Mais avec des différences sensibles. Physiquement, de taille moyenne lui aussi, fort et les os gros. La face en avant, le bas surtout qui avance un mufle, le menton gras, les deux maxillaires proéminents et exagérés, avec une mâchoire puissante de carnivore. L’œil gai, qui trompe, et les mâchoires qui disent tout. Tout le caractère de la physionomie est là. C’est mon Bécu grand. Le front fuit, les tempes sont étroites, tout le haut de la tête est resserré, avec des yeux gris de bonhomie et de ruse. Le nez fort, écrasé à la racine. Cheveux courts, châtains.
Comme caractère : le premier abord bonhomme et gai. Puis de la malice et de la sournoiserie ; et au fond, la violence du père, l’entêtement, d’où lui vient son surnom. Il ne faut donc pas de la violence, de la brutalité seulement et continuelle ; mais un caractère plus compliqué, quoique simple. Le paysan tout entier, avec ses appétits au fond, l’amour de la terre qui est la caractéristique, l’intérêt, l’avarice, la luxure et l’ivrognerie, mais tout cela pas du premier coup. D’abord bonhomme, puis rusant, puis terrible quand il se découvre. Et revenant à sa comédie du bon homme, quand il est vaincu ; et en arrière, féroce. Tout ce caractère doit le mouvementer.
Il aura tiré un bon numéro, n’aura pas servi, n’aura pas quitté la terre.
Très violent avec la femme, brutalité avec Françoise.
Mais par-dessus tout la passion de la terre, qui le grise, qui le fait délirer. Et quand il apprend que le père a une rente de 400 fr., la pente au crime pour les avoir.
L’appétit toujours tenté de se satisfaire immédiatement. Il se rue sur ce qu’il désire. Puis la peur du gendarme qui l’arrête seule, le réduite à la sournoiserie et à la ruse. À la fin, il ruse pour tuer son père. L’animal carnassier dont la société a fait un finaud, et qui donne des coups de dents quand il se croit à l’abri de la loi. Mais grandi par sa passion de la terre.
Brutal et sournois, cupide et jouisseur : calculateur, avec ses vices qui grandissent à mesure qu’il avance en âge. D’un degré plus avant dans le siècle que son père, par son séjour à la ferme ou à la ville. Travailleur, par son amour de la terre, mais braque. Entêté aux vieilles coutumes, méthodes, voulant tout de la terre en la violentant, profonds labours, du fumier, mais sans logique ni science ; et sa rage contre la terre quand elle ne donne pas tout ([?] 45, très important). Son opposition avec Delhomme. »
Documents préparatoires de La Terre, NAF 10329, f° 33-37.
BIOGRAPHIE
Second fils du père Fouan. Frère de Jésus-Christ et de Fanny Delhomme. Cousin et mari de Lise Mouche. Père de Jules et de Laure. Chez lui, le grand nez des Fouan s’est aplati, tandis que le bas de la figure, les maxillaires s’avancent en mâchoire puissante de carnassier. Les tempes fuient, tout le haut de la tête se resserre, et, derrière le rire gaillard de ses yeux gris, il y a, dès sa jeunesse, de la ruse et de la violence. Il tient de son père le désir brutal, l’entêtement dans la possession, aggravés par l’avarice étroite de la mère. Vif et gai avec les camarades, il est féroce au marché, têtu, insolent, menteur, voleur à vendre les choses trois fois leur prix et à se faire donner tout pour rien. Il doit le surnom de Buteau à sa mauvaise tête, continuellement en révolte, s’obstinant dans des idées à lui qui ne sont pas celles de tout le monde. Même gamin, il n’a pu s’entendre avec ses parents. Plus tard, après avoir tiré un bon numéro, il s’est sauvé de chez eux pour se louer d’abord à la Borderie, où il a connu Jean Macquart, ensuite à la Chamade.
C’est un vrai terrien, ne connaissant qu’Orléans et Chartres, n’ayant rien vu au delà du plat horizon de la Beauce. Il tire un orgueil d’avoir ainsi poussé dans sa terre, il a les obstinations bornées d’un être attaché au sol. Quand le père Fouan fait le partage des biens, Buteau refuse violemment sa part, se prétendant volé, et il conserve cette attitude hostile pendant plus de deux ans, vivant dans une rage faite de désir et de rancune, ne cédant enfin que lorsque la création d’un chemin donne à son lot une grande plus-value. Amant de sa cousine Lise, il l’avait laissée là, le ventre gros, dans son égoïsme de mâle brutal, et il ne consent à l’épouser que beaucoup plus tard, quand Lise, héritière du père Mouche, est devenue un bon parti. C’est alors l’ivresse de la terre conquise, c’est une grande passion satisfaite.
Buteau n’a qu’un amour, la terre. Quand la terre souffre, il est d’humeur exécrable et il redevient gentil, conciliant et goguenard si la récolte s’annonce bien. Voulant du blé qui rapporte, mais pas de mioches qui coûtent, il est furieux des grossesses de sa femme. Avare, il a des colères devant les contributions à payer, se révoltant contre le percepteur, dans une haine séculaire contre ces feignants de bourgeois. Il marchande la rente du père Fouan et, dans une crise de rapacité, bouscule si rudement sa mère qu’elle tombe pour ne plus se relever. Mais un danger le menace, la moitié du bien des Mouche appartient à Françoise, la jeune sœur de Lise ; l’idée d’un partage est insupportable à Buteau, rien ne l’arrêtera pour conserver tout l’héritage. Il voudra d’abord coucher avec la jeune fille, combinaison qui arrangerait tout car il posséderait les deux femmes et la totalité du bien. Devant un projet de mariage qui ruine ses espérances, il devient enragé. Puis, sa belle-sœur mariée à Jean Macquart, le désir du mâle, né d’une longue poursuite infructueuse, s’exaspère en lui, il projette confusément des violences, des assassinats que la terreur des gendarmes l’empêche seule de commettre. Enfin, la grossesse de Françoise achève de l’affoler, car l’enfant qui vient abolirait définitivement l’espoir tenace qu’il nourrit de rentrer en possession du bien. Et désormais Buteau est mûr pour le crime. D’accord avec sa femme, il viole Françoise que Lise précipite ensuite sur une pointe de faux. Et ils héritent d’elle. Et ils chassent le mari dépouillé. Et comme le père Fouan, pourtant déchu et déprimé, a vu le meurtre, ils le tuent, lui aussi. Et, devant la terre reconquise par le sang, toute la chair de Buteau se met à trembler de joie, comme au retour d’une femme désirée et qu’on a cru perdue.
(La Terre)