FICHE PERSONNAGE

« 40 ans. Un homme sec et noueux, avec une grosse tête, un mufle de lion. D’une laideur puissante.

Très intelligent, très fort, mais ne pouvant rien faire, paralysé par l’administrateur ; et coupant dès lors des jambes et des bras au petit bonheur. Très violent et très dur, par moments. Très mal secondé d’ailleurs.

Lui donner un rôle dans le sens de la vérité. Où en était la chirurgie militaire, et le rôle qu’elle a pu jouer. »

Documents préparatoires de La Débâcle, NAF 10286, f° 117.

BIOGRAPHIE

Médecin-major au 106e de ligne (colonel de Vineuil). Gros homme à la tête puissante, au mufle de lion. À Reims, le 22 août, rencontrant l’empereur entouré d’une brillante escorte, il a vu à fond, de son coup d’œil de praticien, cette face très pâle et déjà tirée, ces yeux vacillants, comme troublés et pleins d’eau, et d’un mot il à arrêté son diagnostic : Foutu. Pendant la bataille de Sedan, il installe son ambulance dans la fabrique Delaherche, qui s’encombre bientôt de blessés ; c’est un déchargement affreux de pauvres gens, les uns d’une pâleur verdâtre, les autres violacés de congestion. Les opérations se succèdent, les minces couteaux d’acier luisent, les scies ont à peine un petit bruit de râpe, le sang coule par jets brusques, c’est un va-et-vient rapide d’amputés. Derrière un massif de cytises, on a établi le charnier où sont jetés les morts, raidis dans le dernier râle ; et près des cadavres, pêle-mêle, des jambes et des bras coupés s’entassent aussi, tout ce qu’on rogne, tout ce qu’on abat sur les tables d’opération.

Plein de hâte et d’énergie, les durs cheveux hérissés sur sa tête énorme, le major souffle de lassitude ; c’est un solide, il a une peau dure et un cœur ferme, pourtant il éprouve une immense désolation, il est paralysé par l’ « à quoi bon », par le sentiment qu’il ne fera jamais tout, par son impuissance à sauver tous les pauvres diables en bouillie qu’on lui amène. La pratique et l’impérieuse discipline le remettent d’aplomb, il opère toujours, sans même endormir les patients, maintenant qu’il n’a plus de chloroforme.

Pendant 1’insurrection de Paris, on le retrouve à l’armée de Versailles, il consent à soigner un de ses anciens soldats, Maurice Levasseur, mortellement blessé dans les rangs de la Commune.

(La Débâcle)

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