FICHE PERSONNAGE
« Palmyre Pégout. Née en 1825 de sa mère Julie née en 1800. Elle donc trente-quatre ans en 59 et 45 ans en 70. – Grande comme sa grand-mère, mais pâle, effacée, tremblante. Déjà fanée, cheveux rares et pâles. Face plate, fade, couverte de son, sans caractère, avec des traits mous. Fait des journées, de la couture surtout. Puis des grands travaux quand il n’y a pas de couture. Mais sans force et s’exténuant. Vivant avec son frère dans un taudis, et le soignant, se dévouant avec lui. On dit qu’ils couchent ensemble, elle aurait poussé l’affection jusqu’à lui servir de femme. Elle, personne ne l’a jamais demandée ; sauf un qui a pu coucher avec, puis qui a disparu, soit à l’armée, soit autrement. Bonne, douce, tremblante. »
Documents préparatoires de La Terre, NAF 10329, f° 42-43.
BIOGRAPHIE
Sœur d’Hilarion. Grande femme d’une trentaine d’années, qui en paraît bien cinquante. Elle a les cheveux rares, la face plate, molle, jaune de son, une longue face de misère, flétrie déjà, hébétée à force de travail, où il n’y a plus que des yeux de bonne chienne, au dévouement clair et profond. La sœur et le frère logent dans une ancienne écurie abandonnée, en parias, en êtres près de la terre, dont personne n’a voulu. Cassée, épuisée par des travaux trop pénibles, menant une vie dolente, sans une amitié, sans un amour, une existence d’animal traité à coups de fouet, Palmyre a pour l’infirme des soins passionnés, c’est une tendresse de mère qui va jusqu’à l’inceste, elle est la femme d’Hilarion parce que les autres filles le rebutent et qu’après lui avoir gagné du pain, elle peut bien encore, le soir, lui donner ce régal qui ne coûte rien. À trente-cinq ans, cette femme, qui porte des fardeaux à se rompre les reins, a un visage couleur de cendre, mangé ainsi qu’un vieux sou. Buteau qui l’emploie aux moissons, l’embauche à la tâche parce qu’il ne la trouve plus assez forte, et elle s’éreinte à des besognes d’homme, achevant de laisser boire sa vie au brûlant soleil, dans cet effort désespéré de la bête de somme qui va choir et mourir. Elle succombe en liant des gerbes, foudroyée par une insolation ; on la trouve allongée, la face au ciel, les bras en croix, crucifiée sur cette terre qui l’a usée si vite à son dur labeur et qui l’a tuée.
(La Terre)